Permis de tuer

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 28/04/2006 Mis à jour le 17/02/2017
C'est un accident de chasse comme il y en a des dizaines chaque année. Sauf que cette fois, le fils de la victime n'entend pas en rester là. Et il a besoin de vous.

12 octobre 2005

Calmement, Sylvain Rossetti, un jeune mécanicien de la région de Carcassonne m’a raconté l’autre soir comment son père a été abattu d’une balle dans le flanc.
Sur les photos, Claude Rossetti a une bonne tête énergique, marquée par le soleil, celle d’un homme qui a pris sa vie durant le grand air de l’Aude. Claude Rossetti, 65 ans, ancien maçon, amoureux paisible de randonnées à vélo et de nature sauvage.
Jeudi 22 septembre, c’était une belle matinée et une bonne date pour les champignons. Claude Rossetti est parti du côté de la rivière, là où il savait en trouver. Claude Rossetti n’est pas revenu. Un chasseur l’aurait pris pour un sanglier. Pourtant Claude Rossetti a été tué un jeudi, jour où seuls les lapins, le gibier d’eau, la bécasse et la caille et les migrateurs peuvent être tirés. Claude Rossetti ne portait ni sabots, ni pelisse à poils drus, ni casquette à grandes oreilles, il ne s’était pas collé des plumes sur les bras, ne grognait pas dans les fourrés et ne soufflait pas dans un appeau ; il cueillait simplement des champignons par une belle journée d’automne.

En route pour Bagdad

Sylvain Rossetti pleure son père, mais l’énergie c’est une affaire de famille et Sylvain veut que la France sache ce qui est arrivé à son père. « Pour que de tels accidents ne se produisent plus. ». Le lendemain de la mort de son père, Sylvain Rossetti a envoyé une cinquantaine de mails à des journalistes. C’est ainsi que j’ai appris la nouvelle. Sylvain Rossetti demande que les règles de sécurité qui encadrent la pratique de la chasse soient renforcées et respectées. « Le permis devrait être plus contrôlé, dit-il. Certains chasseurs n’ont mêmes pas passé le permis : il y a quelques années, on le « prenait » en payant sa cotisation. »
En France, la chasse aurait fait 31 morts en 2001-2002, 27 morts et 78 blessés graves en 2002-2003, 29 morts et 94 blessés graves en 2003-2004. La plupart des victimes étaient des chasseurs mais il y avait aussi parmi elles des Claude Rossetti.
Il y a en France 47 millions d’adultes non-chasseurs, promeneurs, ramasseurs de champignons, vététistes qui, l’automne venu sont littéralement terrorisés par 33 fois moins de chasseurs en tenue de camouflage, pompant de l’adrénaline et circulant armés jusqu’aux dents dans leurs 4X4 équipés comme pour monter sur Bagdad. Une armée en campagne qui confisque la nature. Qu’une corporation aussi minoritaire pèse autant sur les décisions politiques est dans une démocratie une anomalie à corriger. Il ne s’agit pas d’interdire la chasse mais de lui appliquer dorénavant des règles moins laxistes.
Sylvain Rossetti veut que les pouvoirs publics assurent la sécurité, la sienne, la mienne, la vôtre, celle de vos enfants : « On autorise les chasseurs dès lors qu’ils ont le dos tourné à la route, mais qui ne s’est jamais retourné pour tirer ? » En quelques jours, Sylvain Rossetti a relevé d’autres incongruités, comme l’interdiction de tirer en direction des habitations à moins de 150 m… avec des armes qui peuvent tuer à une distance six fois plus grande.

Appel à témoin contre les "fusillots"

La mort de Claude Rossetti servira-t-elle d’exemple ? Quelques jours après l’accident qui lui a coûté la vie, le maire de Labastide en Val, un petit village près de Montlaur, se met en tête de faire découvrir la beauté de la campagne audoise à un couple d’Américains de l’Oregon. A deux kilomètres du village, Yanis Efthimiopoulos et ses deux hôtes croisent une escouade de 60 « fusillots locaux » chassant le sanglier sur la route départementale qui surplombe le village. « Ils tiraient sur tout ce qui bougeait, » raconte Yanis Efthimiopoulos. Le maire leur demande, par respect pour la famille Rossetti en deuil d’arrêter de chasser et leur annonce qu’il va déposer plainte pour mise en danger de la vie d’autrui. Les insultes pleuvent. Le président de l’Association Communale de Chasse Agréée (ACCA) lui annonce qu’il « va l’arranger. » Tous ces chasseurs, Yanis Efthimiopoulos les connaît pourtant depuis longtemps. Lui-même est un ancien chasseur qui a raccroché son fusil il y a cinq ans devant l’attitude de certains inconscients (des « ânes », dit-il) mais continue à recharger leurs munitions pour éviter les blessures, et même aménager des espaces sur le territoire communal.
Les gendarmes n’ont pas pris la plainte du maire. Selon eux, tant que les chasseurs ne se trouvent pas sur la route, ils sont inattaquables. A quelques décimètres près, la sécurité des promeneurs est en effet totalement assurée…
Yanis Efthimiopoulos compte poser la question de la légalité des ACCA. En attendant, il prône le passage à l’action : « Dès que vous apercevrez un chasseur de grand gibier en action de chasse sur une route où il n a rien a faire, klaxonnez bruyamment. Ce faisant, vous contribuerez a sauver des vies, et peut être la vôtre. Ce faisant, vous manifesterez votre opposition a cet intolérable hooliganisme rural. »
Sylvain Rossetti a lancé un appel à témoins : il invite toutes celles et ceux qui ont été victimes du comportement de chasseurs ou qui auraient pu l’être, à prendre contact avec lui. Dans l’Aude, les médias lui ont réservé un accueil mitigé : « La Dépêche du Midi et l’Indépendant relaient mes initiatives, mais au Midi Libre, on m’a dit que le sujet n’était pas assez craquant. » Ou peut-être trop pour tous ces lecteurs chasseurs.

Dernière minute : un autre cueilleur de champignons pris pour un sanglier

 

"Un homme de 69 ans, qui cueillait des champignons, a été mortellement atteint d'une balle dans l'abdomen, samedi 8 octobre au matin, lors d'une battue aux sangliers à laquelle participaient une vingtaine de chasseurs accompagnés de rabatteurs, chargés de ramener le gibier avec leurs chiens, à la Tour sur-Tinée dans les Alpes-Maritimes.
En dépit des soins prodigués par un médecin-pompier, l'homme est décédé, peu de temps après, dans l'hélicoptère de la Sécurité civile, a-t-on appris dimanche auprès de la gendarmerie.
Un chasseur, âgé de 47 ans, a été placé en garde à vue dans les locaux de la gendarmerie de Puget-Théniers (Alpes-Maritimes). Selon un témoin cité par la gendarmerie, "le chasseur a vu une forme sombre sortir d'un taillis à environ 40-50 mètres et il a tiré". Ce n'est qu'après avoir tiré que le chasseur s'est aperçu qu'il ne s'agissait pas d'un sanglier mais d'un homme.
Un accident incompréhensible selon les gendarmes de Puget-Théniers. Ils se demandent "comment la victime a pu se retrouver en plein milieu du périmètre de chasse parfaitement délimité comme l'impose la réglementation".
Les enquêteurs devront déterminer les circonstances de ce drame d'autant que pour arriver sur le lieu de la battue, il n'y a qu'une seule route forestière. "Il était donc impossible de ne pas voir les panneaux indiquant: battue en cours, prudence", selon Jean Maurice Tassi adjoint du maire de la Tour-sur-Tinée.
Il n'est toutefois pas à exclure que la victime soit passée par un autre endroit et ait coupé par la forêt. C'est le premier accident de ce genre en 2005 dans les Alpes-Maritimes."

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