Vitamines et minéraux : peu de preuves de leur efficacité contre maladies cardiovasculaires et cancers

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 18/11/2013 Mis à jour le 10/03/2017
Une revue de la littérature scientifique souligne le manque de preuves des bénéfices des suppléments de vitamines et minéraux pour prévenir maladies cardiovasculaires et cancers chez des adultes en bonne santé.

Les preuves des bénéfices des suppléments de vitamines et minéraux chez les adultes en bonne santé manquent encore ; c'est la conclusion d'une revue de littérature réalisée par des chercheurs de l’United States Preventive Services Task Force (USPSTF), un groupe d'experts indépendants qui fait des recommandations de santé publique pour la population américaine. Leur étude est parue dans Annals of Internal Medicine.

Les vitamines et les minéraux sont souvent utilisés sous la forme de compléments alimentaires pour améliorer l’état de santé général. D’après l’étude NHANES III, près de la moitié de la population américaine utiliserait des compléments alimentaires. Cette utilisation est moins répandue en France. Les consommateurs de compléments alimentaires français auraient cependant une meilleure hygiène de vie.

Lire : Les Français consommateurs de compléments alimentaires ont une meilleure hygine de vie

Les chercheurs américains ont examiné les preuves des bénéfices ou des effets indésirables d'une complémentation en vitamines et minéraux en prévention des maladies cardiovasculaires et des cancers, les deux principales causes de décès aux Etats-Unis (et en France). Ils ont recherché des articles publiés entre janvier 2005 et janvier 2013 et ont ainsi trouvé 26 essais cliniques, dont 24 essais randomisés contrôlés et deux études de cohorte (études épidémiologiques d'observation). Les études portaient sur 128 à 72 337 personnes, avec un âge allant de 22 à 77 ans ; dans la plupart des cas, il s’agissait de personnes de plus de 50 ans. La plupart des études duraient moins de 10 ans. La conclusion générale de cette revue de littérature est que les preuves d’une efficacité de la complémentation chez les adultes en bonne santé sans déficience nutritionnelle manquent.

Cependant, 2 larges essais cliniques, incluant 27 658 personnes, ont montré une diminution de l’incidence du cancer chez des hommes prenant des multivitamines : l’étude SU.VI.MAX, menée sur 13 017 hommes et femmes français, et l’étude PHS-II, portant sur 14 641 médecins hommes américains. Ni SU.VI.MAX, ni  PHS-II n’ont montré d’effet de la complémentation sur la mortalité toutes causes confondues, après 7,5 et 11,2 années de suivi respectivement. Les multivitamines n’avaient pas d’effet non plus sur les événements cardio-vasculaires. Mais PHS-II a montré que les multivitamines réduisaient l’incidence générale des cancers après 11,2 ans de suivi. Dans l’étude SU.VI.MAX, si on différenciait les résultats par sexe, il y avait un effet protecteur chez les hommes uniquement. Ceci pourrait être dû à des niveaux de base en antioxydants différents chez les hommes et les femmes.

Lire : Compléments alimentaires : moins de cancers mais autant de maladies cardiovasculaires

Pour les auteurs, les résultats des essais cliniques sur la complémentation en vitamines sont décevants. Les systèmes physiologiques affectés sont complexes, ce qui expliquerait que les seuls résultats significatifs viennent de deux études utilisant des multivitamines à doses physiologiques. Les études sur des nutriments seuls ou associés (par exemple, vitamines A, C et D ; acide folique ; sélénium ; calcium) n’ont pas montré de bénéfice clair.

Cette étude ne trouve pas non plus de preuves que la prise de suppléments entraîne des risques particuliers pour la santé. 

L'analyse de LaNutrition.fr. Cette analyse est intéressante dans la mesure où elle n'inclut pas les deux grandes études des années 1990 qui utilisaient des suppléments fortement dosés de bêta-carotène chez les fumeurs (ATBC et CARET), et qui avaient trouvé un risque accru de cancers. L'inclusion de ces deux études dans les méta-analyses qui ont suivi en avait littéralement "pollué" toutes les conclusions. Il y a aujourd'hui trois messages à retenir de ce nouveau travail. D'abord, les essais cliniques conçus pour évaluer l'efficacité des médicaments ne sont peut-être pas adaptés à l'évaluation des compléments nutritionnels. Ensuite, les maladies chroniques, liées à l'âge, comme les maladies cardiovasculaires et les cancers sont des maladies complexes, qui se constituent souvent sur plusieurs décennies et sont principalement liées au mode de vie (et à la pollution). C'est donc d'abord par un changement de mode de vie qu'on peut espérer les contenir. Les compléments de vitamines et minéraux peuvent jouer un rôle, en prévenant les déficits, en optimisant certaines réactions enzymatiques et non enzymatiques protectrices, mais il faut les considérer comme la "cerise sur le gâteau" une fois qu'on a mis de l'ordre dans son style de vie (alimentation, exercice, gestion du stress...) et non comme des pilules magiques qui viendront corriger tous les écarts. Enfin, il paraît difficile d'obtenir des bénéfices significatifs sur ces maladies en utilisant des formulations bancales, des doses trop élevées, ou des substances prises isolément (sauf peut-être coenzyme Q10, oméga-3 à longues chaînes, potassium, vitamine D pour ne citer que celles-là). C'est donc une prime donnée aux formulations qui font appel à des doses modérées. Les suppléments contenant du fer devraient être évités (Voir notre article "Des vitamines qui augmentent la mortalité ?"). Une autre préoccupation est celle de la qualité des vitamines B : fréquemment synthétiques, certaines d’entre elles pourraient devenir dangereuses à fortes doses (Lire "Vitamines : naturelles ou synthétiques ?"). 

Pour vous aider à bien choisir un complément alimentaire vous pouvez consulter notre  "Comparatif des compléments alimentaires multivitaminés pour adultes" (prochainement mis à jour) et les articles suivants :

Pour bien utiliser les compléments nutritionnels : Le guide pratique des compléments alimentaires de Brigitte Karleskind, en vente seulement sur NutriStore.

Source

Fortmann SP, Burda BU, Senger CA, Lin JS, Whitlock EP. Vitamin and Mineral Supplements in the Primary Prevention of Cardiovascular Disease and Cancer: An Updated Systematic Evidence Review for the U.S. Preventive Services Task Force. Ann Intern Med. 2013 Nov 12. doi: 10.7326/0003-4819-159-12-201312170-00729.

A découvrir également

Back to top