« Le bonheur fait des progrès», et nous ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 16/07/2008 Mis à jour le 17/02/2017
Une étude scientifique germano-américaine (si, si c’est du sérieux) vient de montrer que « le bonheur fait des progrès dans le monde ». Parce que oui, c’est bien connu, le bonheur vit sa vie, c’est à nous de le trouver. Les résultats parus dans la revue Perspectives on Psychological Science de juillet (1), suggèrent que dans le monde, certains pays pauvres seraient plus heureux qu’il y a dix ans…certains pays riches non. Selon cette enquête réalisée dans 52 pays, le sentiment de bonheur serait ainsi en hausse depuis 1981 dans les pays tels que l’Inde, l’Irlande, le Mexique, à Porto Rico et en Corée du Sud. En revanche, le taux de bonheur serait moindre dans neuf pays d’Europe dont la France, mais aussi au Canada, en Chine, en Argentine et au Japon. Mais qu’est ce que le bonheur ? Allégresse, béatitude, euphorie, chance, enchantement, extase, félicité, ravissement. Tant de synonymes qui vous rappellent surement quelque chose. La mélodie du bonheur, ça ne vous dit rien ? Souvenez-vous de ce film à vocation largement initiatique ? « The sound of music » de 1965, avec la célèbre Julie Andrew, alias Marry Poppins. Non ? Toujours pas ? C’est étonnant. Voyons. Une jeune et fraîche novice d’un couvent de Salzbourg devient gouvernante des sept enfants d’un veuf Capitaine. A la fin du film, elle oublie le couvent, s’entend à merveille avec chacun des enfants et surtout, séduit le père. Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup de « nenfants ». Si on imagine extrapoler le scénario à la période qui nous est contemporaine, l’héroïne du film se serait surement séparée puis remariée, serait belle-mère de deux enfants adorables et blonds. Elle habiterait une maison moderne, propre, qui sentirait la javel et la lavande et serait propriétaire d’un labrador noir et d’un monospace. Mais la quête du bonheur, c’est quoi ? Qui a décrété que la vie nous doit quelque chose ? Qu’il faille une existence bien rangée, des biens matériels et pleins d’argent pour être heureux ? Le Larousse donne la définition suivante du bonheur : « État de complète satisfaction, de plénitude. Heureux hasard, chance ; joie, plaisir ». Mais la réalité est surement ailleurs. Il semble plutôt que le bonheur soit devenu la quête moderne du graal, une pression monstre exercée sur ceux qui le cherche sans le trouver (aïe). La recherche du bonheur : une nouvelle religion qui mixe ignorance, sexualité et pouvoir d’achat. Les auteurs de cette étude américano-allemande semblent donc avoir confondu la perception du bonheur avec le sentiment de sécurité. Et de même, la perception du malheur avec le sentiment de précarité des civilisations pauvres. Bien sûr, le degré du sentiment de sécurité (et donc de bonheur ?) découle directement du « développement » de la civilisation dans laquelle on vieillit. Evidemment, un européen ou américain dans sa piscine ou devant sa télé se considérera « plus heureux » qu’un Africain qui ne sait pas ce qu’il mangera demain. Malgré ce, les chercheurs ont quand même voulu vérifier (on ne sait jamais) et ils ont trouvé que le pays où le sentiment de bonheur est le plus haut est le Danemark, alors que le Zimbabwe est à la traîne. Cette enquête est, bien sûr réalisée par des occidentaux, dont le critère « bonheur » (pas celui du Larousse) est universel et extrapolable. Bien évidemment. Mais comment peut-on demander selon le même critère à deux êtres humains que tout sépare quelle est leur perception du bonheur ? L’étude affirme que « bonheur et satisfaction progressent de façon importante lorsqu’on passe d'un niveau de pauvreté qui permet juste de subsister à un niveau modeste de sécurité économique ». Sans blague ?! Et de continuer par « au sein des sociétés riches, une augmentation supplémentaire des revenus est à peine liée à un plus grand sentiment de bien-être ». On vous l’avait bien dit, l’argent ne fait pas le bonheur. Mais alors quoi ? Serions nous devenus à ce point pourri-gâtés que nous ne serions plus capable d’être heureux ? Et enfin l’apothéose, « les résultats montrent bien que les sociétés les plus heureuses sont celles qui donnent aux gens la liberté de choisir leur type de vie ». On nous aurait menti, le bonheur n’est pas l’apanage des dictatures ? Ah… bon.On doit remercier cette étude. Grâce à elle, nous avons pu prendre conscience que la liberté est source de bonheur. Et que le modèle actuel du développement humain a fait progresser le bonheur… qui n’est plus dans le pré. N’est ce pas la FAO qui rapporte que « de nombreux écologistes considèrent que guère plus de deux milliards d'hommes pourraient vivre selon les normes européennes sans compromettre la pérennité de la biosphère » (2). Heureux les naïfs ? Nous voilà rassurés. Céline Soleille(1) Ronald Inglehart , Roberto Foa , Christopher Peterson , and Christian Welzel, Development, Freedom, and Rising Happiness: A Global Perspective (1981–2007), Perspectives on Psychological Science, Volume 3 Issue 4 (July 2008)(2) Philippe Collomb, Une voie étroite pour la sécurité alimentaire d'ici à 2050, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, FAO - 1999

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