Bisphénol A : Le Pr Jean-François Narbonne répond à Marie-Monique Robin

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 19/12/2016 Mis à jour le 13/03/2017
Point de vue
La journaliste Marie-Monique Robin a insinué sur France Inter que le Pr Jean-François Narbonne, toxicologue, collaborateur de longue date de LaNutrition.fr, avait été payé par Total pour défendre le bisphénol A. Il répond point par point à ces accusations.

Voici ce qu'a déclaré Mme Marie-Monique Robin au micro de Léa Salamé dans le le 7/9 de France Inter le 1er décembre 2016.

Léa Salamé : C’est quoi les perturbateurs endocriniens (PE) ?

Marie-Monique Robin : Quand j’ai écrit mon livre, « Notre poison quotidien », je ne connaissais pas ce mot. Y’a plein de Français qui ne savent toujours pas ce que c’est. Alors ce sont des hormones de synthèse, elles sont fabriquées dans des laboratoires, elles agissent comme des hormones. Les industriels s’en servent pour plein de raisons. Quand vous vous plongez là-dedans, vous dites c’est dingue quoi. Il y en a une dont on a beaucoup parlé qui est le BPA [bisphénol A, NDlR] qui permettait de rendre les plastiques durs. C’est les bébés qui buvaient les biberons. Là la France chapeau : c’est le seul pays qui a décidé de l’interdire pour ce qui est des récipients alimentaires et surtout les biberons qui passés au micro-onde, l’hormone de synthèse passait dans le lait. Quand ces hormones entrent dans le corps d’une femme enceinte, le bébé qu’elle a dans son ventre, comment il grandit, grâce à des hormones.

L.S. : Est-ce qu’on a prouvé le lien entre les effets (cancer stérilité…) et les PE ?

M-M. R. : Si vous avez 100 scientifiques qui signent une tribune c’est que vous n’avez aucun doute sur ces effets-là.

La controverse est entretenue par des « scientifiques » qui sont payés par des agences de communication des industriels pour faire croire qu’il y a une polémique alors qu’il n’y a pas de controverse. C’est un peu le même principe que le tabac. Ils ont (dit) pendant des décennies du poumon : Oh il y a une étude qui dit que ça donne le cancer du poumon, on va faire faire une autre étude par un laboratoire « privé » qui va dire non il n’y a pas de problème.

Il y a un vrai business qui est la fabrique du doute et le modèle c’est le tabac comment on entretien une fausse controverse scientifique. Le problème est que les médias ne devraient pas relayer les études sans en vérifier qui les a financés. Il y a des exemples où qui parle à la radio. Un exemple : Jean François Narbonne toxicologue à Bordeaux dans l’affaire du Bisphénol A (BPA). Je me retrouve dans une antenne de la maison face à lui. Il dit « le BPA il n’y a pas de problème » et après on voit sa déclaration de conflit d’intérêt auprès de l’AFSSA, son laboratoire est payé par Total qui a une filiale Arkéma qui était le premier producteur de BPA de France. Eh bien vous pouvez douter de la parole de Mr Narbonne et je le dis parce que je l’ai écrit sur mon blog.

Il y a plein de cas comme ça. J’avais interviewé un épidémiologiste américain qui avait parlé de « science prostituée » c’est un fait et c’est vrai malheureusement dans beaucoup de domaines et c’est le cas pour les perturbateurs endocriniens.

Mes réponses à Mme Robin

J’ai été évidemment choqué par les propos hallucinants tenus par Mme Robin. Etre traité d'exemple de la "science prostituée" dépasse toutes les injures que je reçois habituellement dans ma lutte pour mettre la science au service l'environnement et des citoyens. De tels propos diffamatoires impliquent un droit de réponse basé sur des faits objectifs. Je vais donc répondre point par point, aux arguments avancés par Mme Robin. Mes réponses portent sur 9 points précis.

Définition des PE

Le premier élément de surprise vient dès la réponse de Mme Robin à la question sur la définition des PE. Elle ne donne pas de définition mais dénonce un complot dans lequel les industriels synthétisent des hormones qu'ils mettent dans les plastique et dans l'environnement. La réalité est tout autre. Les perturbateurs endocriniens (PE) sont « des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle étrangères à l’organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants ».

Il ne s’agit donc pas uniquement de substances de synthèse d’origine industrielle (antioxydants, pesticides plastifiants ou médicaments) mais aussi de substances exogènes (étrangères à notre métabolisme), ce qui inclut de très nombreuses substances naturelles (comme les phytoestrogènes, certains métaux de la croute terrestre…).

En fait, la découverte des effets des PE a été faite dans les années 60 par l’observation des effets reprotoxiques du DDT sur les oiseaux de proie aux USA.  Depuis, les nombreux mécanismes d’action ont été en grande partie décodés et des tests spécifiques développés pour révéler les potentialités de perturbation endocrinienne des substances présentes dans notre environnement. On avait eu les mêmes problèmes quand, quelques décennies auparavant, on avait identifié le problème des cancérigènes et génotoxiques.

Le BPA

Il s’agit ici du premier point important de la controverse scientifique entre la position des Agences AFSSA / AFSSET puis ANSES et celle des associations écologistes étant intervenues auprès des parlementaires pour imposer des interdictions en urgence. Ma position sur le sujet n’est pas directement issue des travaux de mon laboratoire mais de ma connaissance des dossiers comme expert des groupes d’experts publics de ces Agences. Sur une auto-saisine de 2004 nous avions établi une liste prioritaire de substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) et PE en se basant sur leur niveau d’exposition et sur leur potentiel toxique.

Cinquante substances ont été classées, les 3 premières étant les phtalates les plus toxiques et de loin les plus présents dans le corps humain. Le BPA était classé en 27ème position. Alors que le pouvoir PE pour les phtalates prioritaires et le BPA étaient voisins, les phtalates étaient 10 fois plus présents dans le corps des femmes enceintes (données InVS). Ainsi la plupart des substances classées ont été interdites (en particulier de nombreux pesticides) ou fortement limitées (en particulier métaux lourds). Pour les phtalates et le BPA, vu la diversité des usages, les mesures de gestions (interdiction et substitution) devaient se baser sur la connaissance réelle des usages, des contributions aux expositions et sur la toxicité éventuelle des substituants. L’étude des phtalates a été prise en charge au niveau européen, alors que le problème du BPA a été confié au niveau national à des groupes d’experts AFFSA / ANSES.

Lire : 3 raisons de limiter l'exposition aux phtalates pendant la grossesse

Les biberons

Avant que le premier rapport d’expertise sur le BPA soit publié (septembre 2011) et pendant que les instances européennes préparaient les mesures d’interdiction d’usage des phtalates concernés, des associations écologiques ont alerté les parlementaires et demandé une interdiction rapide des biberons en polycarbonate contenant du BPA. Or cette demande n’était pas justifiée par une analyse des risques scientifique mais par un niveau de médiatisation sur Internet aux USA et au Canada. Pour ce qui concerne l’exposition des enfants au BPA, les biberons ne contribuaient que pour 4% alors que 40% venait des boites de lait artificiel ou du lait maternel comme l’indiquait l’étude réalisée par l’ANSES.

Les modèles d’exposition montraient que l’interdiction des biberons en polycarbonate ne modifierait pas significativement l’exposition des enfants. La logique voulait donc que les mesures de gestion portent sur les boites de lait artificiel et sur l’exposition des mères (femmes enceintes et allaitantes). Or chez l’adulte les principaux contributeurs à l’exposition étaient les aliments en conserve, en particulier les plats préparés gras. Or en termes de retombées médiatiques, « les biberons étaient plus rentables que les boites de conserve » parce que dans le premier cas on avait une solution immédiate qui était le remplacement par des biberons en verre alors que dans le second cas il fallait attendre de mettre au point des résines pouvant se substituer au BPA pour le revêtement intérieur des boites. Pour les biberons il est vrai que le passage au micro-ondes augmentait le taux de migration mais celui-ci n’était significatif que dans le cas des biberons usagés rayés et opaques, ce qui correspondait à un mésusage contraire aux recommandations d’emploi.

Les femmes enceintes

Dans ses propos Mme Robin fait justement référence aux femmes enceintes et à l’effet des PE sur le fœtus. L’application des modèles d’exposition utilisés par l’ANSES montrait que l’exposition moyenne des femmes enceintes avant et après interdiction d’usage du BPA comme revêtement interne des boites de conserve passait de 53 à 20 µg/kg/j, correspondant à une division par 10 des risques.

Comment donc, s’il s’agit de protéger en priorité le fœtus, justifier une mesure d’urgence sur les biberons ! On voit donc que contrairement aux propos de Mme Robin, la controverse avec certaines associations écologistes ne portait pas sur les bases scientifiques du danger et des risques du BPA mais sur les priorités et la pertinence des mesures de gestion. Pour montrer l’importance de leur rôle et leur implication dans la défense de la santé des consommateurs, ces associations dont Mme Robin se faisait le porte-parole, avaient devancé la sortie des rapports des agences sanitaires, dénonçant ainsi leur « immobilisme » et leur « soumission aux lobbies ».

Facteur de causalité

A la question sur les liens entre effets santé constatés au niveau épidémiologique et exposition aux PE, Mme Robin n’a pas vraiment répondu. Elle a simplement signalé que la tribune de 100 scientifiques dans le quotidien Le Monde était une preuve de l’existence d’un facteur de causalité, et de suite, elle a dévié vers les problèmes de désinformation. En fait, le seul consensus scientifique est que l’estimation des effets des PE sur la santé humaine est rendue très difficile en raison de nombreuses interrogations sur leurs mécanismes d’action, la multiplicité des substances concernées et des voies d’exposition, l’exposition à de faibles doses dans la durée ou à des périodes critiques du développement (gestation, lactation, puberté, par exemple).
Le rôle de plusieurs substances PE est à ce jour suspecté dans l’apparition de cancers hormonaux-dépendants (cancer du sein, de l’utérus, de la prostate et des testicules), mais les données actuellement disponibles ne permettent pas de confirmer ce lien. Le rapport ANSES sur les effets sanitaires du BPA conclut que des effets avérés ont été montrés chez l’animal et suspectés chez l’homme. Les associations les plus probables ont été rapportées pour les risques d’obésité, de diabète de type II ou de maladies cardiovasculaires (méta-analyses). On comprend donc pourquoi Mme Robin n’a pas argumenté sur la preuve d’un lien de causalité.

D’ailleurs l’exemple d’effets sur la qualité du sperme humain est intéressant. En effet à partir de l’après-guerre on a vu diminuer la qualité du sperme humain, en particulier en Amérique et en Europe à la fois sur la quantité et la conformation des spermatozoïdes. Cette diminution atteignait même 50% dans les années 1990 quand est paru le livre de Theo Colburn « Our stolen future » premier ouvrage destiné au grand public alertant sur les effets des PE.

Cette perte de qualité correspondait en fait au pic énorme de pollution que nous avons subi pendant les «30 glorieuses ». Or les trains de mesures d’interdiction ou de limitation drastique d’usage et d’émissions des PE les plus toxiques ont amené une diminution spectaculaire (de 60 à 90%) des expositions à ces substances. Les études sur une cohorte danoise ont montré que la qualité du sperme s’est stabilisée à partir des années 90 et qu’à partir de la fin des années 2000 on a vu une augmentation des paramètres de qualité de l’ordre de 6% par an. Des observations récentes en France ont confirmé cette inversion de la courbe de dégradation. De même parallèlement à la forte diminution des concentrations dans l’environnement de puissants PE comme le DDT ou les PCBs on a vu une récupération des capacités de reproduction des oiseaux prédateurs et des mammifères marins. Toutes ces informations ont donc été passées sous silence car n’allant pas dans le sens du message souhaité par certaines associations écologistes.

Science dévoyée

Plutôt que d’argumenter sur la réalité de liens de causalité entre PE et effets sanitaires en réponse à la question posée, Mme Robin parle de controverse entretenue par des « scientifiques » payés par des agences de communication des industriels pour faire croire qu’il y a une polémique alors qu’il n’y a pas de controverse. Le tabac est le modèle de la « fabrique du doute ». Le puriste remarquera l’imprécision de l’usage des termes controverse et polémique.

La controverse est une discussion entre scientifiques (en général de formations différentes) dans l’interprétation de faits scientifiques alors que la polémique ne repose plus sur des arguments scientifiques mais sur des raisons (cachées) économiques ou de communication. Or justement quand on est incapable d’argumenter dans le cadre d’une controverse scientifique, on passe à la polémique où l’interlocuteur est discrédité sous prétexte de liens d’intérêts. On est là au cœur de la position de Mme Robin qui ne connaissant rien aux PE comme elle l’avoue, va chercher des arguments polémiques.

Si je n’ai aucun renseignement particulier sur des scientifiques payés par des agences de communication, je sais que l’industrie du tabac s’est longtemps livrée à une désinformation sur les risques posés par la consommation de tabac. D’ailleurs le classement de la fumée de cigarette en cancérogène avéré par le Centre international de recherche sur le cancer (IARC) a été très tardif (2012). Les propos dérivent alors vers les médias « qui ne devraient pas relayer les études sans vérifier qui les a financées ». Ici on voit mal des journalistes de radio vérifier les centaines ou milliers de publications relatives à des sujets aussi complexes. Ce travail revient évidemment aux comités scientifiques qui analysent les publications disponibles en fonction de leur qualité (voir les fiches d’analyses donnant les éléments de jugement d’une publication dans les rapports de l’ANSES suivant les critères de la charte de qualité).

Jean-François Narbonne exemple dans « la fabrique du doute »

C’est alors que mon nom apparait de façon très surprenante dans l’interview et que je suis cité comme exemple de scientifique payé par les industriels pour fabriquer du doute. Mme Robin fait référence à une émission de radio où j’aurais déclaré « le BPA il n’y a pas de problème ».

On est ici au cœur de la diffamation car Mme Robin ne cite pas précisément mes propos mais en fait une interprétation. Comment aurais-je pu affirmer que l’inquiétude autour du BPA était ridicule puisque notre rapport ANSES démontrait qu’une partie de la population (16% des femmes enceintes) était au-dessus des repères toxicologiques que nous avions redéfinis compte tenu des dernières publications. La preuve que les propos qui me sont attribués ne correspondent pas à ceux que j’ai tenu au cours de l’émission de radio invoquée se trouve justement sur le blog de Mme Robin qui cite les propos exacts à la suite de l’émission du 15 Mars 2011 « Le grain à moudre » sur France Culture : « (JF Narbonne) affirme que l’interdiction des biberons contenant du Bisphénol A était une décision strictement politique destinée à satisfaire quelques excités écolos ».

On voit donc que mes critiques portent sur la mesure de gestion d’urgence qui était non justifiée d’après les données que nous avions collectées ou générées. On a d’ailleurs eu un autre exemple de l’action « décalée » de ces mêmes associations à propos du BPA dans les tickets de caisse. Leur intervention auprès de la grande distribution, non basée sur une approche scientifique du risque, a abouti à remplacer dans les tickets de caisse le BPA par du Bisphénol S encore plus toxique !

Lire : Bisphénols S et F plus toxiques que le bisphénol A !

Je me suis donc élevé devant l'énorme pouvoir médiatique et donc politique de ces " lanceurs d'alertes " alors que les avis des agences sanitaires n’étaient généralement pas suivis. Ces interventions directes auprès des parlementaires sans justification scientifique mais avec des buts électoralistes (rappelons que la gauche et les écologistes étaient alors dans l’opposition parlementaire) avaient fortement irrité les scientifiques des organismes de recherche (CNRS INRA INSERM Universités) qui travaillaient bénévolement aux rapports sur les effets sanitaires et sur les risques pour la santé humaine. Cette irritation explique aussi le contexte dans lequel l’émission de 2011 s’était déroulée.

La fabrique à mensonges

J’avais osé contredire publiquement une journaliste ayant eu le prix Albert Londres, devenue la porte-parole de l’écologie politique, sans pour autant avoir le moindre argument scientifique à m’opposer. Mme Robin et ses inspirateurs ont donc essayé la diffamation, car je ne pouvais, pour avoir critiqué leur action, qu’être à la solde des lobbies industriels. Comme l’indique Mme Robin sur son blog, c’est alors l’association dont elle s’est faite la porte-parole qui a été chargée de savoir quel étaient mes « donneurs d’ordre » cachés.

Voilà ce qui est dit sur le blog : « Mr. Narbonne a, semble-t-il, été recruté par l’AFIS (qui édite le bulletin « Science et pseudo-science ») pour s’attaquer à mon enquête (Notre poison quotidien). Par ailleurs, je publie la déclaration de conflits d’intérêts que Jean-François Narbonne a adressée à l’AFSSA / ANSES en janvier 2010. Peut-être peut on y trouver quelques raisons de son empressement à critiquer l’interdiction des biberons contenant du Bisphénol A car on note que le laboratoire de toxicologie du professeur Narbonne est financé par … Total, dont la branche chimique est Arkema qui représente l’un des principaux fabricants de … Bisphénol A!! »

C’est pratiquement mot pour mot ce que répète Mme Robin en 2016 dans son interview sur France Inter. Ce qui constitue la « preuve » de ma subordination aux lobbies industriels est en fait constitué de deux arguments : le premier est une supposition marquée par un conditionnel, j’aurais été « semble-t-il » recruté par un cabinet AFIS qui serait chargé de contrer les arguments avancés par les associations d’écologistes au moyen d’une revue « Science et pseudo-science ». Or bien qu’ayant écrit de nombreux articles dans différentes revues et sites internet, en particulier dans des revues écologistes, je n’ai jamais écrit dans ce bulletin. Il est quand même étonnant qu’une journaliste connue pour ses enquêtes opiniâtres, n’ait pas daigné vérifier une assertion faite au conditionnel. De plus un argument ne se réfute pas en invoquant la nature du vecteur le publiant mais en opposant d’autres arguments scientifiques recevables. Ceci reste cohérent avec la pratique habituelle de transformer une controverse scientifique en polémique.

Liens et conflits d’intérêt

La preuve de ma subordination aux lobbies industriels avancée lors de l’interview est basée sur un fait moins conditionnel. Elle a été trouvée sur le site de l'ANSES ou chaque expert indique ces « liens d’intérêt » qui est dénommée par Mme Robin « déclaration de conflits d’intérêt ».

Or justement la charte de qualité de l’expertise mise en œuvre à l’ANSES, exige une transparence sur les différents liens mineurs ou majeurs entre experts et milieux industriels pour éviter les conflits d’intérêt. Ces liens d’intérêt concernent les financements obtenus d’organismes privés à titre personnel (congrès, repas, ou expertises) ou au titre de son laboratoire (contrats, thèses) au cours des 5 années précédent la candidature comme expert. Il faut savoir que les laboratoires des organismes publics (CNRS, Université) sont financés par des crédits publics venant des établissements et des contrats avec l’agence nationale de recherche ou de contrats européens. Une partie très minoritaire peut venir de sociétés ou d’organismes privés, en particulier dans le cadre de bourses de thèses visant à faciliter les contacts des étudiants avec de futurs employeurs.

Dans ce cadre, la société Total avait, il y a plus de 10 ans, financé une thèse portant sur une application des méthodes originales (biomarqueurs) que j'avais mises au point pour évaluer la pollution chimique des milieux aquatiques. Pour Mme Robin, ce financement très ponctuel et très minoritaire dans le budget de mon laboratoire était la preuve que j’étais payé par Total pour défendre le BPA !!!

Si Total a financé une bourse de thèse d’un étudiant de mon laboratoire ce n’était pas pour produire de la fausse science sur la toxicité du BPA, mais pour tester mes méthodes de biodétection sur des effluents industriels.  Dans le cadre de mes activités de recherches, je n’ai d’ailleurs jamais travaillé ni publié sur le BPA alors que j’ai beaucoup travaillé sur d’autres PE (PCB, pesticides, nonylphénol…) plus présents comme contaminants des milieux aquatiques. D’ailleurs si ce financement historique d’un de mes étudiants avait constitué un conflit d’intérêt, je n’aurais pas pu être un des experts du groupe de travail sur le BPA. N’ayant aucun lien avec Arkéma, c’est par les déclarations de Mme Robin que j’ai appris que cette filiale de Total produisait du BPA. Mme Robin poursuit son propos par une preuve qu'elle veut faire croire irréfutable : « Vous pouvez douter de la parole de Mr Narbonne, je le dis parce que je l’ai écrit sur mon blog ». On atteint là des sommets dans le mépris pour la déontologie du journalisme, où on site son propre blog comme source d’information indiscutable !

Science prostituée

Mme Robin termine ses propos à mon sujet par une généralisation (« il y a plein de cas comme ça ») en citant un épidémiologiste américain parlant de « science prostituée ». Il est difficile d’aller plus loin dans l’injure et la diffamation. Il a fallu que Mme Robin soit profondément choquée par ma contestation dans l’émission de radio en 2011, révélant les manipulations politiques de militants écologistes dont elle s’était faite la porte-parole se servant du prétexte des problèmes liés aux expositions au BPA, pour que 5 ans après elle continue à « régler ses comptes » en montant dans les niveaux de diffamation et en citant des propos que je n’ai jamais tenus.

Diffamation et conséquences

Le problème est que ces preuves « indiscutables » de modèle de « science prostituée » présentées par une journaliste reconnue et influente, sont largement reprises dans différents médias portant fortement atteinte à mon image.

Par exemple le journaliste, Stéphane Foucard (spécialiste des changements climatiques !) reprend ces affirmations dans son livre  « La fabrique du mensonge : Comment les industriels manipulent la science » paru en 2013 : "Le professeur Jean-François Narbonne s’est ainsi exprimé publiquement un peu partout où il le pouvait, pour affirmer à quel point l’inquiétude entretenue autour du bisphénol A était ridicule, et comment les mesures d’interdiction relevaient de la pure politique et non des recommandations dc la science."

On voit ici qu’un journaliste se réfère comme source « fiable » au blog de Mme Robin avec ses preuves fabriquées. D’ailleurs quand on tape mon nom sur internet ont voit dans les premiers rangs le blog de Mme Robin rapportant ses mensonges, en totale contradiction avec mon engagement viscéral pour la lutte contre les pollutions de notre terre mère qui a motivé mon activité de chercheur, d’enseignant et d’expert.

Sans vouloir faire la liste de toutes mes activités au service de cette « cause », et en dehors de mon activité de recherche qui s’est traduite par plus de 250 publications dont plus de la moitié sur des PE, j’ai été l’expert judiciaire après de Paul François contre Monsanto, l’expert des apiculteurs contre le Gaucho, expert dans les affaires du Fipronil, du Chlordécone, de pollutions par incinérateurs ou décharges industrielles, sans compter des affaires dramatiques de non reconnaissance de maladies professionnelles. Comme expert d’agences sanitaires nationales, j’ai été à l’initiative du premier rapport sur les PE en 1995, et ai participé à de nombreux rapports sur les dioxines et PCBs, les métaux lourds, les mycotoxines, le fipronil, l’aspartame et le BPA. Dans ce cadre j’ai été à l’initiative des valeurs limites pour les dioxines, pour les PCBs et pour les HAP dans les aliments. 

En 2002 j’ai été l’un des rédacteurs du rapport de l’UNEP sur la pollution de la planète par les POPs et PTS (dont de puissants PE). Enfin mon image d’expert indépendant fait que je suis souvent invité comme conférencier par des associations écologistes et de défense des produits bio. Comme auteur de livres grand public sur le problème des pollutions (Toxiques affaires, Sang pour sang toxique) ces diffamations sont des atteintes graves à mon image d’indépendance et de scientifique rigoureux. La demande de Mme Robin que je ne sois plus reçudans des émissions de radio (ou de TV) est aussi une atteinte grave à mes activités d’expertise et de communication. Il est totalement inacceptable pour une journaliste influente d’utiliser une grande émission de radio pour  régler ses comptes avec quelqu’un incapable de répondre.

Il va de soi que je vais demander à France Inter un droit de réponse dans la même émission et que je me réserve la possibilité de donner des suites judiciaires aux déclarations de Mme Robin.

Pr Jean-François Narbonne, toxicologue, ancien expert auprès de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), expert auprès des tribunaux.  

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