Environnement et santé : le triste bilan de la France

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 28/04/2006 Mis à jour le 10/03/2017
Le Programme national santé environnement présenté le 21 juin est ambitieux. Mais a-t-il les moyens de ses promesses ? En réalité, le retard pris par la France est tel que seuls des moyens considérables pourraient nous sortir de cette ornière. Et ces moyens sont absents.

23 juin 2004

Après avoir longtemps fait la sourde oreille, le gouvernement français a officiellement reconnu lundi 21 juin que la pollution minait notre état de santé et qu’il convenait d’agir. Jean-Pierre Raffarin a lui même chiffré le bilan calamiteux des années de laissez-faire : 7 à 20 % des cancers seraient dus à la dégradation de l'environnement, 30 000 décès prématurés imputables à la pollution atmosphérique et un million de salariés exposés à des produits cancérogènes. Côté mesures, le Plan national santé environnement (PNSE) qui court jusqu’en 2008 prévoit de réduire les émissions de particules des moteurs diesels de 30 % d'ici à 2010, diminuer les émissions toxiques industrielles, installer un périmètre de protection sur les 36 000 captages d'eau du robinet. La prévention des risques professionnels fera l'objet d'un plan spécifique d’ici la fin de l’année.

Des moyens maigres

Au-delà de l’effet d’annonce, les moyens mobilisés sont maigres. A commencer par le budget qui ne devrait pas dépasser 30 millions d'euros par an dans un premier temps, le gouvernement promettant par la suite (mais quand ?) 100 millions d'euros annuels. Un tel budget ne permet pas de combler le retard considérable pris par la France en matière d’épidémiologie et de toxicologie, deux disciplines sinistrées dans notre pays. Pour ne citer qu’un exemple, le PNSE affiche sa volonté de réduire l’incidence des cancers environnementaux, mais les Français ignorent que leurs autorités sanitaires sont aujourd’hui encore incapables de donner avec précision les chiffres des nouveaux cas annuels de cancer et a fortiori de les analyser finement comme on devrait désormais le faire. La raison en est que seuls 21 « registres » récoltent ces données, qui ne couvrent qu’une minorité de la population. Ainsi, les 10 registres du cancer à vocation généraliste ne concernent que 13% de la population. Les chiffres nationaux sont donc extrapolés de données parcellaires. Encore faut-il saluer le travail remarquable de ces registres, créés au milieu des années 1970 grâce à des initiatives individuelles et non par les autorités sanitaires, qui se désintéressaient de ce travail de surveillance. Si ces registres n’avaient pas vu le jour par la volonté d’une poignée de médecins, le pays serait totalement dépourvu d’outils de mesure pour cette maladie (en dehors de la mortalité, qui, elle est répertoriée au niveau national). C’est une situation singulière, la plupart de nos voisins européens étant dotés de services de surveillance à l’échelle de leur pays ! Aujourd’hui, l’institut national de veille sanitaire a décidé de combler ce retard en travaillant main dans la main avec les registres existants. Mais que d’années perdues…

Risques chimiques et alimentaires

Autre exemple du retard français, l’absence de programme national de surveillance de la population pour les risques chimiques, comme il en existe aux Etats-Unis. Dans ce pays, les Centers for Disease Control (Atlanta, Georgie), ont prélevé des échantillons sanguins sur des milliers de volontaires dans le cadre d’un programme de biomonitoring. Ce type de programme exige bien sûr des savoir-faire sur le plan épidémiologique (domaine dans lequel la France a du retard), mais aussi toxicologique. Là, c’est quasiment le désert. Cette discipline manque de moyens, de chercheurs, d’études, bref, de tout. Sans unités de recherche en toxicologie dignes de ce nom, sans études ni programmes épidémiologiques, la France a peu de chances de faire de son PNSE un grand succès.
Il faut aussi dire un mot de la pollution alimentaire. Les scientifiques à l’origine de l’appel de Paris ont insisté sur l’impact des additifs alimentaires. Est-il normal que plusieurs colorants interdits dans d’autres pays (Etats-Unis, par exemple) car soupçonnés d’être mutagènes, comme les E 104, E 124, E 128, E 131, continuent d’être autorisés ici ? Est-il normal que la France soit le pays européen qui a autorisé le plus de pesticides ? Il faudra un jour se demander pourquoi le risque de cancer a augmenté en France de 35% en 20 ans, alors qu’il a baissé aux Etats-Unis dans la même période. La chute brutale du tabagisme dans ce pays n’explique pas tout.
Le programme européen REACH qui prévoyait d’interdire ou restreindre d’usage une partie des 100 000 substances chimiques sur lesquelles les toxicologues sont muets, a été sérieusement édulcoré en septembre 2003 sous la pression de plusieurs pays, dont la France. Cela relativise beaucoup l’ambition affichée du PNSE et de ses promoteurs.

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