L’étude DHEAge du Pr Etienne-Emile Baulieu

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 18/05/2006 Mis à jour le 10/03/2017
Dès 1995, le Pr Etienne-Emile Baulieu (INSERM U 488, Le Kremlin-Bicêtre) avait annoncé son intention de mener une étude de supplémentation à grande échelle. Autant dire que les résultats de son essai DHEAge, qui a finalement débuté en 1998, étaient attendus avec impatience. Publiés le 11 avril 2000 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, ils ont eu le grand mérite de clarifier la situation.

L’étude elle-même

Il s’agit d’une des études les plus imposantes sur le sujet. Pas moins de 280 volontaires, répartis en quatre groupes, ont été inclus : 70 femmes et 70 hommes âgés de 60 à 69 ans, et autant dans la tranche 70-79 ans. Pendant un an, ils ont pris quotidiennement, en double aveugle, soit 50 mg de DHEA, soit un placebo. Surtout, ils ont été soumis à un bilan trimestriel très complet. Questionnaires, prises de sang, examens sophistiqués pour évaluer l’état de la peau, de l’os, du système cardiovasculaire… les participants ont réellement été disséqués sous toutes les coutures. Conclusion générale ? « Prise à la dose de 50 mg/jour pendant un an, la DHEA normalise certains effets du vieillissement, mais ne crée pas de super-hommes/femmes ». D’emblée, le ton est donné : la DHEA n’est pas une fontaine de jouvence. Il faut dire que les volontaires de cette étude, en bonne forme générale, ne sont peut-être pas représentatifs de la population de cet âge. « Il s’agit dans l’ensemble de personnes très dynamiques, très préoccupées du vieillissement. Beaucoup sont intellectuellement et socialement aisés » remarque le Dr Véronique Faucouneau (investigatrice, Fondation Nationale de Gérontologie).

Très logiquement, les effets de la DHEA sont d’abord notés sur les hormones. Après un pic transitoire au sixième mois de traitement, le taux sanguin de sulfate de DHEA rejoint au bout d’un an celui d’un adulte jeune. Traduction : une supplémentation en DHEA corrige le déficit lié à l’âge, mais l’hormone ne s’accumule pas dans l’organisme. Quant aux autres hormones stéroïdes, (estradiol, androstènedione et testostérone), leur taux augmente significativement dans le sang, excepté chez les hommes où celui de testostérone qui demeure constant.


Des bénéfices modestes sur l’os

Côté squelette, les auteurs observent chez les femmes, et plus particulièrement dans la tranche d’âge 70-79 ans, une augmentation de la densité de certains os. Aucune des femmes n’étant sous traitement hormonal substitutif de la ménopause, ce résultat serait donc attribuable à la DHEA et l’hormone possèderait un effet antiostéoporotique. Pourtant, selon d’autres spécialistes, qui n’ont pas participé à l’étude, l’intensité de cet effet reste à prouver. « Ces résultats ne semblent pas bouleversants, mais il est vrai que la période de traitement est courte pour apprécier une efficacité sur l’ostéoporose, commente le Dr Henri Rozenbaum (président de l’association française pour l’étude de la ménopause). Par ailleurs, je constate quelques maladresses méthodologiques. Ainsi, on sait que les estrogènes, dont l’effet sur l’ostéoporose est prouvé, agissent particulièrement bien au niveau des os spongieux, comme les vertèbres. Or, dans cette étude, aucune mesure n’a été réalisée à ce niveau ». Un avis proche de celui du Pr Pierre Meunier (rhumatologue, hôpital Edouard Herriot, Lyon) qui estime « que les modalités d’évaluation des effets osseux et l’expression des résultats ne permettent pas de démontrer un effet antiostéoporotique significatif ».


La peau s’en tire bien

Côté peau, les résultats semblent moins discutables. C’est la division recherche des laboratoires L’Oréal qui s’est chargée des examens approfondis. « Les résultats sont très probants, tant sur la production de sébum que sur la qualité de l’épiderme, explique le Dr Olivier de Lacharrière, en charge des essais. L’épiderme s’épaissit et se déjaunit, signe d’un effet réparateur de l’hormone. Les bénéfices sont encore plus visibles chez les personnes qui ont un taux bas de DHEA ». Conclusion de ce spécialiste, la DHEA possède un effet anti-vieillissement cutané, d’intensité à priori au moins comparable à celle des traitements locaux déjà sur le marché. « Ces résultats intéressants confirment que la peau est bien un organe hormono-dépendant » interprète le Pr Jean-Paul Marty (pharmacologue, Chatenay-Malabry).


Le désir aussi

Dernier résultat positif de l’essai DHEAge, une stimulation de la libido, là encore nette surtout dans le sexe féminin. « Un aspect important, et qui va tout à fait dans le sens des recherches actuelles, poursuit le Pr Marty. En effet, avec les traitements hormonaux substitutifs, les femmes âgées retrouvent des conditions anatomiques favorables à une sexualité. Reste à leur en redonner l’envie… L’essai DHEage montre que cette molécule semble avoir quelques vertus, mais qu’il reste beaucoup à faire pour situer son réel intérêt.»


Immunité, mémoire, vieillissement cardio-vasculaire : la déception

Les effets propres à la DHEA, que l’on attendait sur le plan de l’immunité, du système cardio-vasculaire ou des facultés cognitives ne sont pas vraiment au rendez-vous. Mais l’étude française était probablement trop courte et trop limitée pour mettre en valeur des transformations majeures.

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