La meilleure façon de manger : de la théorie à la pratique

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 26/11/2008 Mis à jour le 27/02/2017
Point de vue

Les habitudes alimentaires correspondent-elles aux recommandations ? Pour tenter de répondre à cette question Aurélie Bénazet, diététicienne au Pôle de Prévention et d’Education du Centre Hospitalier de Laon (Aisne) analyse les habitudes alimentaires des patients suivis par cette structure.  Où l’on voit que de la théorie à la pratique, il y a plus d’un pas….

Au Pôle de Prévention, nous sommes une équipe pluridisciplinaire (médecin nutritionniste diabétologue, médecin tabacologue, diététiciennes, infirmières, thérapeute en gestion de stress, psychologue, podologue, secrétaires) qui rencontrons en consultation des patients présentant des facteurs de risques cardiovasculaires (diabétique de type 2, surpoids, obésité, sédentarité, dyslipidémies), des diabétiques de type 1, des patients ayant souffert d’un accident cardiovasculaire. En majorité âgés de 35 et 75 ans, les patients proviennent de divers horizons socioculturels, bien que notre structure soit implantée dans une région rurale.

En diététique, nous réalisons environ 700 consultations par an, le suivi s’effectuant sur plusieurs mois. La première consultation dure 1h environ, les suivantes en général 30 min. Pour la première consultation les patients viennent avec un semainier où toutes leurs prises alimentaires sont notées.

Constat des habitudes alimentaires les plus fréquemment relevées

La prise des repas

  • Deux repas principaux à heures régulières composés d’un plat unique (viande + féculent).
  • Petit déjeuner souvent absent voire très succinct (pain beurré + café au lait).
  • Collations fréquentes : au moins une par jour voire trois si la personne reste chez elle la journée.

Les boissons

  • Consommation de sodas et boissons sucrées plus importantes chez les jeunes ; sodas souvent en version allégée.
  • Chez les adultes, consommation de jus d’orange ou de pamplemousse pour aider à la prise des médicaments lors du petit déjeuner.
  • La prise d’alcool ne se limite pas au vin à table mais à de nombreuses prises d’apéritifs dans la semaine (bière et le whisky pour les hommes et vins cuits pour les femmes).
  • Par raisons pratique et économique, l’eau du robinet prime sur les autres eaux.

Les légumes

  • Peu de diversification et de variété, tant dans la façon de les cuisiner que dans le choix des légumes (essentiellement haricots verts, petits pois-carottes, endives, tous consommés cuits ainsi que des soupes)
  • En crus : betteraves, tomates, salade verte, endives
  • Peu de légumes frais, sauf si le patient cultive un potager. Le plus souvent les légumes sont surgelés ou en conserve.
  • La cuisson se fait essentiellement à l’eau avec ou sans ajout de matières grasses.

Les fruits

  • Peu de variété ; principalement pomme et banane pris en dessert ou entre les repas.
  • Les fruits sont rarement cuisinés.
  • Pas de consommation de fruits secs.

Légumes secs

  • Lentilles et haricots blancs sont les plus consommés car à la base des plats comme lentilles-saucisse et cassoulet. Pois cassés, pois chiche, fèves, … sont beaucoup plus rares.
  • Majoritairement consommés en conserve.

Soja

  • Produit quasi-inexistant dans les assiettes.

Céréales et féculents

  • Limitées aux pâtes, pommes de terre (fréquemment utilisées comme base dans de nombreux plats), semoule de blé (assez peu de riz), les patients optant assez souvent pour des céréales raffinées à cuire en quelques minutes.
  • Pour le pain, la baguette blanche est la plus consommée ; de plus en plus de patients fabriquent leur propre pain mais avec des mélanges "tout-prêt" de farine blanche T45.

Matières grasses  et fruits oléagineux

  • Le beurre est surtout consommé au petit déjeuner, il est souvent allégé.
  • Peu de matières grasses d’ajout dans la majorité des cas mais beaucoup de graisses cachées donc hydrogénées ou saturées.
  • Les margarines les plus consommées sont hydrogénées.
  • L’huile de tournesol est la plus utilisée en assaisonnement et en cuisson douce. Pour les fritures, ce sont des graisses hydrogénées de palme, coco ou bœuf.
  • L’huile d’olive arrive petit à petit dans les assiettes, elle reste réservée à la cuisson.
  • La crème fraîche est très souvent allégée.
  • La mayonnaise industrielle est associée aux crudités, poisson, viande froide.
  • Pas de consommation de fruits secs, sauf pour les patients qui possèdent un noyer dans leur jardin (pour peu qu’ils ne pensent pas que « c’est interdit »)
  • Margarine au phytostérol souvent vue dans les cas d’hypercholestérolémie qui prend la place du beurre.

Viande et équivalent

La consommation de cette famille d’aliments est estimée à 300 à 500g / jour.

  • Consommation élevée :
    • de viandes grasses : boudin, saucisses ;
    • de produits reconstitués : cordon bleu, beignet de poulet ;
    • de viande vite préparées : steak haché, escalope.
  • Poisson : une fois par semaine en général, très peu de poisson gras
  • Oeufs : surtout dans les préparations type quiche, gâteaux industriels ou le soir pour compléter le repas sous forme d’un œuf dur ou d’une omelette.
  • Charcuterie en tous genres en guise d’entrée au moins une fois par jour.

Laitages et fromages

  • Consommation très élevée de fromage environ 50 à 100g par jour (fromage à plus de 50 % de matières grasses).
  • Yaourts consommés en quantité et en qualité très variable (de 1-2 par jour à 4-5 - au lait entier aux fruits ou à 0% aux fruits).
  • Le lait est souvent mélangé au café le matin et aussi parfois dans le reste de la journée. Il est utilisé dans de nombreuses préparations (béchamel, entremet…). Certains patients buvant le lait comme de l’eau en consomment de très grandes quantités.

Produits sucrés

  • Prise de desserts sucrés en fin de repas (glace, crème dessert du commerce…).
  • Barre chocolatée et biscuits sont les produits sucrés du grignotage (après-midi, soirée…)

Deux journées alimentaires types chez des patients diabétiques de type 2 ayant fait un infarctus :

 

Petit déjeuner

Midi

Soir

Patient A

½ baguette

beurre

café non sucré

3 cafés non sucrés dans la matinée

Frites

Saucisses

Café

Eau

2 apéritifs

3 merguez

2 saucisses

1 andouillette

pain

café

Patient B

Café au lait

2 gâteaux secs

1 pomme dans

la matinée

Omelette (4 œufs)

Fromage

compote

Pain

Pâté + pain

Rôti de porc + crème

Pommes de terre sautées

Salade assaisonnée huile de tournesol

Fromage + pain

Flan

Il saute aux yeux que l’alimentation est trop riche en protéines d’origine animale, hyperlipidique (avec en majorité des acides gras saturés et des acides gras trans) et que l’apport glucidique est surtout à base d’aliments à index glycémique élevé. Ce déséquilibre entraîne également des carences en vitamines et minéraux notamment en magnésium, calcium (due à une alimentation acidifiante, riche en sel), vitamine C, folates…

 

La meilleure façon de manger

 

 

La réalité du terrain

L’analyse des apports nutritionnels indique bien que le comportement alimentaire de la majorité des patients rencontrés n’est pas compatible avec les pathologies pour lesquelles ils viennent consulter. Il en résulte une résistance à la perte de poids, des hyperglycémies post-prandiales, des dyslipidémies, des problèmes digestifs… Tous ces signes nous amènent à déterminer des objectifs qui les mèneront à adopter une alimentation proche des recommandations du guide publié par LaNutrition.fr "La meilleure façon de manger" (lire un extrait ICI  >>).

L’élément primordial est la volonté du patient de se sentir mieux avec sa maladie chronique.  À partir de là, la première question qui s’impose au soignant est : comment modifier les habitudes alimentaires d’un patient sur le long terme ?

En premier lieu, il ne faut pas oublier que certaines habitudes alimentaires sont induites par des a priori consécutifs aux nombreux régimes que les patients se sont souvent imposés par le passé. Ces fausses idées sont bien ancrées (« manger des légumes secs, ça fait grossir », « il faut cuisiner sans graisses »… )

Alors, selon le patient, il faut déterminer et choisir les modalités d’éducation et d’information mises à notre disposition : consultation individualisée, séance de groupe, atelier cuisine, sortie au supermarché, critique de publicité.

L’accompagner, c’est partir de la base : quel est son budget alimentaire ? Où aller faire ses courses ? À quelle fréquence ? Que mettre dans ses placards pour tenir un mois ? Comment élaborer ses menus à l’avance ?

Dans son parcours, le patient est amené à rencontrer des aliments nouveaux pour lui qu’il va devoir s’approprier. Les ateliers cuisine sont à mon sens indispensables pour un tel changement. Ils sont par ailleurs l’occasion de découvrir des recettes simples et adaptables si on a des invités.

Puis, il faut convaincre les patients que les aliments que nous leur conseillons sont bons, pour eux et pour le reste de leur famille, faciles à acheter, à préparer.

Il ne suffit donc pas de conseiller mais bien d’accompagner le patient dans son changement de comportement alimentaire. Et surtout, il faut valoriser le moindre changement positif pour lui. Car cela a toujours des effets très positifs sur sa santé (diminution de l’HBA1C, des glycémies post-prandiales, sur le poids, la satiété, les dyslipidémies).

La route est longue mais en vaut la peine !

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