Santé : dépenser mieux pour dépenser moins

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 28/02/2012 Mis à jour le 10/03/2017
De nombreux médicaments sont inutiles, voire toxiquesPlusieurs centaines de millions d'euros pourraient être économisés sur la foi d'expertises indépendantes

Le prochain Président de la République devra réduire les déficits. Certains préconisent d’augmenter les recettes, d’autres de diminuer les coûts, notamment ceux d’un Etat Social trop généreux. Il est notamment recommandé de maîtriser les dépenses de santé !

L’évidence quotidienne indique pourtant qu’il faut d’abord mieux dépenser ; et ainsi dépenser moins ; ou alternativement dépenser différemment, c’est-à-dire affecter nos dépenses de santé de façon plus rationnelle, et surtout plus humanitaire ! Par exemple, mieux financer l’aide à la dépendance !

Examinons la question des produits de santé, par exemple les médicaments.

Les scandales sanitaires se multiplient : un jour des prothèses frelatées, la veille le Mediator*, hier encore les affaires de l’Accomplia* et de l’Avandia*, et avant-hier celles du Vioxx* et autres coxibs, pour citer les plus bruyants. Leur fréquence augmente et, vu par l’œil d’un expert aux aguets, nous n’en sommes qu’au début …

Pourtant, les procédures d’autorisation (de mise sur le marché), de remboursement et de fixation des prix des médicaments sont d’une étonnante complexité et les contrôles administratifs redondants. Pourquoi une telle répétition d’affaires?

En bref, qui est impliqué dans ces procédures ?

Outre l’Afssaps (ou ex-Agence du Médicament) et l’HAS (Haute Autorité de Santé), le Ministre chargé de la Santé, le Directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et finalement le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) interviennent à différents niveaux. Alors, pourquoi ça ne marche pas ? Et pourquoi la France se distingue des autres pays Européens (voir le bilan de la Cour des Comptes) dans l’usage (le consommateur) et la prescription (le médecin) du médicament ?

Une explication simple : la faillite de l’expertise !

Car, à la racine de toutes ces procédures et qui les conditionne totalement, il y a une évaluation (ou expertise) dite scientifique de la valeur médicale des médicaments. On parle de leur SMR, ou Service Médical Rendu.

Prenons l’exemple des médicaments qui diminuent le cholestérol. Pour la majorité d’entre eux, nous n’avons simplement pas de données scientifiques solides démontrant leur intérêt clinique, contrairement aux dires des experts subventionnés par l’industrie pour le faire croire. Et quand nous avons des données scientifiques, elles sont souvent grossièrement falsifiées, ce qui est aisément vérifiable par des experts indépendants. Et on peut se demander pourquoi ces expertises indépendantes ne sont pas connues des médecins et du public, et enfin des politiques.

Les médicaments anti-cholestérol les plus prescrits (et les plus dispendieux) actuellement en France n’ont pas montré d’effet significatif sur le risque de crise cardiaque ou d’accident vasculaire cérébral. Si leur présence sur le marché se justifiait réellement par leur aptitude à diminuer ce risque, ils devraient être immédiatement retirés du marché. Et si les plus puissants (pour diminuer le cholestérol) de ces médicaments n’ont aucune efficacité clinique, que valent vraiment les anciens médicaments qui furent commercialisés à l’époque (celle où le Vioxx était roi !) où nous ne nous posions pas de question sur la validité des études conduites par les industriels et la qualité des experts rétribués pour honteusement certifier cette validation ?

Un examen attentif des anciennes études montre qu’effectivement les règles les plus basiques de la médecine scientifique et de l’expertise ne furent pas respectées. Il sera cruel de revenir sur les rapports d’expertise rendus aux différentes époques et sur les conflits d’intérêt de leurs signataires. Qu’attend-on ? Une nouvelle affaire Mediator ?

Bref, il est urgent de reconsidérer, sur la base d’une nouvelle expertise indépendante, la présence sur le marché d’une multitude de médicaments ; et pas seulement les médicaments anti-cholestérol évidemment. Et le même raisonnement appliqué à d’autres produits de santé (pris au sens large) aboutirait aux mêmes conclusions.

Une évaluation très générale de ces débordements permet de quantifier une économie possible de plusieurs milliards d’Euros ; un milliard d’Euros au minimum pour les seuls médicaments anti-cholestérol consommés aujourd’hui par 6 à 7 millions de français ; et sans compter les économies générées par l’élimination des effets adverses multiples de ces médicaments toxiques, eux-aussi générateurs de coûts ; et sans compter enfin sur l’adoption de mesures réellement préventives, plutôt que de s’abriter derrière l’illusion que la diminution médicamenteuse du cholestérol puisse réduire un risque quelconque.

Des contrôles supplémentaires - en prétextant qu’avec plus de fonctionnaires on aurait de meilleurs contrôles - ne serviraient à rien.

On a seulement besoin de vrais experts, indépendants de l’industrie et libres de tout conflit d’intérêt.

On pourrait même libérer quelques centaines (ou milliers) de postes de fonctionnaires et les réattribuer aux Hôpitaux (par exemple) où ils font terriblement défaut. L’utilisation des milliards d’Euros et les postes de fonctionnaires économisés ainsi (réduction du déficit ou redéploiement) est une décision politique.

Dr Michel de Lorgeril, cardiologue et chercheur CNRS

Auteur de “Dites à votre médecin que le cholestérol est innocent”, “Cholestérol, mensonges et propagande” et “Prévenir l’infarctus et l’accident vasculaire cérébral(lire un extrait ICI  >>).

Le blog de Michel de Lorgeril

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