André Pèlegrin : "L’immunothérapie contre le cancer du pancréas"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 21/06/2007 Mis à jour le 21/11/2017
Un nouvel espoir dans la lutte contre le cancer ? L’immunothérapie serait plus efficace que les autres traitements du cancer du pancréas. La tumeur cesserait de grandiret une rémission complète pourrait survenir. C’est la conclusion d’André Pèlegrin, directeur de recherche Inserm au centre de recherche en cancérologie de Montpellier, spécialisé dans l’immunociblage.


Qu'est-ce qui vous a donné l'idée de cette étude ?

Les HER sont des récepteurs présents à la surface des cellules du pancréas et ils ont la particularité d’être actifs par deux et d’agir surtout avec HER2. En immunothérapie, c’est ce récepteur qui est visé par les anticorps monoclonaux. L’intérêt de notre étude est d’associer deux anticorps pour cibler deux récepteurs HER : EGFR et HER2. L’action d’un seul était déjà efficace, celle de deux l’est plus encore.

Comment avez-vous procédé ?

Le récepteur HER2 est connu en immunothérapie comme étant responsable du développement anarchique des cellules cancéreuses. Ce récepteur est présent à la surface des cellules cancéreuses du pancréas. Les récepteurs de la famille des HER ont la particularité d’agir par deux, notamment avec HER2. Nous avons donc eu l’idée d’inhiber simultanément l’action de HER2 et d’un autres membres de sa famille : HER1 plus connu sous le nom d’EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor). Nous avons donc utilisé deux anticorps monoclonaux dirigés contre chacun des deux récepteurs, soit anti-EGFR et anti-HER2.

Après des tests in vitro qui ont prouvé que l’association des deux anticorps diminuait l’action des récepteurs HER1 et HER2, nous sommes passé aux modèles in vivo, c’est-à-dire à l’expérimentation sur la souris. Des carcinomes pancréatiques ont été greffés sur ces souris et des injections d’anticorps leur ont été faites deux fois par semaine pendant quatre semaines. Nous avons suivi l’évolution du cancer, que ce soit à la suite d’une injection des anticorps anti-EGFR et anti-HER2 seuls ou combinés.

Quels résultats avez-vous obtenus ?

Les carcinomes pancréatiques des souris qui ont reçu une injection des deux anticorps en même temps ont cessé de croître et à long terme, certains ont complètement disparus.

L’injection des deux anticorps est plus efficace contre la progression du carcinome que l’injection d’un seul anticorps. De même, l’injection d’un seul anticorps à forte dose est moins efficace que l’injection des deux à plus faibles doses.

Immunothérapie : la stimulation du système immunitaire

Le but de l’immunothérapie est simple : aider le système immunitaire du patient à être plus efficace. Les mécanismes naturels de défense de l’organisme sont mobilisés plus rapidement pour détruire les cellules cancéreuses.

Les principaux médicaments mis au point par les chercheurs vont dans ce sens : faciliter la communication entre les cellules immunitaires, ralentir la prolifération des tumeurs pour laisser le temps aux cellules immunitaires d’agir.

Ainsi, les principales molécules utilisées dans le cadre de l’immunothérapie sont : les interférons, les interleukines et les anticorps spécifiques.

Les interférons sont sécrétés naturellement par l’organisme lorsque celui-ci subit une agression virale. Une de leur propriété est de bloquer la prolifération des cellules cancéreuses. Les interférons sont injectés au patient sous la peau. La dose à injecter est calculée en fonction de chaque patient et de chaque cancer.

Les interleukines sont des messagers produits par les lymphocytes, elles permettent aux cellules du système immunitaire de communiquer entre elles.

 

Les anticorps monoclonaux comme l’anti-HER2 permettent de bloquer spécifiquement l’action du récepteur HER2 présent à la surface d’un certain type de cellules cancéreuses. Ces récepteurs sont d’ailleurs plus nombreux sur ces cellules dont ils induisent la multiplication. Inhiber ces récepteurs, c’est inhiber la croissance de la tumeur.


Comment les anticorps agissent sur les cellules cancéreuses ?

En temps normal, les récepteurs présents à la surface des cellules sont stimulés par des molécules particulières – appelées ligands. Celles-ci déclenchent la division cellulaire et, dans le cas des cellules cancéreuses, elles favorisent le développement de la tumeur.

Les anticorps que nous avons injectés à la souris se fixent sur les récepteurs et agissent comme inhibiteurs de la division cellulaire. Les cellules ne se divisent plus, le carcinome cesse de grandir.

A terme, le système immunitaire de la souris réussira à détruire la tumeur, éradiquant le cancer.

Quelle est la suite du programme ?

Des études cliniques sont actuellement mises en place. Si on en est rapidement arrivé aux études cliniques sur l’homme c’est dû au fait que les anticorps de cette étude – anti-EGFR ou anti-HER2 – sont déjà commercialisés et autorisés dans le traitement du cancer chez l’homme. Il ne reste plus qu’à monter l’étude clinique et un partenariat avec les entreprises qui fabriquent les anticorps.

En règle général, la première étude clinique est menée sur une trentaine de patients et les suivantes portent sur un plus grand nombre de patients. Cela prendra plusieurs années.

Dans le meilleur des cas, les résultats de la première étude montreront que l’efficacité observée chez la souris se confirme chez l’homme et alors l’application médicale sera accélérée.

Si un traitement pour l’homme aboutit, il pourra être suivi par toutes les personnes souffrant du cancer du pancréas, il pourra être administré sous forme d’injection intraveineuse en hospitalisation. La dose d’anticorps à injecter sera de l’ordre de la centaine de milligrammes par semaine. Pour prescrire ces doses on se base sur celles recommandées en immunothérapie (voir notre encadré sur l’immunothérapie)

Votre découverte peut-elle s’appliquer pour d’autres cancers ?

Tout à fait. Elle est applicable à toutes les tumeurs digestives – le cancer du côlon, de l’œsophage, de l’estomac – en fonction de leur expression des récepteurs HER1 et HER2.

Et l’idée d’utiliser 2 anticorps peut également profiter dans le traitement d’autres cancers par immunothérapie.

Traitement du cancer du pancréas : où en est-on ?

Elles sont peu nombreuses et pas vraiment efficaces. Ce sont principalement les méthodes de traitements habituelles des cancers : la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie.

La chimiothérapie cherche à stopper la division cellulaire chez les cellules qui se multiplieraient trop rapidement. Elle peut donc être particulièrement dans le cadre des tumeurs à forte croissance, mais elle affecte aussi les cellules non cancéreuses qui se divisent rapidement comme celles responsables de la pousse des cheveux ou de la régénération des cellules sanguines. Les effets secondaires à cette thérapie sont donc très lourds : perte de cheveux, hémorragies…

La radiothérapie permet d’éliminer les cellules cancéreuses aux rayons X, mais elle doit être extrêmement précise pour ne pas endommager les tissus ou organes voisins sains. De mauvais étalonnages des appareils peuvent provoquer de graves séquelles aux patients.

La chirurgie, à laquelle on peut toujours avoir recours, représente malheureusement une opération lourde pour l’organisme. Elle n’est réalisable que dans 25% des cas et consisterait à l’ablation de la tumeur si celle-ci se limite au pancréas. Dans certains cas de cancer avancés, les voies biliaires sont comprimées par la tumeur. La chirurgie peut alors dériver les voies biliaires directement dans l’intestin grêle.

Propos recueilli par Rébecca Mailly le 7 juin 2007

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