Thierry Souccar : Le Bon choix, un guide de survie au supermarché.

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 21/04/2013 Mis à jour le 06/02/2017
L'équipe de LaNutrition.fr, diététiciens et journalistes scientifiques, publie la troisième édition du Bon choix : le Bon choix au supermarché 2016-2017 Un guide conso visuel qui classe 700 aliments du supermarché : ceux qu'on peut acheter et ceux qu'il vaut mieux éviterDans cet entretien, Thierry Souccar, qui a coordonné l'ouvrage, explique la démarche de LaNutrition.fr pour rédiger ce livre

Sylviane Passard : Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Thierry Souccar. Les gens font de plus en plus attention à la qualité de leur alimentation. L’idéal serait de ne consommer que des aliments peu ou pas transformés, de préférence sans pesticides ni engrais, mais pour l’instant 70 % des achats alimentaires se font en supermarché où les consommateurs sont confrontés à des milliers de références. Soit vous faites confiance aux promesses des industriels, soit vous lisez les étiquettes. Dans les deux cas, à moins d’être nutritionniste ou diététicien, c’est très difficile de faire un bon choix. Plutôt que de laisser les consommateurs errer dans cette jungle, nous avons voulu les conseiller très concrètement, au risque de faire grincer quelques dents. C’est un vrai guide de survie au supermarché.

Le principe du livre, c’est donc classer les produits rayon par rayon.

Exactement. Nous avons une équipe de diététiciens qui a passé à la loupe près de 700 aliments de la grande distribution. Avec eux, et mon équipe de journalistes scientifiques, qui sont biochimistes, biologistes ou ingénieurs de l’alimentation, nous avons enquêté sur leur fabrication, nous avons épluché les listes d’ingrédients afin de repérer les produits de bonne qualité nutritionnelle et signaler au consommateur les plus mauvais.

Vous êtes un peu les nutritionnistes qu’on emporte avec soi pour faire ses courses.

Oui. De ce point de vue, Le Bon choix au supermarché est une sorte de contre-pouvoir vis-à-vis de la pression publicitaire qui jusqu’ici orientait les choix du consommateur. Le Bon choix est différent aussi parce qu’il est totalement illustré. Plutôt que de faire de longs tableaux, il nous a paru essentiel que le lecteur visualise les marques car c’est ce à quoi il est confronté chaque semaine lorsqu’il arpente les allées de son supermarché. C’est beaucoup plus parlant que des listes ou des tableaux. Ensuite, le livre donne à chaque lecteur un véritable cours de nutrition pratique qui lui permettra d’être un meilleur consommateur, au-delà des achats en supermarché. Les acheteurs de la première édition, les mamans qui sont perdues, qui ne connaissent pas forcément notre travail sur LaNutrition.fr, ont été très sensibles à cette formation accélérée ! Enfin, nous voulons aussi récompenser et encourager les industriels de l’agroalimentaire qui œuvrent pour l’amélioration de la qualité nutritionnelle de leurs produits et jouent la carte de la transparence.

N’est-ce pas surprenant de la part de quelqu’un qui est vu comme un pourfendeur de l’industrie agro-alimentaire ?

La critique n’exclut pas les compliments. Quand l’industrie mettait sur nos tables des horreurs nutritionnelles, le plus souvent pour des raisons économiques, il fallait le dénoncer et je l’ai fait notamment dans Santé, mensonges et propagande avec Isabelle Robard. Mais les critiques ont porté et certains industriels ont fait des efforts remarquables. Ceux-là méritent d’être cités en exemple.

Avez-vous eu des réactions à la suite de la parution de la première édition ?

Oui. Plusieurs industriels étaient particulièrement fiers d’être bien notés, ils ont promis de redoubler d’efforts pour conserver leur classement. Et puis on a reçu un très long courrier du service juridique d’une multinationale, nous faisant la leçon, nous expliquant notre métier, nous chapitrant pour avoir osé classer des aliments, puisque comme chacun sait « il n’y a pas de bons et de mauvais aliments », nous disant que s’ils avaient fait le livre, en gros, ils auraient très bien noté leur produit, ce dont je ne doute pas. Ils terminaient sur une menace voilée quant aux conséquences juridiques. On leur a répondu très gentiment mais fermement que le livre se faisait en dehors de toute pression.

Un livre concurrent classe les aliments du supermarché en se focalisant surtout sur leur teneur en calories et en graisses. Pas Le Bon choix. Pourquoi ?

Parce que cette approche est désuète. Elle n’apporte rien au consommateur et peut même conduire à recommander des aliments qu’il vaudrait franchement mieux éviter ! Pour commencer, la quantité de graisses d’un aliment ne nous dit pas si cet aliment est bon pour notre ligne et notre santé parce que contrairement à ce que pensent de nombreux nutritionnistes, il n’y a pas de relation entre la richesse en graisses d’un aliment et le gain de poids, et très peu de relation avec la santé. C’est d’ailleurs ce que vient de rappeler l’Anses, à la suite de ce que nous disons avec les chercheurs depuis près de 10 ans. Je cite l'avis de l'Anses du 1er mars 2010 : « En prévention primaire, les données disponibles indiquent clairement que la quantité d’énergie totale, et non la teneur en lipides des régimes, est très généralement corrélée au risque de pathologies telles que syndrome métabolique, diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires, cancers et DMLA. » Donc il faudrait arrêter de classer les aliments selon qu’ils sont plus ou moins gras. Cette obsession du gras a conduit à des aberrations. Le beurre allégé par exemple est un non sens. On lui a enlevé des matières grasses pour les remplacer par de l’eau mais on y ajoute au passage de l’amidon modifié et du sucre ! Le remède est pire que le mal.

Sur les calories justement, vous faites un distingo

Oui. La vraie bonne question, c’est : cet aliment apporte-t-il des calories vides ou des calories pleines ? La notion de calories vides est facile à comprendre. Il s’agit d’aliments qui apportent beaucoup de calories sans apporter de nutriments essentiels comme des vitamines et minéraux, des acides gras ou des protéines. D’où le terme de « calories vides », car inutiles sur le plan nutritionnel. Ce sont des aliments qui n’apportent rien d’autre d’utile à la santé. Ce sont par exemple les colas, les chips ou les bonbons. On parle également d’aliments à « faible densité nutritionnelle ». A l’inverse, vous avez des aliments comme les noix ou le saumon qu’il est bon de consommer régulièrement, même s’ils sont caloriques, avec des aliments peu caloriques comme les fruits et légumes.

Quels autres critères avez-vous pris en considération ?

Nous sommes très attentifs à la présence d’additifs parasites, ainsi qu’aux notions d’index et de charge glycémiques, qui, pour résumer, rendent compte de la capacité d’un aliment à élever ou pas le sucre sanguin. Le grand public n’a pas forcément besoin de savoir comment on calcule ces index. Il doit simplement savoir que lorsqu’on mange régulièrement des aliments dont l’index glycémique est élevé, comme le pain blanc ou la purée de pommes de terre, on risque de grossir et de développer des maladies chroniques comme le diabète ou les maladies cardiovasculaires. Voilà un critère bien plus pertinent pour la santé que le nombre de calories ou les grammes de graisses !

Vous voulez dire que des produits peu gras et pas forcément très caloriques peuvent être bien considérés ailleurs, mais mal notés dans Le Bon choix au supermarché en raison de leur index glycémique ?

Exactement. Prenez les corn flakes. Pour certains nutritionnistes, ils sont très bien : peu de sucres, peu de graisses, pas trop de calories. Mais en réalité, ils ont un index glycémique et une charge glycémique élevés. C’est une bombe nucléaire pour le pancréas. Les corn flakes épisodiquement ne posent pas de problème ; mais à jet continu nous pensons qu’ils crééent une résistance à l'insuline, épuisent le pancréas et font le lit du diabète. Bien sûr, on peut en manger de temps en temps, mais ce n’est pas une bonne idée d’en servir chaque matin à des enfants.

Sur ces points comme d’autres, vous ne tenez pas exactement le même discours que tous les médecins nutritionnistes. Pourquoi  ?

La nutrition est une discipline complexe, qui évolue en permanence et qui relève de la science et plus précisément de la biochimie, de l'épidémiologie. Si vous ne collez pas à l’actualité de la recherche, vous finissez par écrire et dire des bêtises. Nous en disons certainement comme tout le monde. Mais pour essayer d’en dire le moins possible, nous travaillons collectivement. Nous sommes un groupe d’experts, et lorsque nous avons une interrogation, nous interrogeons directement les chercheurs. Cette expertise vaut à LaNutrition.fr d’être considéré comme le site référent en nutrition en France. Pour Le Bon choix, tout cela est considérablement vulgarisé et mis au service d’une sélection de produits.

Vous aviez décerné votre prix l’an dernier à des pâtes fraîches. Et cette année ?

Nous avons distingué la Mayonnaise Comme à la maison de Bénédicta. A la différence des autres mayonnaises trouvées en supermarché, elle ne contient que l'essentiel : de l’huile de colza, de la moutarde, du vinaigre, des oeufs frais, du jus de citron, du sel et des épices. C'est vraiment un produit parfait ! Nous considérons que c'est un excellent produit également parce que l'huile de colza est une huile riche en oméga-3.

10 autres nouveaux produits ont été également été récompensés dans diverses catégories: plats préparés frais, conserves, biscuits, pains...

Avez-vous vu d’une année sur l’autre une influence du Bon choix sur la composition des produits ?

Oui. De très nombreux produits qui se sont fait épingler l’an dernier ont modifié leur composition en tenant compte de nos critiques. Sous notre pression et celle de bien d'autres médias, la plupart des graisses trans ont disparu en 2013 au point que ce problème est en voie d'être réglé. C’est très positif et cela sert tous les consommateurs !

 

Propos recueillis par Sylviane Passard

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