"Préférez la cuisson à l’eau"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 10/07/2006 Mis à jour le 10/03/2017
Inès Birlouez-Aragon est docteur en biochimie, maître de conférence à l’Institut National Paris-Grignon. Elle étudie les effets de la cuisson et des transformations industrielles sur la qualité nutritionnelle et la sécurité des aliments. Elle nous parle de composés indésirables liés à la cuisson des aliments : les AGE (advanced glycation endproducts).

Peut-on réduire dans notre organisme le niveau des AGE issus de la cuisson en faisant de meilleurs choix alimentaires ?

Les produits de glycation avancés ou AGE des aliments sont absorbés et conditionnent le niveau d’AGE circulants : il existe une corrélation significative entre les apports alimentaires et la teneur en un produit de glycation avancée, la CML (carboxyméthyl-lysine), dans le sérum, tout particulièrement chez les diabétiques. On considère que 10 à 20 % des AGE issus de l’alimentation sont absorbés par l’organisme. On peut donc moduler le taux d’AGE présent dans notre organisme en surveillant les apports alimentaires. Si on diminue les AGE apportés par l’alimentation, on peut espérer diminuer le stress oxydant, mais aussi le niveau de réponse inflammatoire aux agressions.

 

Quels aliments priviléger ? Lesquels éviter ?

Pour ce qui est de déconseiller tel ou tel aliment, il est encore un peu tôt. En revanche, on peut d’ores et déjà faire des recommandations sur les modes de cuisson à utiliser préférentiellement. On sait que le fait de frire ou griller des aliments augmente considérablement le taux d’AGE alors que le fait de les faire bouillir engendre moins d’AGE.

Cependant, les hautes températures permettent également de former des produits finaux de la réaction de Maillard, polymères bruns aussi appelés melanoidines et qui sont associés a un effet antioxydant. Nous avons aujourd’hui beaucoup plus de données scientifiques sur ce sujet, au travers d’études financées par les industries agro-alimentaires. La cuisson a haute température permet en effet de conférer aux aliments goût et couleur et texture croustillante, caractéristiques sensorielles très appréciées du consommateur. Malgré ces données, il est raisonnable en terme de bénéfice/risque de recommander d’éviter de griller les aliments et de préférer la cuisson à l’eau.

 

A-t-on établi des liens de cause à effet entre les AGE et certaines maladies ?

Oui, il y a un lien entre les AGE et certaines maladies. Les pathologies rénales par exemple sont aggravées par les AGE alimentaires. Ceux-ci sont mal excrétés, il y a alors une accumulation d’AGE ce qui favorise un terrain inflammatoire.

Dans le cadre du diabète, on a une surproduction endogène d’AGE favorisée par l’excès de glucose sanguin. Les diabétiques sont donc soumis à une exposition chronique à un excès d’AGE.

En diminuant les AGE dans leur alimentation, les diabétiques, les personnes qui souffrent de maladies rénales pourraient prévenir les complications liées a ces pathologies mais certainement pas soigner la pathologie elle-même.

 

Les AGE jouent-ils un rôle dans l’obésité ?

Pour ce qui est de la lutte contre l’obésité on ne peut décemment pas envisager la restriction des AGE, les données de la littérature sont encore très éparses et controversées.

Par contre on peut supposer dès a présent un lien évident avec le risque de sur-consommation alimentaire: les produits de la réaction de Maillard augmentent l’appétence des aliments. Ces derniers prennent donc une belle couleur dorée et une odeur parfumée qui incitent les gens à en manger. Par exemple si on vous propose des pommes de terre bouillies ou des pommes de terre frites, vous aurez peut-être tendance à manger plus de frites car elles vous semblent plus appétissantes, et pourtant les frites apportent deux fois plus de calories que la pomme de terre bouillie.

 

Que sont les AGE ? Des produits chimiques qui résultent d’une réaction entre un sucre et un acide aminé. Cette réaction chimique s’appelle « Réaction de Maillard », du nom du chimiste français qui l’a découverte en 1912. Cette transformation ne fait pas intervenir d’enzyme, elle a lieu spontanément : dans un premier temps, le groupement carbonyle du sucre réagit avec une fonction amine et donne ce que l’on appelle une base de Schiff. Ensuite cette base de Schiff va elle-même subir un réarrangement moléculaire pour donner ce qu’on appelle un produit d’Amadori. Ce dernier entre dans la phase terminale de la réaction de Maillard et aboutit à la formation des AGE, parfois appelés produits de la réaction de Maillard ou produits terminaux de la glycation.

Les premières étapes de la réaction sont réversibles : on pourrait revenir en arrière et retrouver nos sucres et nos acides aminés. Malheureusement les étapes finales sont irréversibles : quand un AGE est là, il y reste ! Et à moins d’être éliminés grâce à nos reins dans les urines, les AGE s’accumulent dans notre organisme avec des conséquences majeures.

Lire aussi notre dossier sur la glycation

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Pour préserver la qualité nutritionnelle des aliments, il faut les faire cuire correctement, sans les altérer ! Et sur ce point, Juliette Pouyat et Inès Birlouez sont très claires : le choix du mode de cuisson est capital pour conserver les protéines, les vitamines, les bonnes graisses. Des légumes aux viandes en passant par les pâtes et les frites, quel est la meilleure méthode de cuisson ? Et que faut-il penser des aliments industriels dont les modes de préparation nous échappent ? Au terme du processus, ces aliments sont-ils « nutritionnellement corrects » ?

Au carrefour de la chimie et de la nutrition, ce livre répond de manière simple et claire à toutes ces questions dans un seul but : vous guider vers une alimentation de qualité.

 

 

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