Comment votre taille influence votre santé

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 09/02/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Il existe un lien entre la taille d’un individu et son risque de maladie cardiovasculaire, de diabète et de cancer.

La taille d’une personne peut influencer sa santé à long terme. Au cours des dernières décennies, la taille des enfants et des adultes a régulièrement augmenté dans le monde. A l’âge adulte, les enfants sont significativement plus grands que leurs parents. En même temps, différentes maladies chroniques se sont développé : cancers, diabète, maladies cardiovasculaires. Y a-t-il un lien entre taille et maladies chroniques ?

La taille de l’individu dépend à la fois de son patrimoine génétique hérité de ses parents et de l’alimentation pendant les moments clés de sa croissance : in utero, dans l'enfance et l'adolescence. C’est pourquoi la connaissance des liens entre taille et risque de maladies peut permettre d’imaginer des stratégies de prévention.

Les grands ont plus de risque de cancers, mais moins de diabète...

Pour 10 cm de taille supplémentaire, le risque de développer un cancer augmente de 10 % chez les hommes et 18 % chez les femmes, selon des chercheurs suédois qui présentaient leurs résultats lors d'un congrès médical à Barcelone le 1er octobre 2015. Une femme de 1,72 mètre, par exemple, a environ 36 % de risques de cancer en plus qu'une femme de 1,52 m.

L’étude a été conduite dans une région d’Europe (la Scandinavie) où la taille moyenne est l’une des plus élevées au monde. Les femmes suédoises mesurent 1,68 m en moyenne, et les hommes 1,82 m selon une enquête de 2013. La raison pour laquelle la taille est un facteur de risque du cancer, expliquent les chercheurs, tient au fait que les grands ont un plus grand nombre de cellules dans leur corps, ce qui détermine le nombre de cellules pouvant théoriquement devenir cancéreuses. Il se pourrait aussi que les individus de grande taille ont un apport énergétique supérieur, ou des habitudes alimentaires qui favorisent les facteurs de croissance, comme la consommation de produits laitiers (lire ci-dessous).

Lire : 3 laitages par jour augmentent le niveau d'un facteur de croissance

Les résultats, dévoilés lors d'une réunion de la Société européenne d’endocrinologie pédiatrique, se basent sur les données portant sur 5,5 millions de Suédois nés entre 1938 et 1991. Il a été constaté que pour chaque augmentation  de 10 cm, une femme avait un risque 20 % plus élevé de cancer du sein, alors que le risque de mélanome augmente de 30 % dans les deux sexes. La taille n’apparaît pas cependant comme le facteur le plus important du risque de cancer. Il est dépassé par le tabagisme, l’excès d’alcool, ou une consommation faible de végétaux.

La relation entre l’augmentation de la taille et le développement de maladies chroniques est confirmée dans un article paru dans Lancet Diabetes & Endocinology. D’après cet article, les personnes de grande taille ont moins de risque cardiovasculaire et de diabète de type 2, mais plus de cancer.

La plus grande augmentation de taille au cours des dernières décennies a été relevée aux Pays-Bas : les hommes néerlandais mesurent en moyenne 20 cm de plus qu’il y a 150 ans. Or dans ce pays, la consommation de lait et de produits laitiers est la plus élevée au monde. Les auteurs soupçonnent que l’augmentation de la taille soit un marqueur de surconsommation d’aliments riches en calories, en protéines animales, pendant différents stades de croissance.

Parmi les mécanismes qui lient la taille et les maladies chroniques, il y a les voies de signalisation de l’insuline et des « insulin-like growth factor » (IGF). Ces voies seraient activées en cas de suralimentation et en particulier avec des apports élevés en lait, produits laitiers et autres protéines animales. L’activation de ces systèmes fait que l’organisme est plus sensible à l’action de l’insuline, ce qui influence positivement le métabolisme des lipides. Ces résultats confirment des données qui suggèrent que les personnes de grande taille sont relativement protégées contre des désordres du métabolisme des lipides.

Mais cette action du système IGF-1-2 et d’autres voies de signalisation peut être liée à une augmentation du risque de certains cancers, en particulier le cancer du sein, du côlon et le mélanome, car la croissance des cellules est constamment stimulée. En réduisant la suralimentation pendant la grossesse, l’enfance et la puberté, il serait possible de limiter l’obésité, mais aussi la croissance accélérée des enfants et donc de réduire leur risque de cancer à l’âge adulte.

Pour Norbert Stefan, principal auteur de l’étude, « En conséquence, nos nouvelles données montrent que personnes de grande taille sont plus sensibles à l'insuline et ont une plus faible teneur en gras dans le foie, ce qui peut expliquer leur faible risque pour les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2 »

Pour en savoir plus : Lait, mensonges et propagande, par Thierry Souccar 

 

Les petits ont plus de risque de maladie coronarienne

Une étude parue dans la revue New England Journal of Medicine confirme à partir d’une approche génétique que les personnes de taille plus petite ont un risque accru de maladie coronarienne. Une taille plus petite a également été associée avec plusieurs facteurs de risque de maladie coronarienne comme la pression sanguine élevée, des niveaux élevés de cholestérol LDL et le diabète.

Lire : Un environnement favorable pendant l'enfance serait bénéfique au coeur

Dans cette étude, les chercheurs ont donc choisi une approche génétique pour étudier l’association entre la taille (hauteur) et la maladie coronarienne, en utilisant 180 variants génétiques associés à la taille. Ils ont testé l’association entre un changement de taille génétiquement programmée de 6,5 cm et le risque de maladie coronarienne chez plus de 200.000 personnes avec ou sans maladie cardiaque.

Les résultats montrent qu’à chaque écart de taille génétiquement programmée de 6,5 cm, le risque de maladie coronarienne augmente de 13,5 % pour la personne plus petite. Les scientifiques proposent plusieurs hypothèses pour expliquer le lien entre la taille et le risque coronarien : d'abord, les personnes plus petites ont un diamètre des artères coronaires plus petit, elles peuvent donc plus facilement se boucher au fil du temps ; ensuite, les voies biologiques qui permettent la croissance osseuse et musculaire grâce à des hormones et des protéines – et qui donc influencent la taille – pourraient également être à l’origine d’une croissance cellulaire accrue au niveau de la paroi des artères et d’une inflammation (athérosclérose) ; enfin la troisième théorie est que le mode de vie ou les comportements des personnes pourraient être une conséquence de leur taille plus petite et donc influencer le risque de maladie coronarienne.

Lire : Prévenir l'infarctus et l'accident vasculaire cérébral, par Michel de Lorgeril (lire un extrait ICI >>)

 

Sources

Emelie Benyia, Marie Lindera, Johanna Adamia, Mårten Palmeb & Lars Sävendahla. Positive Association between Height and Cancer in the Swedish Population. ESPE Abstracts (2015) 84 FC4.6

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Stefan N, Häring HU, Hu FB, Schulze MB. Divergent associations of height with cardiometabolic disease and cancer: epidemiology, pathophysiology, and global implications. Lancet Diabetes Endocrinol. 2016 Jan 27. pii: S2213-8587(15)00474-X. doi: 10.1016/S2213-8587(15)00474-X.

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