Georges Mouton : « Les maladies auto-immunes et les allergies sont liées aux dérèglements intestinaux »

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 20/03/2012 Mis à jour le 10/03/2017

Les nombreuses études menées sur l’écosystème intestinal montrent que notre santé globale dépend en partie de notre flore intestinale. Le Dr Georges Mouton est l’auteur d’« Ecosystème intestinal et santé optimale »(1). Nous lui avons demandé de nous expliquer comment la flore intestinale influence notre santé.

Quelle est votre spécialité ?

Je suis médecin généraliste. Sur ma carte de visite est indiqué « médecine fonctionnelle » qui ne correspond à aucun diplôme universitaire. Cette spécialité recouvre un objectif de santé par la prévention ou, s’il est trop tard, par des moyens les plus naturels possibles. L’écosystème intestinal, c’est mon dada.

Depuis quand la médecine s’intéresse à l’écosystème intestinal ?

La médecine ayurvédique, la plus vieille médecine du monde qui existait en Inde il y a 10 000 ans, le considérait déjà comme un moyen pour agir en profondeur sur un tas de problématique. Vous savez, une médecine traditionnelle disait qu’une personne en bonne santé doit faire deux selles bien moulées par jour. Je crois que l’importance du fonctionnement intestinal a été comprise il y a longtemps déjà. C’est depuis relativement peu de temps qu’on s’y intéresse à nouveau. Le prix Nobel Elie Metchnikoff, au début du XXe siècle, a découvert qu'on pouvait contrecarrer les effets des bactéries pathogènes en consommant des bactéries lactiques.

Les dérèglements intestinaux sont à l’origine de problèmes qui sont de plus en plus fréquents dans nos sociétés. C’est le cas des allergies, des inflammations et des maladies intestinales chroniques inflammatoires (maladie de Crohn et Rectocolite Hémorragique).

Comment justement expliquez-vous la recrudescence des allergies et des maladies auto-immunes ?

Je pense qu’elle est liée à l’évolution de notre alimentation. D’abord à l’abondance du sucre. Ensuite, aux produits alimentaires industriels. Avant, il y avait des menus types, pour le lundi, le mardi, le mercredi… Quand on mangeait un plat, on savait ce qu’il y avait dedans. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les plats préparés contiennent de très nombreux ingrédients. Par exemple quand vous mangez un poulet basquaise tout prêt, vous ingurgitez aussi des protéines d’oeufs, du sucre, de la poudre de lait, du gluten… la liste des ingrédients rajoutés est énorme. Les produits sont complexes, ils contiennent un peu de tout. Cette alimentation moderne agresse les muqueuses et peut être allergisante. Il semble que l’absence de rythme alimentaire en fonction des saisons, le fait qu’on puisse par exemple manger des fraises toute l’année, joue également un rôle.

Vous pensez vraiment que l’explosion de ces maladies est due seulement à l’évolution de notre alimentation ?

Je pense qu’il y aussi le problèmes du recours aux antibiotiques, que ce soit directement pour lutter contre les maladies chez l’hommes ou indirectement avec ceux qui sont donnés aux animaux d’élevage et qui finissent dans nos assiettes. Les antibiotiques agressent la flore intestinale.

Quelle est la relation entre la flore et l’organisme ?

La flore et la muqueuse intestinale sont indissociables, elles dialoguent constamment. Les problèmes peuvent donc venir des deux côtés. On sait aujourd’hui que les maladies auto-immunes, inflammatoires, les allergies… sont dues au fait que la muqueuse est trop poreuse. Le syndrome de l’intestin poreux est appelé en anglais le « leaky gut syndrome ». La muqueuse devient perméable et laisse passer les aliments dans l’organisme. Du coup, le système immunitaire n’est pas content, il sécrète des anticorps qui contribuent à l’apparition de dysfonctionnements immunitaires. Et je ne parle pas des toxines qui surchargent le foie.

Quels sont les autres rapports qu’entretiennent la flore et l’intestin ?

La flore a un impact sur le système immunitaire sous-jacent appelé GALT pour Gut Associated Lymphoid Tissue. Celui-ci comprend les deux tiers des cellules immunitaires de l’organisme. Ainsi, la majorité des globules blancs se trouvent dans l’intestin. C’est le premier organe immunitaire de l’homme. Ce système immunitaire est constamment informé par la flore. Durant les premiers mois de la vie, le bébé constitue progressivement sa flore. Une bonne flore donnera un bon système immunitaire. Il semble que l’hygiène excessive soit en partie responsable de l’explosion des allergies. Il y aurait une réaction trop forte aux allergènes car l’enfant n’y a pas assez été exposé durant ses premiers mois. Il y a un vrai appauvrissement de notre environnement bactérien.

Que pensez-vous des probiotiques ?

Ces produits sont intéressants car ils sont bénéfiques à tout le monde, aux femmes, aux hommes, aux personnes âgées, aux enfants. Ils ne comportent globalement pas de risque. Il n’y a pas de contre-indication. Ils agissent en corrigeant la perméabilité de la muqueuse intestinale. Des dizaines d’études sont publiées chaque mois sur les probiotiques. On sait aujourd’hui qu’ils ont des effets sur la diarrhée, le côlon irritable, les colites, le système immunitaire, les allergies, les constipations... Ils permettent de lutter contre les pathogènes, les parasites… c’est un peu les bons qui repoussent les méchants !

Pensez-vous que le concept de probiotique est sérieux ?

Oui. Les bactéries sont testées rigoureusement. Il faut savoir que les propriétés d’une bactérie dépendent de la souche. Une bactérie appartient à un genre (Lactobacillus, Bifidus…), puis à une espèce (acidophilus, bulgaricus, plantarum…) puis à une souche. C’est à cette souche qu’est associée une propriété.

Est-ce que le yaourt à, à votre avis, un intérêt pour la santé ?

Les bactéries qu’il apporte contribuent à améliorer la perméabilité de l’intestin. Elles vont permettre d’avoir un meilleur effet de barrière. Les bactéries vont aussi interagir avec la flore de la muqueuse.

Et que penser des laits fermentés probiotiques ?

Je reconnais qu’ils peuvent avoir un effet bénéfique. Le problème c’est qu’ils sont associés à un produit laitier. Ça signifie donc qu’il ne faut pas être intolérant au lactose ou allergiques aux protéines du lait, ce qui est assez fréquent chez les personnes qui ont des problèmes de santé. Pour toutes ces raisons, j’ai personnellement du mal à recommander les laits fermentés probiotiques.

Il y a aussi le problème du sucre et des édulcorants qu’ils contiennent…

Oui, ceux-ci nourrissent les pathogènes. Je trouve que c’est dommage d’associer des bonnes bactéries à des produits qui peuvent provoquer des problèmes de santé. En Angleterre où l’on parle beaucoup des dangers des produits laitiers, il y a de plus en plus de produits dits « dairy free » c’est-à-dire sans lait.Je trouve que ce serait bien que les probiotiques soient plus fréquemment associés à des produits plus sains que les produits laitiers qui ont mauvaise réputation. En Asie, les habitants consomment beaucoup de produits fermentés végétaux, notamment de nombreux produits à base de soja fermenté, c’est mieux. En France, les yaourts au soja apportent des probiotiques. Dans l’alimentation occidentale moderne, il y a de moins en moins de bactéries. C’est donc logique qu’il y ait cet engouement pour les probiotiques.

Comment agissent les probiotiques ?

Les probiotiques, en apportant des bactéries, contribuent à corriger la perméabilité de l’intestin. Ces bonnes bactéries peuvent aussi occuper le terrain sur la paroi et empêcher les organismes pathogènes de s’y fixer et de déclencher des diarrhées. Elles sont également capables de synthétiser des bactériocines, un antibiotique naturel qui offre une protection supplémentaire contre les pathogènes. Enfin, elles peuvent engendrer une compétition pour la nourriture et empêcher ainsi la colonisation de la flore par des bactéries néfastes.

Propos recueillis par Véronique Molénat

 

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