Marielle Kubik : «Désacraliser le vin pour se l’approprier»

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 06/11/2006 Mis à jour le 10/03/2017
 Après une grande école de sommellerie Marielle Kubik est devenue formatrice en oenologie. Elle anime des ateliers «connaissance du paysage viti-vinicole et dégustation» destinés à divers publics dans plusieurs arrondissements parisiens. Cette vini-décrypteuse a participé aux dernières journées vimplissime du 28 octobre 2006. Comment choisir un vin ? Comment le déguster ? Elle nous donne ses secrets pour décrypter les secrets du vin.

 

Comment définiriez-vous votre métier ?

Marielle Kubik : Connaître des choses sur le vin c’est bien : les partager c’est mieux ! Donner des cours, c’est transmettre. Il faut être clair, synthétique, et à l’écoute.

 

Pourquoi en êtes-vous venue à l’animation « d’ateliers vin » ?

Tout est parti d’une constatation : le vin, on en boit tous ou presque et pourtant son décryptage reste obscur. Les nouveaux consommateurs ont besoin d’être guidés pour comprendre les appellations, le vocabulaire de la dégustation et l’élaboration des produits.

Tous ces éléments restent trop souvent réservés à « une élite ». Quel dommage !

J’ai donc mis en place des ateliers ouverts à tous pour que chacun puisse apprendre à aimer le vin en toute simplicité.

 

Vos ateliers s’adressent à tous ceux qui désirent « apprendre le vin ». Comment s’organisent-ils ?

J’organise mes ateliers comme une ballade à travers les différentes régions viticoles. C’est un rendez-vous hebdomadaire ou mensuel. Les premières réunions sont axées sur l’acquisition des mots « pour voir, dire et sentir le vin ». C’est un peu apprendre les règles du jeu, commencer à être à l’aise avec le produit et pouvoir partager. Puis nous rentrons dans le vif du sujet avec l’histoire, la géographie, les régions, les cépages, les traditions culinaires et l’articulation des appellations. En parallèle, il y a la dégustation ! Elle prend une place importante dans les ateliers. Nous goûtons en moyenne 3 à 4 vins par session pour illustrer le sujet abordé.

 

Dans vos ateliers, c’est vous qui donnez le ton, les participants découvrent le vin à travers la vision que vous en avez. Dans quel esprit transmettez-vous votre connaissance des vins ?

Ici pas de décorum, pas de tenue correcte exigée, pas de grand-messe et on découvre le contenu plutôt que le contenant ! On désacralise le vin en occultant tout son côté pompeux. D’ailleurs, les dégustations sont le meilleur moyen de le rendre accessible car les participants donnent leurs avis et commentent tous les vins. Ils se l’approprient.

 

Quels sont pour vous les principes de base pour comprendre simplement la dégustation et le vin ?

Vous vous rappelez la Madeleine de Proust, la dégustation fonctionne sur le même principe : la mémorisation et l’évocation des souvenirs. Et puis il faut être à l’affût, rester le nez au vent. En enrichissant en permanence sa banque de perceptions olfactives et gustatives, on progresse très vite dans le plaisir de la découverte des vins.

Pour la théorie, c’est comme pour toute autre matière, c’est l’intérêt qui nous fera revenir.

 

Les femmes sont encore peu présentes dans les métiers du vin. Quelle est votre perception de la place des femmes dans ce monde ?

Pour une femme, travailler dans le monde du vin, dans le commerce ou dans les métiers de la production, reste difficile. Je pense que comme dans beaucoup de métiers dits « masculins », le niveau d’exigence est très fort : une femme, on l’attend au tournant !

Dans un autre domaine : il faut se battre contre l’idée reçue que seul un homme sait goûter du vin ! Au restaurant, le serveur présente de trop nombreuses fois la bouteille à l’homme qui vous accompagne ! Je me souviens d’un jour où un homme a refusé de me faire goûter sous prétexte que je suis une femme ! Ce sont des positions qui tendent à évoluer lentement grâce au fait que les consommatrices montrent qu’elles apprécient le vin et qu’elles s’y intéressent de plus en plus.

 

A votre avis et avec votre regard de femme, que faudrait-il faire pour que les femmes s’intéressent davantage au vin ?

Au vu de mon expérience, je pense que la position des femmes face au vin a changé durant ces 4 dernières années. Aujourd’hui j’ai un public féminin à 50 %. Il y a 4 ans il représentait 30 %. Je pense également que la presse féminine a un rôle important à jouer : présenter des viticultrices, parler des formations, présenter les vins, montrer qu’ils sont compatibles avec leur ligne…

 

Passons à la pratique : au restaurant, que dois-je savoir pour dire que le vin qu’on me présente est bon ?

D’abord, il faut voir si le vin ne sent pas le bouchon et s’il n’a pas de défaut évident. S’il a un goût de liège, il ne faut pas hésiter à le renvoyer. Les producteurs et les restaurateurs savent que dans une production donnée, il peut y avoir parfois une bouteille bouchonnée.

 

Dans les linéaires d’une grande surface, comment faire pour choisir une bonne bouteille?

Ce n’est jamais très simple de choisir un vin dans un linéaire. D’abord en fonction de son plat, on sait si l’on veut du blanc, du rouge ou du rosé. Lorsqu’on est devant le bon rayon, il faut regarder en fonction de son budget. Ensuite, il faut regarder si le vin a obtenu un prix ou une médaille à un concours. On peut également s’aider d’un guide.

 

Invité chez des amis, quel vin offrir ?

Je choisirai plutôt une bouteille pour l’apéritif pour éviter le dilemme sur les accords mets et vins. S’il fait beau pourquoi pas un rosé léger ou encore un blanc floral, fruité ou un vin doux. Par contre je ne prendrais pas un vin rouge corsé qui nous alourdirait les papilles avant de passer à table.

 

Pouvez vous nous expliquer en deux mots, ce que signifie avoir un nez?

Fleuri : il faut penser à des fleurs comme le gardénia ou le jasmin ou à un parfum de femme fleuri.

Fruité : je pense à des fruits que je cueillerais, à la confiture, à la compote.

Boisé : ça m’évoque la vanille, un atelier de luthier ou autrement la forêt.

 

Et une bouche ?

Doux : me fait penser à la suavité, l’onctuosité.

Léger : aérien, la plume, digeste, facile.

Corsé : me rappelle la puissance, la tenue, la longueur dans le temps.

 

Pour vous, que représente la Journée Vinplissime ?

Pour moi, le vin doit être facile et accessible à tous. Mes ateliers vont dans ce sens car ils offrent la possibilité d’apprendre le vin en passant par le chemin le plus simple et ils sont ouverts à tout public puisqu’ils ont lieu dans des associations de quartier. Je pense qu’il y a un gros travail à faire en terme de démocratisation.Les chemins d’accès au vin sont faciles : permettons au public d’en avoir les clés en adoptant un langage simple pour décomplexer un maximum. Le plaisir et la convivialité autour du vin n’en seront que renforcés.

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