Dr Outi Vaarala : « Le lait de vache augmenterait la perméabilité intestinale »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 01/05/2012 Mis à jour le 10/03/2017

Le Professeur Outi Vaarala est chercheur à l'institut national pour la santé en Finlande. Elle est l'auteure d'une étude d'intervention retentissante qui a montré que les protéines laitières pourraient augmenter le risque de diabète de type 1 chez les enfants.

LaNutrition.fr : Bonjour Pr Outi Vaarala, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous parler de votre domaine de recherche ?

Outi Vaarala : Je suis professeur d'immunologie pédiatrique et directrice de l'unité de réponse immunitaire à l'institut national pour la santé et le bien-être à Helsinki en Finlande. J'étudie les mécanismes immunologiques qui mènent au développement du diabète de type 1 et à d'autres maladies auto-immunes. Nous nous sommes concentrés sur le rôle du système immunitaire intestinal en tant que régulateur de l'inflammation, de l'immunité et de la tolérance.

Votre dernière étude, très intéressante, a montré que l'insuline bovine trouvée dans le lait de vache est un contributeur au développement du diabète de type 1. Est-ce que cela peut faire une différence si les enfants consomment une formule à base de whey (petit-lait ou lactosérum) ou à base de caséine ? (ndlr : la whey et la caséine sont les deux principales protéines présentes dans le lait)

Toutes les formules de lait infantile classiques contiennent à la fois de la whey et de la caséine. Les formules hydrolysées peuvent être produites à partir de whey ou de caséine uniquement. Dans notre étude la formule sans insuline bovine était fabriquée à base de whey seulement et a réduit l'apparition d'auto-anticorps dirigés contre les cellules bêta du pancréas à l'âge de 3 ans (ndlr : ces anticorps précipitent l'apparition du diabète de type 1). Les formules hydrolysées à base de whey qui comportent toujours l'insuline bovine n'ont pas eu cette propriété. Dans ce cas l'insuline bovine est hydrolysée (i.e : découpée en petits morceaux) mais toujours présente. Il semble que le choix d'une formule hydrolysée à base de whey ne permette pas d'empêcher le développement du diabète de type 1.

A ce stade, avez-vous une idée de la raison pour laquelle le système immunitaire ne réagit pas correctement lorsqu'il rencontre des protéines de lait à un jeune âge ?

Pendant les premiers mois de la vie l'intestin n'est pas mature : il est perméable aux protéines et aux peptides (ndlr : de petites protéines), le système d'immunoglobulines A est entrain de se développer et la flore intestinale est entrain de se créer, etc. Ceci pourrait expliquer une "mauvaise" réaction face aux protéines laitières. Dans le cas de l'insuline, une réaction anormale pourrait contribuer au développement d'auto-anticorps associés au diabète de type 1.

N'est-ce-pas l'alimentation qui joue un rôle majeur dans notre équilibre intestinal ? Qu'est-ce qui peut provoquer cette perméabilité intestinale ?

C'est une question de maturation intestinale normale. Le lait maternel permet la colonisation des intestins par des bactéries équilibrées qui supportent le développement d'un intestin en bonne santé et diminuent sa perméabilité (protection contre la perméabilité intestinale). Dans les premiers mois de la vie, l'exposition à des protéines inconnues comme les protéines laitières augmenterait la perméabilité intestinale temporairement. Des infections pourraient également rendre un intestin perméable, les rotavirus et enterovirus ont été impliqués dans la survenue du diabète de type 1 mais nous ne sommes pas capables de dire si un aliment provoque une perméabilité intestinale chez tous les individus.

Pensez-vous que cette perméabilité intestinale peut perdurer à l'âge adulte ?

Oui, cela a été retrouvé dans la maladie coeliaque (intolérance au gluten), dans la maladie de Crohn et le diabète de type 1. Il est possible que des infections ou une flore intestinale déséquilibrée puissent provoquer une perméabilité intestinale à l'âge adulte. Cela pourrait provoquer des réactions aberrantes à des protéines alimentaires (allergies, intolérances) et contribuer aux mécanismes immunologiques de ces maladies. Ce sujet est encore en pleine recherche.

D'autres maladies auto-immunes pourraient-elles être concernées ? Qu'en est-il de la polyarthrite rhumatoïde par exemple ?

Oui, cela a été envisagé. Plusieurs études ont montré un problème de perméabilité intestinale dans ces maladies.

En France nos autorités de santé recommandent de consommer au moins 3 produits laitiers par jour pour être en bonne santé  Avez-vous un avis concernant les produits laitiers et la santé ? En particulier pendant les premiers mois de la vie ?

D'après les études épidémiologiques, un lien entre la consommation de produits laitiers pendant l'enfance (et non la petite enfance) et le risque de diabète de type 1 a été démontré dans une étude finlandaise et dans une étude australienne. Ces résultats ne sont pas suffisants et d'autres études sont encore nécessaires. Dans l'étude finlandaise par exemple, le risque était en relation avec la consommation de lait mais pas avec la consommation de fromages : boire deux verres de lait ou plus était lié à la survenue du diabète de type 1.
Bien sûr d'autres résultats sont nécessaires mais il semble qu'il puisse y avoir une différence entre le lait et les autres produits laitiers. En fait dans le fromage les protéines sont partiellement hydrolysées, ce qui pourrait expliquer ce constat. Je crois que nous ne pouvons rien conclure actuellement à partir de ces études.

En conclusion, pouvez-vous nous dire si le lait de chèvre peut-être considéré comme moins dangereux pour la santé que le lait de vache ?

Je ne sais pas. Les effets du lait de chèvre devraient être étudiés. Nous ne savons pas si les protéines du lait de chèvre perturbent moins le système immunitaire que celles du lait de vache en ce qui concerne les allergies ou le diabète de type 1.

Propos recueillis par Julien Venesson.

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