L’alimentation de vos enfants, enquête sur le marketing et les idées reçues

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 04/11/2010 Mis à jour le 06/02/2017
Ce livre est écrit par Fabiola Flex et le professeur Patrick Tounian.Un livre de plus qui va vous dire comment nourrir vos enfants pour qu’ils soient en bonne santé ?Non, un livre de trop qui vous explique que surveiller l’alimentation de ses enfants n’est finalement pas si important…

Démagogie. S’il fallait un mot, un seul, pour caractériser le livre de Fabiola Flex et Patrick Tounian, ce serait celui-là. Et l’objectif est annoncé dès la quatrième de couverture : déculpabiliser les parents ! C’est sur, c’est vendeur. Mais à quel prix ? Celui de la rigueur scientifique. Et des efforts entrepris depuis des années pour insister sur l’importance d’une bonne alimentation pour une bonne santé. Explications.

L’idée directrice de ce livre est la suivante : certains enfants sont génétiquement programmés pour devenir obèses. Les autres peuvent manger absolument ce qu’ils veulent, cela restera sans conséquence. Si votre enfant fait partie de cette catégorie, cessez donc de lui casser les pieds avec l’importance du petit déjeuner, avec les méfaits du sucre, avec les bienfaits des fruits et légumes. Laissez-le se gaver de hamburgers et de Nutella avec toute l’insouciance qui caractérise la jeunesse. Et vous parents, dé-cul-pas-bi-li-sez ! C’est le mot d’ordre.

Le problème, c’est que c’est faux

flex_tounianPour commencer, s’il existe une susceptibilité génétique à prendre du poids, celle-ci ne s’exprime que dans un certain environnement. En d’autres termes, un enfant porteur d’un variant génétique qui pourrait le conduire à grossir restera mince s’il est actif physiquement et s’il se nourrit sainement. lien

Ensuite, l’idée que les enfants qui ne portent pas les gènes de l’obésité pourraient manger n’importe quoi sans prendre le même gramme est non seulement contredite par le bon sens, mais aussi par les données épidémiologiques et cliniques. En effet, si seules les personnes génétiquement susceptibles grossissaient, le taux d’obésité infantile n’aurait pas progressé comme il l’a fait aux Etats-Unis. Selon les statistiques des enquêtes NHANES américaines, entre 1976-1980 et 2007-2008 le pourcentage d’enfants de 2 à 5 ans obèses est passé de 5 à 10,4%; pour les 6-11 ans, il est passé de 6,5 à 19,6% et pour les 12-19 ans, de 5 à 18,1%. Il est impossible que des mutations génétiques si profondes aient pu intervenir dans la population américaine en moins de trente ans.

Deuxième problème de ce livre : sous prétexte de déculpabiliser les parents qui veulent trop bien faire, les auteurs enchaînent les contre-vérités. Une pincée de mauvaise foi, une cuillérée de théorie du complot saupoudrée d’une bonne dose d’ironie gratuite, ça donne à peu près ça : « Faut-il croire à l’argument « santé » mis en avant pour faire avaler aux enfants des légumes dont ils se passeraient bien ? ». Non bien entendu, s’il était scientifiquement prouvé que les légumes sont bons pour la santé ça se saurait… S’ils n’aiment pas ça on leur fera des frites.

Et les auteurs n’hésitent pas à user et abuser de l’ironie pour traquer ces pauvres parents qui voudraient juste bien faire. Parlons de Solange par exemple. Extrait : « Du Quinoa, du riz complet, des lentilles rouges, du miel et des raisins secs dans des pots de verre soigneusement alignés sur une étagère. Des yaourts nature, des compotes étiquetées « sans sucre ajoutés » et une bonne dose de légumes au réfrigérateur. Aucun doute : Nutella et Fraises Tagada n’oseraient pas pointer le bout de leur nez dans la cuisine de Solange. (…) Il est vrai qu’ils auraient tort de s’y risquer : depuis plus de 4 ans tous les aliments contenant des sucres ajoutées sont interdit d’entrée dans cette maison de la banlieue chic de Paris tout comme le bon vieux sucre blanc.( …). « Comme ces sucres n’apportent absolument rien de bien, ni vitamines, ni minéraux, j’ai décidé d’en limiter la consommation à la maison. » Le miel et le sucre de canne complet ont ainsi remplacé la poudre blanche dans les yaourts. Les tartines sont recouvertes d’un équivalent de confiture acheté au rayon diététique, « 100 % fruits », et taillées dans du pain complet, évidemment, parce que la baguette bien blanche, « c’est aussi du sucre », déclare Solange ».

Cette pauvre Solange en prend ainsi pour son grade dans tout le chapitre consacré au sucre. Cette pauvre Solange qui veut trop bien faire et ignore que tout cela ne sert à rien : ses fils ne seront jamais obèses.

Sauf que c’est Solange qui a raison. On serait presque tentés de dire que Solange a tout bon. Et des Solange il y en a plus d’une dans l’ouvrage de Fabiola Flex et Patrick Tounian. Des parents soucieux de la santé de leurs enfants qui se questionnent sur la meilleure alimentation à leur donner pour être en bonne santé. Et à chacun d’eux les auteurs réservent le même traitement : aussitôt renvoyés à leurs casseroles et leur pain complet à grand coup de moqueries gratuites.

On peut à la rigueur respecter le choix rédactionnel des auteurs qui consiste à manier la dérision comme une arme de destruction massive. On peut comprendre que la provocation ait pu être érigée en principe dans le but de faire un coup médiatique et se hisser en haut des meilleures ventes (c’est loupé, le livre se vend mal !). Quant à faire dire n’importe quoi à la science, pour le plus grand plaisir de l’industrie agro-alimentaire, c’est à chacun sa conscience... Patrick Tounian, et c’est probablement une simple coïncidence – est le vice-président de la société française de nutrition, une structure fermement soutenue financièrement par Danone, Unilever ou encore l’industrie laitière tout entière. Quant à Fabiola Flex, elle se dit consultante chez le cabinet Anthenor, qui se définit comme une entreprise de lobbying comptant parmi ses clients des sociétés de l’agro-alimentaire comme Danone.

LaNutrition.fr a repris les arguments développés par ces auteurs et les a confrontés  point par point à la science, histoire d’essayer de comprendre comment un livre destiné aux parents soucieux de l’alimentation de leurs enfants peut se terminer par le slogan « Vive le Nutella ! ».

 

A découvrir également

Back to top