Lettre à ceux qui vont voter non

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 28/04/2006 Mis à jour le 17/02/2017
Le projet de Constitution européenne est imparfait. Mais il a l'avantage de dresser un cadre beaucoup plus favorable que par le passé à la démocratie sanitaire. Tout ce qui renforce l'Europe nous protège des errements des Etats-Nations.

19 mai 2005

Je préfère vous prévenir, le texte qui suit est long… Bon. Dimanche 15 mai, sur le marché maraîcher de la petite ville d'Espéraza, dans l'Aude, j'ai eu une discussion cordiale mais animée avec un représentant de la Confédération paysanne qui distribuait des tracts appelant à dire Non à la Constitution européenne. J'entends bien les arguments du syndicat de José Bové, dont le principal est celui-ci : l'article III-123 prévoit notamment que "la politique agricole commune a pour but d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main d'œuvre." Toutes celles et ceux qui, comme moi, militent pour une agriculture de qualité, peu polluante, sont interpellés par cet article : si la constitution est votée, nous devrons retrousser nos manches pour faire comprendre aux élus européens que nous voulons une autre agriculture que celle inspirée par la FNSEA.
En fait, les problèmes soulevés par l’article III-23 (et d’autres) résument bien tout l’enjeu de ce débat. Mettons de côté les positions anti-européennes, nationalistes des Le Pen, Pasqua et De Villiers. Restent les européens de toutes tendances : d’un côté ceux qui voteront Non à cause de l’article III-23 ou d’un autre article, ou de plusieurs autres articles - d’un autre côté ceux qui comme moi voteront résolument Oui y compris avec les réserves que leur inspire l’article III-23 ou un autre article ou plusieurs autres articles.
En disant Oui, nous disons Oui au cadre constitutionnel européen ; les politiques qui seront conduites dans ce cadre dépendront moins de la rédaction de tel ou tel article que des souhaits des citoyens d’Europe et de leurs élus. Ce n’est pas parce que l’article III-23 est voté que l’agriculture sera nécessairement plus productiviste qu’elle ne l’est aujourd’hui. Et ce n’est pas parce que la Constitution est rejetée par les Français que les vaches laitières vont d’enthousiasme diviser par deux leur production, que les cochons Bretons vont rétrécir et que les plantations céréalières vont être remplacées par le potimarron bio. Une fois la Constitution votée, il faudra mettre les problèmes sur la table. Et même, question agriculture, je crois plus aux infléchissements dictés par le marché qu’à un article III-23 corrigé : mangeons moins de céréales transformées, moins de charcuteries, moins de laitages, moins de tomates en plein hiver ; achetons moins en supermarché et plus sur les marchés et dans les magasins de ville et de village ; demandons des fruits et des légumes de saison, variés comme ils l’étaient au Moyen-Age, goûteux, moins traités ; demandons aux producteurs de pommes du Limousin, qui sont fiers de leurs Golden, de nous proposer des pommes plus variées, plus rustiques, mieux adaptées au climat de cette région. Voilà ce que j’ai dit dimanche sur le marché d’Espéraza au représentant de la Confédération paysanne.
Votons cette Constitution. Ne serait-ce que parce que c’est un pas important vers tout ce que les Le Pen, De Villiers, Pasqua, Chevènement exècrent, à savoir une Europe fédérale et non un conglomérat d’Etats-Nations. Ce qui nous mène directement à parler de votre santé : la plupart des avancées en matière de démocratie sanitaire, on ne les doit pas à la France en tant qu’Etat-Nation, on les doit à l’Europe. Une Europe pourtant privée de grands moyens, mais une Europe qui nous a envoyé depuis des décennies des petits paquets de liberté, de transparence, de protection face aux Etats-Nations, comme autant d’oranges à des prisonniers. On va dire que je noircis le tableau, que nous ne sommes pas prisonniers stricto sensu. Mais nous, Français sommes les otages d’une vieille nation autoritaire, qui considère la démocratie comme un professeur de médecine considère une épidémie de grippe. La transparence dans l’information, la liberté thérapeutique (voyez le BCG), la liberté d’accès aux médicaments étrangers ne viennent pas spontanément à ceux qui nous gouvernent, pas plus que ne leur vient une main moins lourde sur les pesticides, les porcheries industrielles, le diesel. L’Europe est depuis plus de vingt ans un aiguillon qui pousse la France à plus de respect de ses citoyens et de son environnement. Par comparaison, l’Europe met en lumière nos dysfonctionnements, nous oblige à faire mieux. Un exemple : la France est l’un des pays européens les plus touchés par le cancer, et en même temps le pays le plus en retard pour les enquêtes épidémiologiques. Rendez-vous compte que nous sommes incapables de dire combien de nouveaux cas de cancers sont apparus l’an dernier ! Comment faire de la prévention sans outil de mesure ? L’Europe oblige peu à peu l’Institut de veille sanitaire à se rapprocher des registres indépendants pour faire enfin de l’épidémiologie. Sans l’Europe d’avant la Constitution, je n’imagine pas où nous serions. L’Europe d’après la Constitution nous donnera un cadre encore plus favorable. Dire Non à la Constitution c’est non seulement se priver de ce plus de démocratie sanitaire, c’est aussi donner des arguments à tous ceux qui rêvent d’un retour aux Etats-Nations. Et cela, ce serait catastrophique pour votre santé. Si vous ne me croyez pas, lisez ce qui suit, qui est directement nourri par mon expérience.

Une liberté défendue par l'Europe, mise à mal par la France

En votant non, vous aiderez l'administration française à mieux contrôler l'accès des Français aux médicaments et compléments alimentaires qu'ils essaient de se procurer à l'étranger. Un droit que les Français doivent à la Communauté européenne, mais un droit régulièrement bafoué par la France. Voici l'histoire éloquente de Bernard Henriroux, un documentaliste à la retraite - que j'ai racontée il y a quelques années dans Sciences et Avenir.
En 1991, l'épouse de Bernard Henriroux souffre de fibrose pulmonaire « d’ évolution irréversible sans possibilité de traitement », quand son mari entend parler d’un traitement avec une enzyme antioxydante, la superoxyde dismutase (SOD). Mais cette année-là, vache folle oblige, la SOD est interdite en France, car obtenue à partir de globules rouges de bovin. En août 1993, le Pr Jacques Emerit, ancien chef de service à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, tente malgré tout un traitement à partir d’un petit stock résiduel. Trois mois plus tard, les examens montrent que la fibrose a régressé. Mais la SOD manque et l’administration traîne les pieds pour délivrer une autorisation d’importation d’Espagne, où la SOD reste commercialisée. Mme Henriroux ne survivra pas à la lenteur des procédures. Elle meurt au printemps 1994 dans d’atroces souffrances.
Pourtant, analysait en 2000 le Pr Emerit, « le risque d’encéphalopathie spongiforme lié à la SOD d’origine bovine n’a jamais été démontré, alors que ce produit, toujours interdit, présente un espoir ultime pour de nombreux malades. » Parmi ces candidats potentiels, figurent les malades souffrant de fibrose du foie consécutives à une hépatite C, mais aussi les séropositifs et les malades du SIDA, auxquels s’intéresse le biologiste Marvin Edeas, (hôpital Antoine-Béclère, Paris) : « Nous avons montré, dit-il, que la SOD inhibe la réplication du virus du SIDA - le VIH - dans les cellules infectées, et qu’ elle inhibe aussi sa transmission aux cellules saines. » Marvin Edeas organise régulièrement des conférences internationales sur la SOD : des centaines de chercheurs venus du monde entier viennent y débattre en France des applications d’une molécule qui y reste interdite !
Privés de SOD, séropositifs et sidéens le sont aussi des compléments alimentaires antioxydants vendus librement à l’étranger à doses plus élevées qu’en France (vitamines E et C, caroténoïdes, sélénium, zinc, N-acétylcystéine) et de ceux dont l’administration ne veut pas (acide alpha-lipoïque, coenzyme Q10, glutathion) en dépit d’une toxicité inexistante. Tous pourraient pourtant compléter les traitements antirétroviraux. « Les antioxydants inhibent le VIH, dit Marvin Edeas. Les séropositifs et les malades devraient prendre ces compléments en sus de leur traitement. » Mais voilà. Ils sont bannis par la France au nom d’une réglementation - on va le voir - particulièrement adaptée.
Les compléments alimentaires sont du ressort de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), qui dépend théoriquement du ministère de l’Economie et des Finances mais qui est en fait un état dans l'état échappant à tout contrôle. Pour en réglementer la circulation, la DGCCRF s’appuie sur un décret qui fixe la liste exhaustive des substances autorisées. Un texte d’une grande modernité, puisqu’il a été pris le15 avril 1912. Comme à cette date la plupart des molécules figurant dans les compléments alimentaires n’étaient pas connues, tout ou presque est interdit. Ce qui permet à la DGCCRF de livrer régulièrement aux médias des bilans flatteurs. En 1998, sur 5 346 produits analysés, 60% ont ainsi été déclarés « non conformes ». En réalité, la plupart des produits « non conformes » ou « falsifiés » sont en vente libre au-delà de nos frontières, et ne présentent aucun risque pour la santé. Leur principal tort est de n’avoir pas été découverts il y a 93 ans.
Pour bouter la vitamine ou l’antioxydant hors de France, les agents de l’ administration utilisent des pratiques dignes de l’époque du célèbre décret : intimidation, saisies discrétionnaires de stocks, poursuite des dirigeants devant les tribunaux - devant lesquels de lourdes peines de prison sont réclamées. En 2001, la DGCCRF se vantait des hauts faits d'armes suivants :
"La Cour d’Appel d’Angers, dans son arrêt du 29 mars 2001, a infirmé le jugement du Tribunal de grande instance du Mans qui avait relaxé le responsable de la mise sur le marché de compléments alimentaires falsifiés car contenant des substances non autorisées, dont la créatine. Le prévenu a été condamné à 100 000 F d’amende.
Le Tribunal de grande instance de Grasse a condamné, le 12 janvier 2001, un fabricant de compléments alimentaires contenant des substances non autorisées, dont la L-carnitine, au paiement d'une amende de 100 000 F pour le délit de mise en vente de produits alimentaires falsifiés, le délit de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise et le délit de publicité mensongère. Il a aussi ordonné la publication du jugement. Ce jugement est définitif."
La créatine et la L-carnitine sont deux substances naturelles sans danger, vendues librement dans le monde entier sauf en France. La créatine, en plus d'être utile aux sportifs pourrait aider des cancéreux et des personnes souffrant de maladies neurodégénératives et neuromusculaires. La L-carnitine, sous sa forme acétyle a fait l'objet d'études prometteuses dans les formes modérées d'Alzheimer, les accidents vasculaires cérébraux, la prévention des déficits cognitifs liés à l'âge. Mais grâce à la vigilance de la DGCCRF, les Français malades qui auraient pu bénéficier de ces substances auront la satisfaction d'agoniser dans le respect des lois de la République.
Ces méthodes qui, en matière d’accès aux compléments, ont fait de la France une exception d’allure brejnévienne, sont à l’origine d’une explosion des importations.
Au cours de l’été 1998, Paul, un membre de l’association Actions Traitements voit sa commande de compléments alimentaires américains (multivitamines et vitamine C) bloquée en douanes par le transporteur DHL, puis réexpédiée aux Etats-Unis. Pour les récupérer, Paul sollicite une autorisation d’ importation de l’ex-Agence du médicament, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Quelques jours plus tard, l’ agence répond dans un jargon administratif jugé par Paul « effrayant » que les produits tombent « sous la législation du médicament » et qu’ils sont susceptibles de présenter un risque pour la santé publique, » ce qui, s’ adressant à un séropositif qui lutte pour sa peau, témoigne d’un sens certain de l’humour noir. L’autorisation est refusée.
Pour classer en médicaments vitamines et minéraux importés, l’Afssaps se livre à un intéressant tour d’alchimie. A l’en croire, dès que sa dose dépasse l’apport journalier recommandé (AJR), une vitamine se transmute brutalement en médicament. Mais la Commission de Bruxelles n’a pas trouvé l’expérience concluante. En février 1999, elle a transmis au gouvernement français un avis circonstancié sous peine de poursuite. La Commission soulignait qu’en faisant reposer la définition des compléments alimentaires sur les seuls AJR, la France entrave la libre circulation des produits plus dosés autorisés par d’autres états membres. Huit mois plus tard pourtant, le 18 octobre 1999, en réponse à la réclamation de Yves Béhar (Actions Traitements) dont des vitamines avaient été saisies par les douanes, l’AFSSAPS écrivait sans ciller que « compte tenu des doses supérieures aux apports journaliers recommandés, » ces produits devaient être considérés comme des médicaments.
Curieux de nature, j'ai voulu tester la ligne Maginot administrative. Le 4 novembre 1999, j'ai donc commandé aux Etats-Unis - via DHL, des vitamines, des antioxydants et des stérols végétaux - tous produits vendus librement en Europe. Un mois plus tard, DHL France m'apprenait par courrier que je leur avais donné (sic) l’instruction de retourner le colis aux Etats-Unis le 18 novembre. Sans même l’avoir vu. Coup de téléphone à DHL. Une douanière m' indique qu’elle a « demandé l’ avis de l’AFSSAPS, qui a interdit les produits commandés. » Lesquels ont donc fait demi-tour. Et d’ajouter aimablement : « Et inutile de les faire revenir parce qu’ils repartiront illico ! »
Selon Maître Patrick Beucher, un avocat spécialisé d’Angers, « ces procédés ne reposent sur aucun fondement légal ». Les douanes, dit-il, sont en droit de vérifier le contenu d’un produit, mais n’ont aucune qualité pour décréter qu’un complément alimentaire est un médicament. Or, c’est précisément ce que font les douaniers en prenant l’avis de l’Afssaps. De même, rien n’autorise cette agence à statuer en matière de complément alimentaire, sauf à prouver qu’il s’agit en réalité d’un médicament, et qu’il est dangereux pour la santé. Encore une telle appréciation doit-elle être étayée. Or, la Direction des douanes reconnaissait que « les échanges entre les agents des douanes et l’ Afssaps se font par téléphone. » Pas de trace écrite, pas de justification, aucun argument toxicologique, alors que seuls ces derniers seraient éventuellement recevables au regard de la réglementation européenne. Bref, voilà une administration - les douanes - qui s’oppose à la libre circulation de produits en vente dans d’autres pays européens, en s’appuyant sur les avis arbitraires et non justifiés d’une agence gouvernementale qui n’a aucune compétence en la matière !
Lorsque je l'ai interrogée sur ces agissements bizarres, l’Afssaps a préféré se murer dans le silence. Quant à DHL, il lui a fallu 4 mois pour me concocter une réponse particulièrement créative : selon ce transporteur spécialiste des règlements internationaux, vitamines et compléments alimentaires nécessiteraient - comme les médicaments - une « autorisation de mise sur le marché » (ce qui est faux) !
Probablement excédée par les entorses faites par la France au droit communautaire, La Commission a adopté en mai 2000 une proposition de directive, fixant des règles harmonisées pour la vente de compléments alimentaires contenant des vitamines et des sels minéraux. Le choix du consommateur en pleine connaissance de cause et la sécurité sont les éléments clés qui ont amené la Commission à prendre cette initiative. L'objectif de la proposition était double. D'abord, fixer un cadre général et des règles de sécurité pour les vitamines et les sels minéraux dans l'Union européenne. Deuxièmement, donner au consommateur des informations détaillées par l'étiquetage, telles que la consommation journalière recommandée, un avertissement sur les risques liés à un dépassement de cette limite ou la composition du produit en sels minéraux et en vitamines. La proposition de directive comprenait une liste positive de substances chimiques autorisées pour la production de vitamines et de sels minéraux suivant leur évaluation scientifique par le comité scientifique de l'alimentation humaine. La proposition prévoyait également la fixation de limites maximales et minimales de vitamines et de sels minéraux présents dans la dose journalière de compléments alimentaires. La directive a été adoptée deux ans plus tard (elle n'est pas encore en vigueur), en dépit de l'hostilité des autorités françaises qui savent qu'une fois ce texte transposé, les carottes sont cuites, entendez qu'il n'est plus question pour la DGCCRF de poursuivre en justice un commerçant qui vendrait de la vitamine B9 (comme cela s'est vu récemment). La France s'est même distinguée en présentant à deux reprises à Bruxelles son propre projet de réglementation aussi libéral qu'une motion du Komsomol, ce qui lui a valu d'être retoqué deux fois par les autorités communautaires car non conforme aux principes de libre circulation et d'égalité des citoyens européens.
Voter non le 29 mai, c'est venir involontairement peut-être au secours de la DGCCRF; c'est jouer le jacobinisme étriqué d'une certaine administration contre la démocratie sanitaire et la liberté de choix que nous a apportés l'Europe. C'est saper des années de combats et procédures, de victoires arrachées de haute lutte au service de votre santé.

La transparence dans l'information : un concept européen qui a du mal à prendre en France

Le goût du secret, voilà une tradition bien française qui a tendance à se diluer sous l'influence de nos voisins européens. Un vote négatif le 29 mai serait le meilleur moyen de le remettre en selle. Avons-nous oublié Tchernobyl, en avril 1986, quand seul de toute l'Europe le gouvernement français a menti effrontément à ses citoyens sur la réalité de la catastrophe, et violé du même coup la réglementation européenne sur la contamination radioactive des aliments. Un vrai gros bel exemple d'opacité comme on l'aime chez nous, et tant pis pour les conséquences sanitaires chez nos concitoyens.
Le 25 mars 2005, deux experts, Paul Genty et Gilbert Mouthon, ont remis au juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy un rapport d'étape édifiant sur le comportement des autorités de l'époque, avec mention spéciale au Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), alors présidé par le professeur Pierre Pellerin : "Le SCPRI avait pleinement connaissance du dépassement quelquefois très important des valeurs de la radioactivité. (…) Le SCPRI n'a visiblement pas restitué toutes les informations qui étaient en sa possession aux autorités décisionnaires ou au public (...). Les risques de contamination ont toujours été niés ainsi que l'irradiation de la population avec, pour conséquence, l'absence de toute prophylaxie et en particulier l'absence d'administration d'iode." L'iode alimentaire sature la thyroïde et empêche l'iode 131 radioactif, rejeté dans l'atmosphère de s'y fixer.
La France aurait pu prendre d'autres mesures, comme l'interdiction de consommer du lait et des légumes frais. Dans certains cas, le lait affichait des taux de contamination supérieurs à 10 000 becquerels (Bq) par litre, et la réglementation européenne exigeait alors un retrait pur et simple au-delà de 500 Bq par litre. Mais les autorités n'ont pas bougé, dans la droite ligne de la culture du secret qui caractérise notre histoire.
A l'inverse, tous les pays européens ont pris des mesures d'urgence. En Allemagne, le gouvernement a demandé de ne plus consommer de légumes frais en mai, et les enfants se sont vus priver de laitages. Dans de nombreux länder les piscines ont été fermées et les activités de plein air réduites. En Rhénanie-Westphalie, il a été demandé aux parents de ne pas laisser les enfants aller aux bacs à sable. Les autorités ont aussi conseillé de ne pas toucher le sol autrement que chaussé et de ne pas s'attarder sous la pluie.
En Italie, les légumes frais ont été interdits à la vente le 12 mai, et des mises en garde sur le lait ont été faites aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 10 ans. En Autriche, Suède, Danemark, Finlande, des mesures similaires ont été prises. Les jeux d'enfants en plein air ont été déconseillés, le lait frais remplacé par du lait en poudre, des contrôles stricts effectués sur les aliments importés.
En France, rien, puisque le nuage s'était arrêté à la frontière.
Evidemment, si l'Europe avait eu plus de consistance comme le prévoit le traité, elle aurait imposé à la France des mesures identiques à celles prises dans les autres pays.
Le 30 mai 1986, la Commission européenne a fixé de nouveaux seuils pour la contamination alimentaire. Pour le lait, pas plus de 370 Bq de césium 137 par litre, pour les autres aliments, 600 Bq par kilo ou litre.
En 1989, ces seuils ont été copieusement revus à la hausse. On peut désormais boire du lait qui contient 1000 Bq de césium 137 et manger des légumes avec 1250 Bq de césium 137 and 2000 Bq d'iode 131. Pourquoi un tel revirement ? A cause de l'insistance d'un pays particulièrement bien doté en centrales nucléaires, suivez mon regard… Ce serait cela aussi, un non le 29 mai : le retour à une Europe des Etats-Nations et des petits arrangements, là où nous avons besoin de plus de fédéralisme !

La France, mauvais élève de la santé publique

En 1991, alors que l'amiante rentre en France à pleins poumons, plusieurs pays européens soucieux de la santé publique ont déjà interdit toute importation : le Danemark depuis 1986, l'Autriche depuis 1990, les Pays-Bas cette année-là. L'Italie et l'Allemagne s'apprêtent à prendre des mesures similaires (ce sera fait en 1992 pour la première et 1993 pour la seconde). Donc en 1991, ces états font pression à Bruxelles pour que la CEE se range à une interdiction totale. Un pays va tout faire capoter, vous le connaissez, c'est notre grande et belle patrie.
La France dispose pour cela d'une structure très originale : le Comité permanent amiante, dans lequel siègent les représentants de plusieurs ministères, des pneumologues et des industriels, le tout financé bien sûr par l'industrie de l'amiante. Le CPA décide de facto de la politique française en la matière, avec l'aval de la Direction générale de la santé. Devant la menace qui se profile d'une interdiction pure et simple, le CPA et la France vont se livrer à un lobbying intense. Résultat : la Commission retient une interdiction sur l'ensemble des fibres d'amiante sauf la chrysotile, qui peut continuer d'empoisonner nos concitoyens et qui ne s'en privera pas. Les fibres interdites en 1991 ne gênent personne puisqu'elles ne représentent que 5 à 10% de l'amiante extrait dans le monde.
En juin 1995, à la suite des appels lancés par plusieurs associations et chercheurs, Sciences et Avenir s'empare du dossier. Suit une enquête de plus de six mois, coordonnée par Georges Golbérine et François Malye sur laquelle travailleront plusieurs journalistes dont votre serviteur. L'enquête révèle les dangers que présentent les matériaux d'isolation à base d'amiante dans les édifices. Nous accusons les pouvoirs publics d'avoir depuis des années conduit une campagne de désinformation pour cacher au public les risques réels liés à l'utilisation de l'amiante. Cette entreprise de dissimulation a un coût : plusieurs milliers de décès directement imputables chaque année à l'amiante. En juillet, suite à la publication de l'article, l'INSERM reçoit le mandat de confirmer ou infirmer les chiffres que nous avançons. En septembre 1995, Envoyé Spécial diffuse un film réalisé par notre petite équipe de journalistes qui révèle notamment la duplicité du CPA. Quelques jours après, les ministères qui y siégeaient annoncent qu'ils quittent cette structure.
En juillet 1996, l'Inserm confirme les chiffres de décès publiés par Sciences et Avenir un an plus tôt. Le lendemain, 4 juillet, la France annonce l'interdiction totale de l'amiante à partir du 1er janvier 1997.
L'amiante pourrait, selon des estimations récentes, faire 100 000 morts d'ici 2025. Si l'Europe avait eu plus de pouvoir, si la France n'avait pas fait barrage à une résolution radicale envisagée dès 1991, une partie de ces décès aurait été évitée. Que ceux qui disent aujourd'hui "non" à l'Europe au nom d'un repli frileux dans les bras supposés protecteurs et douillets de l'administration nationale s'en souviennent.

Quand l'Europe vient au secours de la population française

En fait, la réglementation européenne sur les questions de santé publique a constamment été plus respectueuse de la santé publique que ne l'ont été la réglementation et la politique française. Exemple avec l'eau.
La qualité des eaux destinées à la consommation humaine fait l'objet de la directive européenne 80-777 du 15 juillet 1980 qui fixe des quantités maximales de substances potentiellement toxiques. A titre d'exemple :
- teneur maximale en nitrates : 50 mg/L.
- teneur maximale en pesticides : 0,1 µg/L pour chaque substance et 0,5 µg/L en ce qui concerne la concentration totale en pesticides
- teneur maximale en plomb : 50 µg/L.
En cas de dépassement, les autorités sanitaires doivent informer les populations. Jusqu'à l'intrusion de l'Europe dans ce dossier de la qualité des eaux françaises, le laxisme le plus total régnait. Depuis cette date, la Commission européenne a reçu plusieurs plaintes mettant en cause la qualité de l'eau en Bretagne notamment. La Commission s'est rapprochée du gouvernement (ou plutôt des gouvernements) pour qu'ils prennent des mesures. Mais la France traîne les pieds, dans ce dossier comme dans d'autres. Par exemple, la directive communautaire du 12 décembre 1991 exige des mesures de protection des eaux contre les nitrates à partir de sources agricoles. Chez nous, il a fallu attendre le 22 décembre 1997 pour que soit signé l'arrêté permettant la mise en œuvre effective de cette directive. Six ans, alors que la plupart des pays européens l'ont appliquée de suite !
Faute d'un accord amiable avec le gouvernement sur le dossier de l'eau, la Commission a saisi la Cour de Justice européenne pour faire condamner la France pour violation de ses obligations :
- dépassement des valeurs limites en nitrates dans l'eau de consommation humaine;
- insuffisance des mesures prises par 0le gouvernement pour résoudre le problème
- violation de l'obligation d'informer la Commission ne permettant pas à cette dernière d'exercer le contrôle prévu par la directive.
Le 8 mars 2001, la Cour de Justice a condamné la France pour manquement. Une condamnation de plus pour un pays qui se présente comme un "moteur de l"Europe" et qui dans la réalité accorde le plus grand mépris aux directives européennes.
Le 10 avril 2003, la même Cour de justice a condamné la France pour manquement, sur demande de la Commission européenne, pour n'avoir pas transposé dans les temps, soit avant le 14 mai 2000, la directive du 16 février 1998 réglementant les conditions de mise sur le marché des produits biocides. Il s'agit principalement de désinfectants ménagers, insecticides, produits de traitement du bois, des eaux, et peintures marines antisalissures. Destinés à détruire, repousser ou rendre inefficaces les organismes nuisibles, les biocides sont des produits actifs susceptibles d’avoir des effets nuisibles sur l’homme, l’animal ou l’environnement.
La constitution, c'est la garantie que la vigilance de Bruxelles continuera de s'imposer aux états laxistes. Les Verts l'ont d'ailleurs bien compris, puisqu'ils appellent à voter Oui.

La Constitution : une protection contre les Etats-nations

En février 2001, la Commission européenne a publié un livre blanc intitulé "Stratégie pour une future politique chimique" dans lequel elle préconisait une réforme des règles communautaires pour l'industrie chimique. Elle voulait ainsi protéger la santé humaine et l’environnement; et renforcer la transparence sur des dizaines de milliers de substances chimiques. La Commission proposait la mise en place d'un système appelé Reach (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals) destiné à harmoniser les règles européennes de vérification et de contrôle des substances chimiques, mais aussi à renforcer la procédure d'autorisation de mise sur le marché de nouveaux produits.
L a Commission justifiait cette initiative en expliquant que seules les substances chimiques introduites depuis septembre 1981 doivent démontrer leur innocuité. Conséquence : la plus grande partie des produits chimiques - soit plus de 100.000 - échappe à tout contrôle ! La Commission rappelait notamment que l'utilisation du benzène a provoqué des cas de leucémie.
Le projet REACH prévoyait l'enregistrement de toutes les substances produites ou importées à plus de 1T/an; leur évaluation sur les dossier ou directement s’il y a un risque pour la santé humaine ou sur l’environnement; l'autorisation des substances CMR ( cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques), des POPs (polluants organiques persistants), des PBT ( persistantes, bioaccumulables et toxiques) et des vPvB ( très persistantes et très bioaccumulables) ainsi que des perturbateurs endocriniens.
Une agence européenne serait chargée de gérer les aspects techniques, scientifiques et administratifs du système. Au total, 30 000 substances sont concernées par REACH. Ce programme inverse aussi la charge de la preuve qui incombe désormais aux industriels, et plus aux autorités compétentes.
Adoptée en 2003, REACH a fait l'objet d'un pilonnage en règle des industriels de la chimie a fait l'objet d'un pilonnage en règle des industriels français, anglais et allemands. L'indusrie chimique française avait affirmé que REACH lui coûterait 28 milliards d'euros et conduirait à la suppression de 360 000 emplois en dix ans, alors que la Commission avançait des chiffres très sensiblement inférieurs.
Le 20 septembre 2003, alors qu'un intense lobbying commençait de faire mollir la Commission, les Etats-Nations entraient dans la danse : dans une lettre au président de la Commission européenne, Tony Blair, Gerhard Schröder et Jacques Chirac marquaient la limite à ne pas dépasser. Voici ce courrier :
"A notre initiative, le Conseil européen a, le 21 mars 2003, émis un signal clair en faveur du renforcement de la compétitivité industrielle de l’Union. Nous avons reconnu la nécessité de réduire la charge bureaucratique qui pèse sur les entreprises européennes et d’améliorer de manière décisive le cadre réglementaire dans lequel celles-ci, confrontées à une vive concurrence, doivent opérer.
Pour y parvenir, nous devons veiller à ne pas imposer de charges inutiles à l’industrie. Nous réitérons notre demande à la Commission d’analyser la situation actuelle du marché et de la concurrence. C’est pourquoi nous suggérons à nos partenaires que la Commission présente au Conseil européen de décembre un rapport contenant des propositions d’amélioration du cadre industriel afin d’éviter les risques de désindustrialisation.
Il est également essentiel d’évaluer de manière globale tous les projets communautaires importants au regard de leurs effets potentiels sur la compétitivité industrielle.
L’examen de la politique de l’Union européenne dans le secteur des produits chimiques constitue la première occasion concrète d’appliquer ces principes, de façon à ce que cela puisse servir d’exemple pour d’autres secteurs industriels.
La politique de l’Union européenne dans le secteur des produits chimiques doit, à l’avenir, être conçue de manière à garantir la protection de l’environnement, de la santé et des consommateurs, sans porter atteinte à la compétitivité internationale de l’industrie chimique européenne. Nous voudrions également que le nouveau cadre réglementaire limite au maximum les expérimentations sur les animaux.
Le document de consultation publié en mai 2003 par la Commission contient certains éléments positifs à cet égard. Cependant, les idées actuellement examinées nous préoccupent. En particulier, nous estimons que la procédure d’enregistrement envisagée sera trop bureaucratique et inutilement compliquée. En outre, nous craignons que le cadre réglementaire proposé n’établisse pas de distinction suffisamment claire entre les substances manipulées, de sorte qu’il ne serait pas applicable en pratique. Il serait dès lors difficile de convaincre les parties prenantes que nous avons mis en place un système efficace d’identification et de traitement des substances qui présentent des risques réels pour la sécurité ou pour l’environnement. Nous sommes encore loin de la procédure rapide, simple et peu coûteuse qui était promise.
C’est pourquoi la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont présenté leurs observations sur la faisabilité et l’impact des propositions émises dans le document de consultation. Ils ont suggéré des modifications substantielles de ce projet de manière à l’inscrire dans une approche efficace du développement durable.
Nous sommes par ailleurs préoccupés par l’impact potentiel des nouvelles normes sur la compétitivité des entreprises de l’Union européenne exportatrices vers des pays tiers. Nous sommes de même préoccupés par la situation des entreprises européennes qui, au sein de l’Union, se trouvent en concurrence avec des fournisseurs de pays tiers en mesure de se soustraire au respect de ces normes lorsqu’ils exportent leurs produits vers nos marchés.
Nous devons veiller à ce que ces propositions ne portent pas atteinte aux intérêts légitimes des entreprises de l’Union sur le marché mondial en imposant des exigences qui ne servent pas à protéger la santé et l’environnement. A cet effet, la Commission devrait procéder à une évaluation globale des effets concrets des réglementations envisagées sur l’industrie chimique européenne, ainsi que sur l’économie, en tenant compte des effets sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Les propositions présentées au Parlement européen et au Conseil devraient créer un cadre efficace permettant aux entreprises de l’Union de continuer à développer leurs activités.
À cette fin, la Commission doit travailler avec la Présidence du Conseil pour faire en sorte que le Conseil Compétitivité, conformément à la décision du Conseil européen, joue efficacement son rôle dans l’examen de cette législation.
Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir prendre en compte ces propositions et contribuer ainsi à faire de la nouvelle réglementation du régime applicable aux produits chimiques un modèle de nos efforts conjoints pour renforcer la compétitivité industrielle de l’Union européenne."
En conséquence, le programme REACH a été sérieusement amendé. Bruxelles a finalement exclu des substances soumises aux tests tous les produits fabriqués ou importés en quantité inférieure à 10 tonnes par an. L'exclusion concerne aussi les polymères synthétiques (matières plastiques, fibres, adhésifs, peintures).
Malgré ces concessions, REACH constitue un réel progrès pour la santé publique, un progrès que les Français doivent à l'Europe. Un progrès qui aurait pu être plus important encore sans les interférences des Etats-Nations. La constitution, si elle est adoptée, limitera grandement ces interférences parce qu'elle est un pas vers l'Europe fédérale.

En guise de conclusion

La France a déjà dans le passé fait capoter le projet très ambitieux de la Communauté européenne de Défense repoussé en 1954 par le Parlement français en raison de l'opposition des communistes et des gaullistes. L’échec de la CED a porté un coup d’arrêt à l’intégration européenne (sur le plan financier, nous les Français pouvons dire merci aux députés gaullistes et aux communistes qui ont dit Non en 1954 : nos parents et nous-mêmes avons dû nous saigner pour financer seuls la bombe atomique, les porte-avions et les avions qui vont avec – faisant au passage la fortune d’industriels de l’armement devenus grâce à cette manne des magnats de la presse !)

Je respecte les arguments de ceux qui vont voter Non, mais je ne laisserai pas passer une deuxième occasion d’aller vers une Europe fédérale. Pour la santé de mes enfants je voterai Oui le 29 mai.

Thierry Souccar, mai 2005

P.S. 1 : D'autres raisons de dire Oui à l'Europe pour votre santé !

P.S. 2 : Qui n’a rien à voir

A gauche, l’un des arguments marquants de la campagne pour le Non a été que le projet de Constitution est « libéral ». En fait, cette critique recouvre deux affirmations distinctes :
- la rédaction de la Constitution n’est pas neutre, mais orientée économiquement ;
- le libéralisme économique se traduit par une détérioration des conditions économiques et des conditions de vie.
Même s’il s’agit d’une opinion subjective, je suis assez d’accord avec l’idée que le texte de la Constitution est implicitement teinté de références au libéralisme (qui prévaut depuis l’origine du marché commun), mais il l’est tout autant de références sociales, voulues par les partis de gauche et les syndicalistes qui ont participé à son élaboration. Peut-être un texte beaucoup plus neutre eût été préférable.
La deuxième partie de la proposition recueille un large assentiment chez les sympathisants de gauche. Mais en réalité, il s’agit d’un axiome. Pour ma part, je suis prêt à l’accepter, mais étant un pragmatique non cartésien – c’est-à-dire non idéologue - j’aimerais que des économistes m’en apportent la démonstration. De la même manière qu’en sciences de la vie on s’appuie sur des résultats d’études pour formuler une opinion, les sciences économiques doivent pouvoir fournir des arguments, sinon incontestables du moins convergents, prouvant qu’un marché « libéral » est nuisible. Encore faudrait-il bien sûr s’accorder sur les critères du « libéralisme ». Mais j’ai l’impression que ce débat n’a pas vraiment eu lieu.

J’ai entendu pendant la campagne sur la Constitution que la France devrait à tout prix préserver, et même exporter son « modèle social » au reste de l’Europe. Mais à la réflexion je ne suis pas sûr que nos voisins veuillent d’un modèle qui se traduit par un taux de chômage supérieur à 10%, un taux de prélèvements obligatoires supérieur à 43% du PIB (l’un des plus élevés au monde) et une dette publique qui, à 1 067 milliards d'euros, soit 64,7% du PIB (contre 62,8% en 2003) représente aussi une sorte de record. Or ces résultats n’ont pas été obtenus par une politique économique libérale. Il existe en effet un classement des pays du globe selon leur degré de libéralisme économique. Ce classement est effectué par des économistes de la Heritage Foundation et du Wall Street Journal. Il existe un autre classement, celui du Fraser Institute, et les résultats des deux organismes concordent. Par curiosité, je me suis procuré le classement Heritage Foundation pour 2002-2003. La France est classée au 42ème rang, devant la Bolivie mais derrière la république Tchèque. Pour effectuer ce classement, les économistes prennent en considération plusieurs critères : corruption, barrières douanières, prélèvements fiscaux, réglementation des entreprises et du marché du travail, restrictions bancaires, etc… Les pays dans lesquels la corruption est faible, les barrières douanières inexistantes, la pression fiscale peu élevée, la capacité de créer une entreprise facilitée et la réglementation du travail moins contraignante se situent dans les premières places du classement. Pour les sympathisants de gauche qui vont voter Non, ces pays représentent probablement l'exemple à ne pas suivre si l'on veut arriver au plein emploi et faire progresser le pouvoir d'achat.

Mon classement en mains, je me suis intéressé à un seul critère de bien-être social économique, le taux de chômage (ce seul critère est bien sûr insuffisant pour parvenir à une conclusion). En 2003, le taux de chômage en France s’établissait à 10%. Les taux de chômage des pays classés plus libéraux sont globalement beaucoup plus faibles, comme le montre le tableau ci-dessous. Le cas de Hong-Kong est très particulier, puisque l’évolution politique de ces dernières années pourrait remettre en cause son classement. L’Estonie apparaît comme très libérale, mais avec un taux de chômage élevé : il s’agit là aussi d’un cas particulier, lié au passé communiste. Mais Finlande mise à part, les pays les plus libéraux connaissent au minimum deux fois moins de chômage que la France et les pays classés avec la France. (Cependant à Singapour, ce taux de chômage bas s'accompagne d'une politique très peu démocratique et donc inacceptable).
Encore une fois, il ne s’agit pas de la démonstration scientifique que le libéralisme est bon pour les peuples (d'autres critères comme la pauvreté devraient être explorés), mais l’expression de ma curiosité devant certaines affirmations avancées par les hommes politiques. N’étant pas économiste, je serais heureux qu’un internaute spécialiste prolonge ce travail comparatif et me donne ses résultats. Je suis ouvert à toute conclusion, y compris que le libéralisme est une très mauvaise chose, mais à la condition que la démonstration soit étayée par des faits objectifs comme nous le faisons dans les sciences de la vie.

Classement 2002-2003

Pays les plus libéraux

Taux de chômage

1

Hong Kong

6,7%

2

Singapour

4,6%

3

Nouvelle-Zélande

4,2%

4

Luxembourg

4,1%

5

Irlande

4,3%

6

Estonie

9,6%

7

USA

5,5%

8

Danemark

5,1%

9

Royaume-Uni

5,2%

10

Australie

5,1%

11

Pays-Bas

3%

12

Suède

4%

13

Finlande

8,9%

14

Islande

2,8%

15

Suisse

1,9%

Sources : Heritage Foundation pour le classement des pays libéraux; CIA World Factbook pour les taux de chômage

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