3 bonnes raisons de limiter l’exposition aux phtalates pendant la grossesse

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 01/06/2016 Mis à jour le 10/03/2017
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L’exposition aux phtalates pendant la grossesse a des conséquences sur la santé future des enfants. LaNutrition.fr vous dit lesquelles et comment limiter les risques.

Si certains phtalates ont été interdits dans les jouets et articles de puériculture, peu de mesures ont été prises pour protéger le fœtus in utero. Notamment, en alertant les femmes enceintes des dangers potentiels liés à l’exposition aux phtalates pendant leur grossesse. Les phtalates pourraient en premier lieu être responsables du nombre croissant de naissances prématurées mais également avoir des impacts négatifs sur la santé des enfants exposés in utero. LaNutrition.fr vous donne trois bonnes raisons de limiter votre exposition pour protéger vos enfants.

Lire : les phtalates augmenteraient le risque de prématurité

Un risque d’obésité accru

Le phtalate de benzyle et de butyle (benzyl butyl phtalate ou BBP) est un produit chimique couramment utilisé dans les processus de fabrication de produits alimentaires. Une nouvelle étude parue dans le Journal of Molecular and Cellular Endocrinology montre que l'exposition à ce composé pourrait augmenter les réserves de graisse corporelle avant la naissance via des changements épigénétiques.

Le BBP fait partie de la famille des phtalates qui sont généralement utilisés pour rendre les plastiques mous et malléables. Il est utilisé dans de nombreux produits comme les tapis et revêtements de sol en vinyle. Cependant, la principale source d’exposition humaine vient de la consommation alimentaire. Le BBP n’est pas utilisé dans la préparation des aliments mais il est présent dans les machines utilisées dans les processus de fabrication d’aliments préparés (courroies transporteuses, raccords en plastiques…). La contamination des aliments se fait lors du contact entre ces dispositifs et les aliments. En Europe, le BBP est interdit dans les jouets et articles de puériculture fabriqués au sein de l’Union Européenne ou importés. Il a également été interdit dans la fabrication des vernis à ongles en raison de sa toxicité.

Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé des cellules souches animales et ont étudié les modifications épigénétiques après avoir exposé les cellules au BBP. Ils ont comparé leurs résultats à ceux obtenus avec un groupe de contrôle. Les cellules exposées à des doses de plus en plus élevées de BBP présentaient des niveaux jusqu’à 5 fois plus élevés d’adipogenèse, le processus par lequel les adipocytes se développent.

« Nous avons été très surpris par les résultats, nous pensions voir une certaine augmentation mais pas à ce point » disent les auteurs. Les cellules souches sont des cellules indifférenciées capables de devenir des cellules spécialisées. De ce fait, les modifications épigénétiques observées sur les cellules souches animales peuvent affecter non seulement un adulte exposé au BBP mais aussi un fœtus en croissance. Les auteurs expliquent que les phtalates ont récemment été associés à l’obésité mais que c’est la première fois que des chercheurs sont capables de montrer quel mécanisme est impliqué : le BBP peut causer une accumulation de graisses et programmer les cellules souches à devenir obèses via l’épigénétique.

« Pendant de nombreuses années, l’obésité a été considérée comme un problème d’alimentation et d’inactivité physique. Les chercheurs ont étudié le rôle de la génétique dans l’obésité mais peu d’études ont été menées sur le rôle de l’environnement sur l’expression de nos gènes, c’est ce qu’on appelle l’épigénétique ». L’épigénétique correspond à la modification de l’expression des gènes sous l’influence par exemple de produits chimiques environnementaux sans modifier le code génétique. Des études antérieures ont montré une association entre des changements épigénétiques et l’augmentation du taux d’obésité et des maladies associées.

Les auteurs soulignent cependant qu’il est trop tôt pour appliquer ces résultats à une population humaine. "Mais il n’en demeure pas moins que ces résultats sont importants et qu’ils doivent constituer le point de départ d’études plus approfondies".

À lire aussi : Les besoins alimentaires de la femme enceinte

Un QI plus faible

Une étude rapporte que les enfants exposés in utero à des niveaux élevés de deux phtalates fréquemment trouvés dans les produits ménagers ont un quotient intellectuel (QI) inférieur de 6 points en moyenne par rapport à celui des enfants qui ont été moins exposés à ces produits chimiques.

Les deux produits en question – les di-n-butyl-phtalate (DnBP) et di-isobutyl-phtalate (DiBP) – sont présents dans une grande variété de produits de consommation allant des plastiques ménagers aux feuilles d’assouplissant, aux vernis à ongles, rouges à lèvres et même certains savons. Des études précédentes ont montré une association inverse entre l’exposition aux phtalates des femmes enceintes et le développement mental et moteur des enfants en âge préscolaire. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont voulu vérifier si cette association persistait à l’âge scolaire.

Les chercheurs ont donc suivi 328 femmes et évalué leur exposition aux phtalates dans le troisième trimestre de la grossesse en mesurant les métabolites de ces produits chimiques dans les urines. Les enfants ont passé des tests de QI à l’âge de 7 ans. Les résultats montrent que le QI des enfants est inversement associé aux concentrations urinaires des métabolites du DnBP et DiBP, notamment en ce qui concerne la vitesse de traitement, le raisonnement perceptif et la mémoire de travail.

Les enfants des mères ayant dans leurs urines les concentrations en métabolites de DnBP et DiBP les plus élevées ont un QI inférieur de 6,7 et 7,6 points respectivement à celui des enfants des mères ayant les concentrations en métabolites de DnBP et DiBP les plus faibles.

Un risque plus grand d’autisme

Tout comme le bisphénol A soupçonné de favoriser l’autisme, les phtalates font partie de la liste des 10 produits chimiques en lien avec l’autisme et les troubles neurologiques. Comme c’est le cas pour d’autres produits chimiques (plomb, mercure, pesticides, amines hétérocycliques), une exposition trop importante aux perturbateurs endocriniens (phtalates, bisphénol A…) pendant la grossesse augmenterait le risque d’autisme chez l’enfant. Alors que le nombre de cas d’autisme ne cesse d’augmenter, la prise en compte de l’influence des facteurs environnementaux est essentielle.

Lire : Le bisphénol A soupçonné de favoriser l'autisme

Comment limiter votre exposition aux phtalates ?

Une étude publiée dans le journal  Environmental Health Perspectives conseille aux consommateurs de supprimer les emballages plastiques de leur alimentation afin de réduire leur exposition aux phtalates.

Pour évaluer le lien entre l’utilisation d’emballages alimentaires plastiques et le taux de bisphénol A et de phtalates dans l’organisme, les auteurs ont mis cinq familles (20 personnes) au défi de supprimer durant 3 jours les emballages plastiques de leur alimentation et de privilégier les produits frais stockés dans du verre ou de l‘acier inoxydable. Les taux urinaires de BPA et de DEHP (phtalates) des participants ont été mesurés avant, pendant ainsi qu’à l’issue de l’étude. La suppression des emballages plastiques entraîne une diminution moyenne de 66 % du taux de BPA et de 55 % du taux de DEHP. Ces résultats montrent clairement que les emballages alimentaires représentent la principale source d'exposition à ces composés.

Pour limiter leur exposition, les chercheurs recommandent donc aux femmes enceintes de ne pas utiliser de contenants en plastique pour réchauffer ou cuire les aliments, d’éviter les produits parfumés comme les désodorisants autant que possible et de ne pas utiliser les plastiques recyclables identifiés par les numéros 3, 6 ou 7 (PVC, polystyrène et autres plastiques type polycarbonate).

Lire : Grossesse : l'exposition aux phtalates conduirait à des complications

Découvrez des idées de repas et de menus de grossesse dans le livre de Magali Walkowicz : Le guide alimentaire de la future maman

Références
  1. Ravi Sonkar, Catherine A. Powell, Mahua Choudhury. Benzyl butyl phthalate induces epigenetic stress to enhance adipogenesis in mesenchymal stem cells. Molecular and Cellular Endocrinology, 2016; DOI: 10.1016/j.mce.2016.04.025
  2. Pam Factor-Litvak, Beverly Insel, Antonia M. Calafat, Xinhua Liu, Frederica Perera, Virginia A. Rauh, Robin M. Whyatt. Persistent Associations between Maternal Prenatal Exposure to Phthalates on Child IQ at Age 7 Years. PLoS ONE, 2014; 9 (12): e114003 DOI: 10.1371/journal.pone.0114003
  3. Landrigan P, Lambertini L, Birnbaum L, A Research Strategy to Discover the Environmental Causes of Autism and Neurodevelopmental Disabilities. Environ Health Perspect. 2012. doi:10.1289/ehp.1104285.
  4. Rudel RA, Gray JM, Engel CL, Rawsthorne TW, Dodson RE, Ackerman JM; Food Packaging and Bisphenol A and Bis(2-Ethylhexyl) Phthalate Exposure: Findings from a Dietary Intervention. Environ Health Perspect,  doi:10.1289/ehp.1003170.

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