En perturbant la flore intestinale, l'alimentation moderne nuit au cerveau

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 29/06/2015 Mis à jour le 10/03/2017
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Une étude expérimentale montre que l'alimentation occidentale riche en sucres et en graisses modifie la flore intestinale, provoquant ainsi une perte des fonctions cognitives

Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Oregon State University et parue dans la revue Neuroscience rapporte qu’un régime riche en graisses et/ou en sucres provoque des modifications au niveau des bactéries intestinales qui semblent liées à une perte significative de flexibilité cognitive. La flexibilité cognitive représente la capacité d’adaptation à de nouvelles exigences ou règles. L’effet était plus important avec le régime riche en sucres qui affecte également les mémoires à long et court terme.

Le régime alimentaire occidental (Western Diet), riche en graisses, en sucres et en glucides à index glycémique élevé est associé à une gamme de maladies chroniques, comme l’obésité par exemple.

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« Les apports élevés en graisses et en sucres raffinés sont associés à un déclin de la flexibilité cognitive et de la mémoire et à une augmentation de l’incidence de la maladie d’Alzheimer » explique l’article. « Ce type de régime –riche en graisses et/ou en sucres- altère également la flore intestinale ». De plus en plus de preuves suggèrent que les bactéries intestinales impactent des fonctions essentielles dans l’organisme, notamment la maturation du système immunitaire et des processus métaboliques.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont cherché à savoir si les changements induits sur le microbiote intestinal par différents régimes alimentaires pouvaient impacter mémoire et flexibilité cognitive.

Les chercheurs ont travaillé sur des souris auxquelles ils ont donné différents régimes alimentaires (riche en graisses ou riche en sucres (saccharose) ou alimentation normale) puis ils leur ont fait passer plusieurs tests, comme celui du labyrinthe d’eau, pour enregistrer les changements dans leurs fonctions mentale et physique. Ils ont également évalué les modifications sur différents types de bactéries intestinales.

Les résultats montrent qu’après seulement 4 semaines d’un régime riche en graisses ou riche en sucre, les performances de la souris sur les différents tests de la fonction mentale et physique ont commencé à diminuer, comparées aux souris suivant un régime « normal ». Et le changement le plus important était lié à la flexibilité cognitive. Le régime riche en graisses et le régime riche en sucres présentent certaines similitudes quant aux modifications qu’ils induisent chez les bactéries intestinales, par rapport au régime normal. Mais ils provoquent également chacun des modifications spécifiques. « Les modifications induites au niveau de la flore intestinale étaient encore plus significatives chez les souris soumises au régime riche en sucres ».

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« L’altération de la flexibilité cognitive était assez forte » expliquent les auteurs. « Imaginez que vous êtes en train de rentrer chez vous par une route que vous connaissez très bien. Mais un jour la route est fermée et vous devez soudainement trouver un nouveau chemin pour rentrer chez vous ». Une personne avec un niveau élevé de flexibilité cognitive pourrait immédiatement s’adapter au changement, déterminer une autre route pour rentrer chez elle et se souvenir d’utiliser cette nouvelle route le jour suivant, sans trop de problème. Alors que pour une personne avec une flexibilité cognitive altérée, le retour à la maison serait long, lent et stressant.

« Il est de plus en plus clair que nos bactéries intestinales, ou microbiote, peuvent communiquer avec notre cerveau » explique Kathy Magnusson, auteure de l’étude. « Les bactéries peuvent libérer des composés qui agissent comme des neurotransmetteurs, stimulent les nerfs sensoriels ou le système immunitaire et impactent une large gamme de fonctions biologiques. Nous ne sommes pas sûre des messages qui sont envoyés, mais nous recherchons les mécanismes impliqués et les effets ».

« Cette étude a été réalisée sur des souris jeunes avec un système biologique sain, mieux en mesure de résister aux influences pathologiques de leur microbiote intestinal. Ces résultats auraient donc pu être plus prononcés chez des souris plus âgées ayant des systèmes intestinaux plus "abîmés" ».

Ces résultats rejoignent ceux d’études précédentes montrant l’impact des graisses et des sucres sur la fonction cognitive et le comportement et suggèrent que ce phénomène serait lié à l’altération de la flore intestinale. « Nous savons depuis longtemps que trop de graisses et trop de sucres ne sont pas bons pour la santé. Ce travail montre que les graisses et les sucres altèrent notre flore intestinale et c’est une des raisons pour lesquelles ce type d’aliment n’est pas bon pour nous » concluent les auteurs.

Lire : Un cerveau au top (LIRE UN EXTRAIT ICI  >>)

Sources

Magnusson KR, Hauck L, Jeffrey BM, Elias V, Humphrey A, Nath R, Perrone A, Bermudez LE. Relationships between diet-related changes in the gut microbiome and cognitive flexibility. Neuroscience. 2015 Aug 6;300:128-40. doi: 10.1016/j.neuroscience.2015.05.016. Epub 2015 May 14.

Fat, sugar cause bacterial changes that may relate to loss of cognitive function. Oregon State University

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