Pierre Boutron: "J'espère qu'on pourra un jour se faire congeler"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 22/09/2006 Mis à jour le 21/11/2017

C’est à Pierre Boutron (CNRS, Grenoble, auteur du livre Arrêtons de vieillir) que de nombreux enfants doivent d’avoir d’abord patienté avant leur naissance, sous forme d’embryon, dans du 1,2-propanediol, le cryoprotecteur dont il a proposé l’usage dès 1979. Ce spécialiste de cryobiologie est favorable à l’idée d’une conservation par le froid sans dégâts à la fin de la vie. Il réagit aux toutes dernières réussites en matière de congélation d'organes.

LaNutrition.fr : Pourra-t-on un jour cryoconserver des mammifères et pas seulement des organes ?

Pierre Boutron : Cela devrait être possible puisque la nature sait congeler des êtres vivants. Certaines grenouilles peuvent survivre après avoir été refroidies jusqu'à -8°C. La salamandre de Sibérie survit après avoir été refroidie jusqu'à -35°C. Les chenilles du Groenland peuvent supporter d'être gelées pendant plus de 10 mois en dessous de -50°C. On ne peut pas dire quand la cryobiologie permettra de congeler sans dégâts des êtres vivants adultes qui ne savent pas le faire eux-mêmes. Il serait intéressant de refroidir des lapins entiers en utilisant les solutions mises au point par Gregory Fahy pour voir ce qui se passe.

Celles et ceux qui se font aujourd’hui congeler après leur mort n’ont donc aucune chance de se réveiller…

Ces procédures ne fonctionnent pas. Il y a le problème de l’apparition de glace, qui déchire les tissus. Pour l’éviter, une société comme Alcor utilise parfois d’anciennes solutions de vitrification mise au point par Gregory Fahy. Mais elles sont toxiques et aux vitesses très lentes où on peut refroidir un corps entier, de la glace se forme sans doute même avec ces solutions.

Comment jugez-vous ces pratiques ?

Il y a ceux qui ne souhaitent pas que ça marche par crainte de la surpopulation. Il y a ceux qui croient que ça fonctionne déjà et se réjouissent à l’idée de ressusciter un jour. Personnellement, je pense que ces méthodes ne sont pas au point, mais qu’il est souhaitable qu’elles réussissent un jour.

La mort n’est-elle pas utile dans la mesure où elle laisse la place aux futures générations ?

Nous sommes des êtres pensants. La survie des individus existants est sacrée. On n’a pas le droit d’ajuster la mortalité à la natalité. On doit considérer que la vie des gens qui n’existent pas n’a aucune importance par rapport à celle de ceux qui vivent déjà. Car si on pensait le contraire, la contraception serait considérée comme un crime et les pires des crimes pourraient être justifiées : c’est Napoléon qui déclarait, au soir d’une bataille particulièrement sanglante : « Une nuit de Paris réparera tout cela. » Je suis en profond désaccord avec cela.

Etes-vous à titre personnel candidat à la congélation ?

Je ne le suis pas aujourd’hui parce que ça ne marche pas. C’est de toute façon encore trop cher. Si ça marchait, il faudrait encore faire le pari que la médecine du futur saura rajeunir ou guérir les personnes congelées immédiatement après leur mort. Il faudrait surtout ne pas se faire congeler trop tard, comme en France où la loi impose d’attendre 24 heures après le décès pour disposer du corps ! Mieux vaudrait d’ailleurs se faire congeler vivant.

Que faites-vous en attendant ?

J’essaie de vieillir moins vite en prenant des antioxydants, de la DHEA (déhydroépiandrostérone), ou encore de la carnosine, qui s’oppose à la glycation, etc... Je suis conscient qu’il y a d’autres mécanismes du vieillissement contre lesquels il n’existe aucun produit. J’espère que la congélation sera un jour au point.

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