Michèle Froment-Védrine : "Ouvrez vos fenêtres"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 13/08/2008 Mis à jour le 10/03/2017
En France, comme dans tous les pays tempérés, nous passons en moyenne 85% de notre temps à l’intérieur, dans des environnements clos. Sommes-nous pour autant à l’abri de la pollution ? Malheureusement non ! Les habitations, les bureaux, les lieux publics et la plupart des lieux fermés abritent des molécules qui pourraient être aussi nocives sur la santé que celles que l’on trouve à l’extérieur, dans les atmosphères polluées. Que sait-on de la pollution intérieure ? Quels en sont les sources et les effets ? Comment l’étudie-t-on ? Est-on aujourd’hui en mesure de donner des recommandations ? Le point avec Michèle Froment-Védrine, directrice générale de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (Afsset).

LaNutrition.fr : Depuis quand s’intéresse-t-on à la pollution intérieure en France ?

Michèle Froment-Védrine : Par rapport aux Etats-Unis, ça fait très peu de temps. Un Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) a été créé en 2001 et les premiers travaux ont commencé il y a 3-4 ans. La pollution intérieure est restée relativement méconnue jusqu’à présent, à la différence de la pollution extérieure qui fait l’objet de réglementation et dont on parle beaucoup.

Pourquoi a-t-on décidé de s’y intéresser ?

Depuis la crise pétrolière, les gens vivent calfeutrés chez eux, dans des environnements peu aérés. Or, on sait aujourd’hui que l’atmosphère intérieure est une « soupe » constituée de diverses molécules, dont certaines sont toxiques, et auxquelles sont exposés les occupants. On cherche aujourd’hui à savoir quelle est la contribution de ces atmosphères particulières aux cancers, aux allergies, à l’asthme et aux problèmes de la reproduction.

Quelles molécules sont incriminées dans la pollution intérieure ?

On trouve les formaldéhydes dans de très nombreux produits ménagers. Les composés organiques volatils (COV) sont quant à eux trouvés dans les vernis, les colles pour moquettes, les bois agglomérés, les cloisons (« placo »), les peintures, les parquets… Les COV ne sont pas forcément des substances artificielles. Les parquets de pin émettent par exemple des COV naturels qui sont eux aussi toxiques.
Il y a aussi les polluants « naturels » comme les acariens ou les moisissures. Leur présence dans les habitats peut être liée à la qualité des moquettes. En générale, si les moquettes sont de bonne qualité ou traitées anti-acariens elles agrègent moins les acariens. Il y a aussi les moisissures que l’on trouve dans les lieux qui ne sont pas aérés. Beaucoup de gens ne savent pas toujours qu’elles sont nocives. Elles émettent des éléments toxiques pour la santé.

Quels sont les effets des polluants sur la santé ?

Il y a d’abord les allergies. 30% des enfants sont asthmatique. C’est un chiffre en constante progression, ce qui est attribuable à l’alimentation, aux plantes, aux graines, aux pollens, ou aux pollutions extérieure et intérieure. Quelle est la part attribuable à cette dernière ? C’est très difficile à calculer et ça coûte cher.
Il y a également des effets sur la reproduction avec des conséquences sur la stérilité, les fausses couches. Encore une fois, quelle est la part attribuable à la pollution quand par exemple les femmes font des enfants à quarante ans ?
Idem pour le cancer. L’Inserm estime que l’environnement serait responsable pour 5 à 10% des facteurs. Si on inclut dans l’environnement l’alimentation, le tabac et l’alcool, alors ce pourcentage monte à 80%.

Que sait-on des effets des polluants intérieurs sur la santé ?

Pour l’instant, on n’a aucune certitude. L’air intérieur, c’est un peu de toutes les substances durant toute la vie, à différentes doses selon le lieu, avec des moments où l’on est plus vulnérable qu’à d’autres (enfance, grossesse...) Quels sont les effets d’une petite dose d’un produit durant toute une vie ? On ne le sait pas. La grande difficulté c’est d’agréger toutes ces petites doses variables au cours de la vie et de parvenir à attribuer la part relative à telle polluant ou famille de polluants. C’est extrêmement complexe. Ça explique en partie que l’on ne sache encore que peu de chose sur les effets des polluants. Dire aujourd’hui « telle molécule est responsable de telle maladie » est une aberration. Il faut faire très attention aux raccourcis ! Pour l’instant, la première recommandation que l’on peut faire c’est d’ouvrir les fenêtres, d’aérez les maisons.

Pourquoi est-ce si difficile d’étudier l’impact des polluants intérieurs sur la santé ?

Parce que les gens sont exposés à une « soupe » qui est très variable selon les modes de vie. En plus, l’air intérieur se mélange aussi à l’air extérieur. S’ils vivent à la campagne ou en ville, dans un logement neuf ou ancien, s’ils ont fait des rénovation, s’ils ont fait tel ou tel type de travaux, s’ils vivent à proximité d’une autoroute, d’une usine… ils ne sont pas exposés aux même molécules, à la même « soupe ». Et puis les gens ne vivent pas seulement dans leur logement, ils vont à l’école, à l’usine, au supermarché… Il y a donc une masse très importante d’informations à traiter pour savoir à quoi les gens sont exposés, combien ils y sont exposés et surtout quelle est la part des effets sur la santé attribuable à chaque molécule ou à chaque famille de molécules. La grande difficulté est de savoir comment agréger ces petites doses qui varient au cours de la vie.
C’est beaucoup plus facile d’évaluer l’effet d’une ou deux molécules trouvées en abondance dans un atelier de peinture sur la santé des personnes qui y travaillent quotidiennement. C’est comme ça que l’on a découvert que le formaldéhyde ou les éthers de glycol ont, à forte dose, un effet toxique sur la reproduction. Mais à petite dose ? On n’est pas encore en mesure de le dire…

Propos recueillis par Véronique Molénat

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