Dans le Guide du chasseur-cueilleur égaré au 21ème siècle, Heather Heying et Bret Weinstein examinent notre vie moderne avec leur regard de biologistes de l’évolution. Une lecture stimulante et provocante. Entretien avec les auteurs.

Pr Walter Willett : Ce qui me réjouit le plus, c’est d’avoir été capable de mener ce type de recherches. Quand j’ai fini mes études dans les années 1970, les scientifiques pensaient qu’il était impossible de mesurer les effets de l’alimentation ou du mode de vie. Le groupe de Harvard que j’ai rejoint en 1977 avait un avis différent et venait juste de lancer une grande étude qui suivait des dizaines de milliers d’infirmières, la fameuse Etude des Infirmières. Cette étude, et d’autres ont prouvé que l’on peut mesurer scientifiquement les effets du mode de vie, et certains des résultats qui ont été obtenus ont contredit ce que l’on pensait à l’époque. En 1970, des scientifiques croyaient encore que le tabac n’était pas dangereux pour les femmes. Nous savons maintenant grâce à ces grandes études à long terme que le tabac est la principale cause de cancer et de maladie cardiovasculaire chez les femmes.
Le lait. Grâce aux campagnes publicitaires de l’industrie laitière tout le monde sait que le lait est bon pour nous. On est probablement ici dans le même cas de figure.
Mais moi aussi ! Je viens du Midwest, où l’élevage était très important. Je suis issu d’une famille qui pratiquait l’élevage depuis plusieurs générations, et l’industrie laitière était très présente dans ma région. Les campagnes de l’industrie laitière nous ont donné une foi totale dans le lait, nous croyons qu’il ne peut absolument pas nuire à la santé. S’il y a bien un aliment sans danger, c’est le lait. Enfin, c’est ce que l’on croit. Mais il n’y a guère de preuves scientifiques pour soutenir cela.
Plusieurs études montrent qu’une consommation élevée de lait s’accompagne d’un risque accru de cancer, le cancer de la prostate chez l’homme et dans une moindre mesure, celui des ovaires chez la femme. Il y a aussi un risque plus élevé de maladie de Parkinson.
Nous pensons que le calcium est en cause, mais ce pourrait aussi être les protéines. Mais je dois ajouter que ces associations ne sont pas retrouvées dans toutes les études et que certaines études ont aussi trouvé que la consommation de laitages pourrait réduire le risque de cancer digestif. Ceci serait aussi dû au calcium.
C’est amusant, que vous parliez de ça. Nous avons été incapable de trouver une relation entre la qualité de l’os chez la personne âgée et la consommation de laitages. L’ostéoporose devient un problème de plus en plus préoccupant avec le vieillissement de la population, mais quoi que l’industrie laitière dise, boire du lait n’est pas la solution. L’exercice aide, mais le lait non.
Non, elle n’aime pas ça. Il y a pas mal de sociétés dans lesquelles je ne suis pas le bienvenu. Par exemple, on a dit à des chercheurs qui organisaient un congrès sponsorisé par Kraft (1) qu’ils pouvaient inviter qui ils voulaient sauf Walter Willett.
Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l’industrie agro-alimentaire. Ce sont des géants qui disposent d’une influence politique considérable.
Les polémiques se développent non seulement parce que les scientifiques font des découvertes surprenantes mais aussi parce que les parties en cause essaient d’influencer ces scientifiques qui dérangent. J’ai l’impression que c’est moins le cas en Europe, mais aux Etats-Unis l’industrie exerce une pression énorme sur les chercheurs. Je crois que les scientifiques doivent prendre conscience de cette pression. Les chercheurs ont une responsabilité. Il leur arrive de faire des découvertes qui bouleversent les idées reçues. C’est souvent douloureux, mais très important. C’est comme cela qu’on progresse.
(1) Kraft Foods est un géant de l’industrie alimentaire mondiale, avec aux Etats-Unis un secteur laitier très développé.
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Pascal Picq est maître de conférences au Laboratoire de paléoanthropologie et préhistoire du Collège de France (Paris). Il raconte comment, dès l’origine, l’alimentation a façonné l’évolution de l’homme.
Dans un nouveau livre, Christian Rémésy propose de redonner au pain la place qu'il n'aurait jamais dû perdre. Mais un vrai pain, bien différent de la baguette. Un pain proche de celui consommé par nos ancêtres.