Des médecins liés à l’industrie laitière s’en prennent aux laits végétaux

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 14/09/2015 Mis à jour le 10/03/2017
Actualité

Des pédiatres partent régulièrement en guerre contre les laits végétaux. Coïncidence ? Tous sont liés à l’industrie laitière.

C’est devenu une habitude : à intervalles réguliers, des pédiatres alertent contre la « maltraitance » que constituerait le fait de donner à un bébé des laits végétaux (soja, amande, avoine…). La presse adore, et en fait ses gros titres, même si les cas de bébés nourris exclusivement avec ces boissons évidemment inadaptées se comptent sur les doigts de la main depuis une dizaine d’années.

Dernière sortie, celle du Dr Béatrice Dubern, qui a publié sous l’égide de la Société francophone de nutrition clinique et métabolisme (SFNEP) un texte alarmiste. Un modèle du genre.

Pour commencer, aucune définition des « laits végétaux » n’est proposée par le Dr Dubern, ce qui est de nature à favoriser l’amalgame entre les jus végétaux, qu’elle dénonce, et les formules à base de lait de soja (un « lait végétal », donc) dont elle omet soigneusement de préciser qu’elles répondent parfaitement aux besoins des bébés.

Plus grave : si les laits végétaux non adaptés ne doivent pas être donnés exclusivement à un bébé, il en va de même du lait de vache de base. Sur ce point, le Dr Dubern reste étrangement muette. Pourtant, elle ne peut ignorer que ce lait expose au risque d’anémie ferriprive. Il est aussi trop riche en protéines, ce qui ne convient pas aux capacités digestives du nouveau-né. En plus, les acides aminés taurine et cystine y sont déficitaires. Il apporte enfin quatre fois plus de calcium et six fois plus de phosphate ; or une charge excessive en phosphate est associée à des cas de tétanie du nouveau-né.

Lire : L'introduction du lait de vache avant un an nuit au développement du bébé

On peut s’étonner qu’une pédiatre omette de mettre des parents en garde contre le lait de vache basique, alors que le nombre de cas problématiques de bébés en ayant reçu dépasse de loin celui de de bébés nourris au lait de châtaignes ou au jus de soja.

On peut aussi ne pas s'en étonner.

Le Dr Dubern signe son texte en qualité de pédiatre à l’Hôpital Trousseau. Mais elle ne dit pas un mot de sa collaboration avec l’Institut Danone ni de sa proximité avec le fabricant de lait infantile Nutricia. Pas un mot non plus sur le fait que la SFNEP reçoit des financements de Lactalis, Nestlé, Nutricia et d’autres industriels du lait. Probablement par manque de place.

Un dernier détail : le lait de vache utilisé dans les formules lactées pour bébé suscite des inquiétudes chez les chercheurs. Il pourrait en effet favoriser le diabète de type-1 chez certains enfants à risque. Pourtant, en évoquant dès la première ligne « la peur non fondée du lait », le Dr Dubern prend le risque de placer son propos hors du champ de la science, et d’être accusée de défendre ses sponsors de l’industrie laitière. Mais sincèrement, qui pourrait imaginer une telle chose ?

Lire aussi : Les autorités sanitaires pointent les risques des laits végétaux mais oublient le lait de vache

P.S. : Cette même pédiatre, décidement très inspirée, considère dans un autre article qu'un régime "exclusivement constitué de yaourts est satisfaisant". Au secours !

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