Antidépresseurs : peu efficaces et dangereux

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 27/02/2008 Mis à jour le 06/02/2017
Et si le Prozac était une arnaque ? Une étude anglaise parue dans PLoS-médecine met en doute l’efficacité de certains antidépresseurs et leur prescription massive.

L’industrie pharmaceutique est-elle adepte de la politique de l’autruche ? Peut-être, si l’on considère que la différence entre l’effet d’un antidépresseur et celui d’un placebo est quasi nulle. C’est ce que vient de montrer une étude de l’Université britannique de Hull en analysant des études cachées au public.

 

Un groupe d’experts a analysé les résultats de 47 essais cliniques portant sur les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), antidépresseurs de nouvelle génération, comme le Prozac. Certaines de ces études ont déjà été publiées, d’autres non. En tout cas elles ont toutes été mises à la disposition des organismes de certification anglais et américains.

 

Résultat : les ISRS n’ont pas plus d’effet que les placebos sur les dépressions légères et la plupart des dépressions graves. Pour les dépressions les plus graves, la différence est liée à une moindre réaction des patients au placebo plutôt qu’à l’efficacité des antidépresseurs.

 

« La différence d’amélioration entre les patients prenant des placebos et ceux prenant des antidépresseurs de type ISRS n’est pas très importante. Cela signifie que les personnes souffrant de dépression peuvent aller mieux sans traitement chimique », explique le professeur Irvin Kirsh du département de psychologie de l’Université de Hull.

 

Les antidépresseurs en question sont parmi les plus prescrits : la fluoxetine (Prozac), la venlafaxine (Efexor) et la paroxetine (Seroxat). Les firmes pharmaceutiques n’ont d’ailleurs pas tardé à riposter. Un porte parole d’Eli Lilly, fabriquant du Prozac, a déclaré qu’une « expérimentation médicale et scientifique approfondie a démontré que la fluoxetine est un antidépresseur efficace ». Le fabriquant du Seroxat a lui indiqué que l’étude réalisée par l’université de Hull est incomplète et omet d’aborder les effets positifs des antidépresseurs ISRS sur les patients.

 

Pour le ministère de la Santé britannique, « prescrire des médicaments est pour de nombreuses personnes un traitement qui marche mais les psychothérapies sont aussi efficaces et plus performantes à long terme ».

 

« Ces résultats sont très importants », précise le professeur Tim Kendall, directeur adjoint au Collège royal de psychiatrie, soulignant qu’il serait « dangereux » que les industriels pharmaceutiques ne publient pas l’ensemble des études à leur disposition.

 

En France, la consommation d’antidépresseurs est trois fois supérieure à celle des autres pays européens. Un homme sur 10 et une femme sur 5 seront atteints par un épisode dépressif au cours de leur vie. En attendant, les autorités sanitaires déconseillent fortement d’arrêter le traitement sans avis médical.

La consommation d'antidépresseurs a notamment profité de l'interdiction abusive, pendant de longues années, du précurseur de la sérotonine, le L-tryptophane. Le L-tryptophane est un acide aminé naturellement présent dans les protéines. Les suppléments de L-tryptophane (et de son métabolite, le 5-hydroxytryptophane) augmentent naturellement la synthèse de sérotonine et ont démontré leur efficacité dans le traitement des épisodes dépressifs. En dépit de ces résultats ou plus vraisemblablement à cause d'eux, le L-tryptophane a été interdit en janvier 1990 en France (un arrêté du 14 mai 1991 a prolongé cette interdiction) au moment où le Prozac était lancé sur le marché mondial. Motif : le L-tryptophane provoquerait un syndrome d’éosinophilie myalgie (EMS), parfois mortel.

En réalité, ces troubles étaient dus à un agent contaminant entrant dans le processus de fabrication. Le L-tryptophane est à nouveau autorisé en France.



Céline Soleille

Kirsch I, Deacon BJ, Huedo-Medina TB, Scoboria A, Moore TJ, et al. (2008) Initial Severity and Antidepressant Benefits: A Meta-Analysis of Data Submitted to the Food and Drug Administration. PLoS Med 5(2): e45

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