Sensibilité au gluten : la preuve que ce n’est pas « dans la tête »

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 28/07/2016 Mis à jour le 20/04/2017
Actualité
La sensibilité au gluten, qui toucherait jusqu'à 13% de la population correspond bien à une réalité biologique : l'activation généralisée du système immunitaire.

Un nombre croissant de personnes passent au sans gluten : 30% des Américains auraient réduit leur consommation, et plus de 25% des personnes souffrant de côlon irritable auraient essayé ce régime. Cependant, les chercheurs s'accordent pour penser que la majorité des personnes qui suivent un régime sans gluten pourraient probablement en consommer sans inconvénient. En revanche, pour les malades céliaques et les personnes souffrant d'allergie au blé, le sans gluten est indispensable. 

Une partie de la population souffre aussi de sensibilité au gluten, qui se manifeste par une variété de symptômes gastro-intestinaux et extra-intestinaux après ingestion de blé et de céréales contenant du gluten (voir plus loin). Une nouvelle étude permet de mieux comprendre ce phénomène. 

Les résultats de l'étude, qui a été menée par des chercheurs de Columbia University Medical Center sont publiés dans la revue Gut.

La sensibilité au gluten n'est "pas imaginaire"

« Notre étude montre que les symptômes rapportés par les personnes atteintes par ce trouble ne relèvent pas de l’imagination, comme certains l'ont suggéré », explique le Dr Peter H. Green, co-auteur de l’étude et professeur de médecine à Columbia et directeur du Centre pour la maladie cœliaque. « Il existe une base biologique pour ces symptômes chez un nombre important de ces patients. »

La maladie cœliaque est une maladie auto-immune dans laquelle le système immunitaire attaque par erreur la muqueuse de l'intestin grêle lorsqu’une personne est génétiquement prédisposée ingère du gluten à partir de blé, seigle, orge, avoine. Cela conduit à des symptômes gastro-intestinaux sévères, dont des douleurs abdominales, de la diarrhée et des ballonnements, mais aussi à une myriade d'autres symptômes extra-digestifs..

Les chercheurs se sont efforcés de déterminer pourquoi certaines personnes, qui ne souffrent pas de maladie  ont pourtant des symptômes gastro-intestinaux proches, en plus de signes extra-intestinaux, tels que la fatigue, les troubles cognitifs ou de l'humeur après l'ingestion d'aliments à gluten. Cette sensibilité au gluten ou au blé (NCWS pour « non celiac gluten or wheat sensitivity ») toucherait 6 à 10% des populations occidentales.

Lire : Gluten, comment le blé moderne nous intoxique, de Julien Venesson

Activation du système immunitaire

Pour l’expliquer, les chercheurs pensent que l’exposition au gluten ou à d’autres constituants du blé déclenche une activation générale du système immunitaire, et non simplement une réponse locale comme dans la maladie cœliaque.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont examiné 80 personnes souffrant de NCWS, 40 personnes atteintes de maladie cœliaque, et 40 témoins sains. En dépit de l'étendue des lésions intestinales associées à la maladie cœliaque, les marqueurs sanguins d'activation immunitaire innée généralisée ne sont pas élevés dans le groupe de cœliaques. 

Chez les personnes sensibles au gluten on ne trouve pas de cellules T cytotoxiques intestinales observées chez les patients cœliaques, mais on trouve un marqueur d’atteinte cellulaire intestinale directement lié à des marqueurs sérologiques de l'activation immunitaire systémique aiguë. Les résultats suggèrent que l'activation immunitaire systémique identifiée dans ce trouble est liée au fait que des antigènes (bactéries, fragments de protéines) réussissent à migrer depuis l'intestin vers la circulation, en partie à cause des dommages subis par les cellules de l’intestin et de la perméabilité intestinale.

Ceci expliquerait pourquoi, dans la sensibilité au gluten ou au blé, les symptômes ne concernent pas seulement la sphère intestinale.

Des symptômes généralisés

Les personnes (hors maladie céliaque) qui réagissent à la présence de gluten ont des symptômes aussi bien intestinaux qu'extra-intestinaux. C'est à cela qu'on peut faire la différence avec un simple côlon irritable. Parmi les patients qui se sont présentés à un centre spécialisé dans le Maryland et pour lesquels on a pu poser le diagnostic de sensibilité au gluten, les symptômes les plus fréquents, en dehors de douleurs digestives étaient l'eczéma et/ou les rash, les maux de tête, les difficultés à se concentrer, la fatique, et la dépression. Une étude australienne sur 22 patients a trouvé que la consommation de gluten était liée à une augmentation des symptômes dépressifs.

Lire : La sensibilité au gluten n'est pas un mythe

La bonne nouvelle, c’est que ces patients atteints de NCWS qui ont suivi un régime alimentaire excluant blé et céréales à gluten pendant six mois ont pu normaliser leurs niveaux d'activation immunitaire ainsi que les marqueurs des dommages intestinaux cellulaires. Ces changements ont été associés à une amélioration significative des symptômes intestinaux et non-intestinaux.

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