Un médicament sur deux est inefficace

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 28/04/2006 Mis à jour le 17/02/2017
Gaffe ou sortie bien planifiée ? Le patron d’un grand laboratoire pharmaceutique admet l’inefficacité de nombreux médicaments…

12 janvier 2003

Seul un médicament sur deux actuellement prescrits aurait un effet thérapeutique. C’est en tous cas l’avis d’Allen Roses, président du département génétique chez le géant de la pharmacie GlaxoSmithKline. C’est à ma connaissance la première fois que le dirigeant d’un laboratoire pharmaceutique admet publiquement les limites de ses molécules, les anciennes comme les nouvelles.

Le Dr Roses, qui s’exprimait lors d’un colloque scientifique qui s’est tenu à Londres, appuyait sa démonstration sur plusieurs études. Il a cité des travaux montrant que dans la maladie d’Alzheimer, les nouveaux médicaments n’ont aucun effet chez deux patients sur trois. Dans l’arthrite rhumatoïde, l’ostéoporose, la migraine, les médicaments marchent dans un cas sur deux. Dans le cancer, le taux de succès est d’un quart. Pourquoi ces résultats médiocres ? Le plus souvent, estime le Dr Roses, la raison se trouve dans les gènes. Les molécules médicamenteuses, ajoute-t-il, sont inadaptées aux particularités génétiques des malades.

Voici le taux de réussite des médicaments en pourcentage, tel qu’il est cité par le Dr Roses :

· Alzheimer : 30
· Analgésiques (Cox-2) : 80
· Asthme : 60
· Arrhythmies : 60
· Dépression (SSRI) : 62
· Diabète : 57
· Hepatite C (HCV) : 47
· Incontinence : 40
· Migraine : 50
· Cancers : 25
· Arthrite rhumatoïde : 50
· Schizophrenia : 60

Le Dr Roses aime citer le mot de Sir William Osler, un médecin canadien qui en 1892 remarquait : “S’il n’y avait une grande variabilité entre les individus, la medicine serait une science et non un art.”
Le Dr Roses est depuis de longues années partisan d’utiliser les gènes pour tester l’efficacité de nouveaux médicaments. Ce nouveau champ de recherches a été baptisé « pharmacogénomique ». La sortie du Dr Roses – il savait que ses propos seraient médiatisés - peut être analysée comme une tentative de secouer les vieilles pratiques en vigueur dans l’industrie pharmaceutique et d’accélérer la transition vers des médicaments « sur-mesure », adaptés aux particularités génétiques des patients. Les chercheurs pensent en effet qu’on pourrait, grâce à un test génétique assez simple, identifier les « répondeurs » à une molécule. Exactement l’inverse de ce que fait aujourd’hui l’industrie pharmaceutique en cherchant à vendre ses médicaments à la population de patients la plus large possible, répondeurs ou pas.

Les médicaments sont métabolisés dans le foie par des enzymes spécialisées. La grande variabilité dans l’expression de ces enzymes peut conduire à éliminer presque totalement le principe actif d’une molécule ou au contraire le potentialiser. D’un côté, le médicament est inefficace, de l’autre il peut être toxique.
Aujourd’hui, hormis quelques rares cas dans lesquels des tests permettent d’identifier les patients pouvant souffrir de la prise d’un médicament (c’est le cas dans le SIDA pour certains antiviraux), cette discrimination n’est pas faite.

Et, pour plusieurs années encore, 50 % des médicaments continueront d’être prescrits pour rien, et pourtant remboursés par l’assurance maladie.

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