Le Tour de France du renouveau... du dopage

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 20/07/2007 Mis à jour le 17/02/2017
Ce devait être le tour du renouveau. Sans seringues, sans auto-transfusion, sans hormones et sans hémoglobine de synthèse. Un tour à l'eau claire dans lequel nos petits Français allaient enfin pourvoir se mesurer avec les autres à armes égales. A l'arrivée, ce n'est pas tout à fait ça...

C’était promis, juré, on allait voir ce qu’on allait voir, du passé faire table rase, repartir à zéro, chasser les vieux démons, assister au « Tour du Renouveau ». Un tour propre, sans EPO, ni testostérone, où tous les coureurs partiraient à armes égales. Tout le monde le disait : Christian Prudhomme, le patron du Tour, les journalistes de France 2 qui le commentent tous les jours, Laurent Jalabert au président de la République sur la route de Briançon et peut-être même le président de la république lui-même. Patatras ! On apprend là-dessus que l’allemand Patrick Sinkewitz de T-Mobile, a été contrôlé positif à la testostérone le 8 juin. Re-patatras, le 19 juillet c’est le maillot jaune Michael Rasmussen qui est exclu de la sélection nationale danoise inscrite aux championnats du monde de Stuttgart en septembre et aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Le coureur n'avait pas fourni son emploi du temps avant le Tour de France, emploi du temps qui permet à l'Union cycliste internationale (UCI) de pratiquer des contrôles inopinés. Un oubli, sans doute. «Nous disposons d'informations émanant à la fois de l'UCI et de l'agence danoise antidopage, a indiqué Jesper Worre, le patron du cyclisme danois, et nous savons qu'il (Rasmussen) a reçu plusieurs avertissements. Il s'agit d'une information confidentielle, mais nous ne mentons pas. Les gens doivent savoir que la DCU se bat pour un sport propre.» Rasmussen a l’habitude de s’entraîner loin de la vue des inspecteurs de l’UCI, très loin même puisqu’il affectionne les routes du Mexique, le pays d’origine de son épouse.

Avant le Tour, le Danois avait déjà dû se faire prier pour signer la lettre d'engagement pour un nouveau cyclisme, considérant qu'il s'agissait d'une «intrusion» dans sa «vie priée».

 

Un seul Français dans les 30 premiers du classement

 

Et puis il y a les images. Des coureurs français probablement pas moins doués ni moins bien entraînés ni moins bien équipés que les autres, et pourtant incapables de suivre le rythme du peloton. Et puis il y a les chiffres. L’étape Le Grand-Bornand-Tignes courue à près de 35 km/h de moyenne, Val-d’Isère-Briançon à près de 38 km/h. Je regarde le classement général ce 20 juillet au matin. Un seul Français parmi les 30 premiers. Pas un italien. Les deux pays dans lesquels les contrôles anti-dopage sont les plus stricts, dans l’impossibilité de placer leurs coureurs dans le haut du tableau. En revanche, 12 Espagnols dans les 30 premiers, 12 coureurs préparés dans un pays qui reste la Mecque des produits dopants, et pas seulement dans le cyclisme : le tennis, l’athlétisme

En fait de tour du renouveau, c’est bien au renouveau du dopage auquel on assiste. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Le cyclisme a le dopage chevillé au corps, c’est dans son ADN. La faute - c’est un lieu commun - à un calendrier et des épreuves qui défient les limites des organismes. Dans Sciences et Avenir, il y a dix ans, avec Georges Golbérine, nous révélions pour la première fois au public que la majorité du peloton utilisait une hormone appelée érythropoïétine (EPO) qui améliore l’oxygénation du sang. Protestations de la Société du Tour de France. Menace de procès de la Fédération française de cyclisme. Sur le tour de cette année-là, en juillet 1997, les commentateurs de France 2 raillent les « rumeurs de dopage lancées par un magazine» et brandissent à titre de preuve d'un "tour propre" les résultats négatifs des analyses pratiquées pendant l’épreuve, sans préciser qu'aucun test à ce moment-là ne sait déceler la présence d’EPO. L’année suivante, c’est le scandale Festina. Voilà, en quelques jours de cet été 1998, tout le monde a su ce qu’est l’EPO.

Comment en sortir ? Certains ont choisi la porte : l’équipementier Adidas, les chaînes publiques de la télé allemande. Tant qu’il reste attaché au sport des intérêts financiers formidables, le système actuel de prohibition va dans le mur. Peut-être faudra-t-il un jour accepter un encadrement médical des athlètes dans le cadre d’un rééquilibrage hormonal rendu nécessaire par la difficulté des épreuves. Accepter l'idée qu'il y a deux formes d'activité sportive : celle que vous et moi pratiquons de manière plus ou moins régulière, qui nous met relativement à l'abri des maladies chroniques. Celle des sportifs de haut niveau, qui les use avant l'âge et augmente leur risque de ces mêmes maladies. Un exemple ? L’entraînement des cyclistes de haut niveau, et le calendrier des compétitions conduisent à des taux de testostérone et de vitamine C anormalement bas. Avec des conséquences potentiellement dramatiques à terme sur leur santé cardiovasculaire. Aujourd'hui, un athlète peut prendre de la vitamine C (et encore, la chasse aux vrais-faux dopants de l'ère Marie-Georges Buffet a laissé des traces dans certaines disciplines où même les vitamines sont suspectes !) Mais un athlète ne peut en aucun cas prendre de la testostérone. Ce débat-là, il faudra bien un jour l’ouvrir. Ou continuer à voir dans toute forme d’exploit sportif la main de biochimistes bien informés.

A découvrir également

Back to top