Philippe Froguel : « La perte d’un bout de chromosome peut avoir des effets effroyables »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 11/02/2010 Mis à jour le 10/03/2017
Le professeur Philippe Froguel, directeur de l'unité mixte de recherche CNRS 8199 « Génomique et maladies métaboliques », vient de découvrir une cause d’obésité commune. Il nous explique en quoi elle consiste.

LaNutrition.fr : Vous venez de découvrir une cause héréditaire de l’obésité. Quelle est-elle ?

Philippe Froguel : Nous avons découvert que l’absence d’un petit fragment du chromosome 16 joue entraîne l’apparition d’une forme sévère d’obésité à l’âge adulte. Cette délétion peut avoir des effets effroyables chez l’enfant et dans l’obésité commune. Elle multiplie le risque de devenir obèse par 50.


Comment l’avez-vous découverte ?

Nous avons d’abord mené une étude chez des enfants présentant une obésité et un retard mental. Certains souffraient d’autisme ou de schizophrénie. L’analyse de leurs chromosomes a montré la présence d’une microdélétion, c’est-à-dire la perte d’un tout petit morceau de chromosome, au niveau du chromosome 16. Nous avons ensuite analysé les chromosomes de 16 000 adultes de poids divers. Grâce à une puce à ADN, qui permet de mesurer et de visualiser très rapidement les différences d'expression entre les gènes, nous avons retrouvé cette même anomalie chez 19 personnes qui ont développé un surpoids pendant l’enfance et l’adolescence.


Combien de personnes sont concernées par cette anomalie ?

Cette microdélétion concerne moins d’une personne sur 1000 en général. 1 % des obèses semblent avoir cette anomalie. Elle concerne 3 % des cas pour des personnes en surpoids qui présentent également des troubles du développement mental. Tous les adultes porteurs de cette anomalie sont obèses tandis qu’un enfant sur deux l’est.


Combien de gènes contient cette région amputée du chromosome 16 ?

D’après nos calculs, une trentaine de gènes est impliquée. Une dizaine de ces gènes peut jouer un rôle important dans le développement du cerveau car cette région chromosomique est connue pour être liée au développement de la schizophrénie et de l’autisme, deux maladies souvent compliquées par une obésité. L’identité du ou des gènes responsables de l’obésité présents dans cette région reste à déterminer.


Comment ces gènes régulent-ils la prise de poids ?

Pour l’instant, nous l’ignorons. Peut-être agissent-ils sur l’appétit ? Ils jouent probablement un rôle dans le développement des neurones qui régulent la prise alimentaire.


Comment une même région chromosomique peut-elle être impliquée dans le développement de pathologies mentales et d’une obésité ?

Plusieurs choses sont possibles. Il se peut que plusieurs gènes interviennent, certains étant plus responsables d’obésité, d’autres du retard mental. Toutefois nos résultats confirment le lien entre obésité et maladies neuropsychiatriques. Comme elles ont des causes communes, l’obésité est peut-être une maladie neurocomportementale.


Quels espoirs porte votre découverte ?

Elle permet d’envisager de détecter et de prévenir l’obésité dès l’enfance. Il serait possible d’intervenir avant que l’obésité ne se développe chez l’enfant. Connaître les facteurs génétiques qui favorisent l’obésité morbide chez certaines personnes permettra aussi d’améliorer leur prise en charge médicale. On pourra aussi détecter précocement d’autres maladies liées à l’obésité, comme le diabète et l’hypertension.

 

Pour connaître les causes de l’obésité, lire également nos articles :

Obésité : quand les gènes sont responsables

Les gènes impliqués dans l’obésité

Obésité : les bactéries responsables ?

L’obésité est-elle contagieuse ?

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