Dans le Guide du chasseur-cueilleur égaré au 21ème siècle, Heather Heying et Bret Weinstein examinent notre vie moderne avec leur regard de biologistes de l’évolution. Une lecture stimulante et provocante. Entretien avec les auteurs.
Nos ancêtres étaient-ils des amateurs de viande ?
L’évolution de la consommation de viande est assez nette dans l’histoire de l’homme. Les premiers hominidés consomment essentiellement des végétaux, des insectes, parfois des petits animaux. L’Homo habilis (-2,5 millions d’années) est vraiment omnivore, mais il ne recherche pas encore activement la viande. La grande famille des Homo erectus, qui vit en Afrique et qui va migrer vers l’Europe et l’Asie à la recherche de nouveaux territoires, va se mettre à chasser des animaux de grande taille. Les Néandertaliens (-350 000 ans) et les premiers hommes modernes (Cro-magnons) sont de grands consommateurs de viande ; les Néandertaliens ont une alimentation proche de celle du loup, composée à 90% de viande.
Mais n’est-il pas difficile de se procurer de la viande à cette période ?
Au contraire ! Ces chasseurs-cueilleurs possèdent de grandes capacités d’adaptation. Par exemple, lors de la glaciation qui affecte tout le Nord de l’Europe, ils migrent vers le Sud. Il existe par ailleurs à cette époque un environnement riche et diversifié avec de nombreux grands troupeaux d’animaux sauvages. Les Néandertaliens chassent le renne, le bison, les chevaux, les cerfs, les bouquetins… Parfois, ils mangent la viande laissée sur la carcasse des mammouths. Ils trouvent de la viande aussi facilement que nous lorsque nous allons au supermarché !
Comment ont-ils pu survivre avec un régime comportant des telles quantités de viande ?
Regardez les Inuits, ils mangent essentiellement de la viande et sont, traditionnellement, en très bonne santé. Si les chasseurs-cueilleurs ont vécu si longtemps, c’est parce qu’ils étaient particulièrement bien adaptés à leur environnement. Le problème n’est pas tellement la quantité de viande qui est consommée mais sa qualité, elle doit être grasse. La viande sauvage est relativement pauvre en cholestérol, pour compenser ce manque de lipides, ils consomment la moelle des os.
La consommation de viande a-t-elle joué un rôle dans l’évolution de l’homme ?
Le volume du cerveau des Australopithèques (-4MA) était d’environ 450 cm3, celui des Néandertaliens de 1600cm3. La viande a très probablement apporté l’énergie nécessaire à cette évolution. Et la chasse, parce qu’elle implique l’élaboration de stratégies, la mise au point d’armes, la répartition des tâches, l’apprentissage, le langage,… a permit des évolutions culturelles et sociales majeures.
Pour aller plus loin : Le régime préhistorique de Thierry Souccar