David Servan-Schreiber, l'humaniste

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 24/07/2011 Mis à jour le 10/03/2017
La disparition d'un ami de LaNutrition.fr, qui le lui rendait bien

Avec David Servan-Schreiber qui est décédé le 24 juillet d’une tumeur au cerveau, LaNutrition.fr perd un scientifique rigoureux, mais aussi un ami et un compagnon de route. J’ai rencontré David en 2004, à sa demande. C’était après la parution de son Guérir. Il pressentait que, chacun dans notre registre, nous parlions en réalité d’une même voix, et il avait raison. Pourtant, il avait longuement hésité avant de me contacter par l’intermédiaire d’une amie commune. A l’époque, certains dans les médias et le petit monde de la nutrition lui reprochaient de présenter dans son livre les oméga-3 comme antidote à la dépression, tout en ayant des parts dans une société qui commercialisait des huiles de poisson. Il avait lu Santé, mensonges et propagande et imaginait que je hurlerais avec les loups (en mai 2005, un quarteron de nutritionnistes l’a attaqué à nouveau dans Le Monde à la suite de la commercialisation par Isodis Natura d’un complément oméga-3 pour les enfants, ce qui m'a inspiré un éditorial). Pour moi, le plus important était ceci : enfin, grâce à Guérir, les Français allaient voir les fabricants leur proposer des corps gras de qualité  - et c’est bien ce qui s’est passé.

Nous avons déjeuné chez lui, dans sa cuisine, sous un beau Degas. Il avait lui-même préparé le repas, des anchois frais (pour les oméga-3 !). Il apportait une attention extrême, presque maniaque, à la qualité des ingrédients qu’il utilisait et je n’ai compris pourquoi que bien plus tard, avec la révélation de son premier cancer. Nous avons immédiatement sympathisé. C’était un homme fin, et mesuré, authentique et attachant, bien loin du portrait de financier avisé que brossaient de lui certains journalistes et nutritionnistes bien intentionnés. Nous nous sommes revus avec Jean-Paul Curtay pour des déjeuners érudits et chaleureux. Nous débordions de projets, à deux, à trois. Mais l’écriture l’avait happé, et le "service après-vente" : les tournées, les conférences, les signatures, le surmenage qu’il rendait, en juin, en partie responsable de sa rechute. Malgré les emplois du temps de chacun, le contact n’a jamais été rompu. David était fan de LaNutrition.fr. En mars 2009, à la suite de la contre-enquête que nous avions menée sur le lien entre alcool et cancer, il saluait le travail de mon équipe : « J'ai été mis au courant de l'étude de Nancy grâce à LaNutrition.fr. Formidable journalisme ! »

Comme c’était un médecin rigoureux, qui n’avançait rien qui ne fut correctement vérifié, nous avions de longs échanges, études à l'appui. Alors qu’il rédigeait Anticancer, il avait demandé l’expertise de notre équipe et en particulier celle d’Elvire Nérin, spécialiste de l’index glycémique et auteur du Nouveau régime IG, pour interpréter des données scientifiques controversées et l’aider à affiner la partie du livre consacrée à la glycémie et l’insuline. La parution d’Anticancer a été accueillie par les mêmes cris d'orfraie du même groupe de nutritionnistes officiels, ceux-là mêmes qui ont moins fait pour l’éducation du public en 30 ans que David en deux livres. Nos dernières discussions portaient sur la responsabilité des polyamines dans les cancers.

La sale maladie ne l’a pas fait se recroqueviller sur lui-même ou se lamenter sur son sort. Elle lui a au contraire donné l’occasion dans son dernier livre de montrer à tous, amis et ennemis, que le médecin se doublait d'un authentique humaniste. Mais cela, nous le savions depuis longtemps.

Ecouter David parler de l'alimentation anti-cancer

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