L’ail diminuerait le risque cardiovasculaire en agissant sur la flore intestinale

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 28/05/2015 Mis à jour le 10/03/2017
L’allicine de l’ail agit sur la flore intestinale pour empêcher la formation de TMAO, un composé formé à partir de la L-carnitine qui augmenterait le risque cardiovasculaire

Une nouvelle étude parue dans le Journal of Functional Foods (1) suggère que l’allicine, un composé présent dans l’ail, permet de diminuer le risque cardiovasculaire en empêchant la formation de TMAO (trimethylamine-N-oxyde) fabriqué à partir de la L-carnitine alimentaire par la flore intestinale. L’allicine agit en modulant la flore intestinale, ce qui inhibe la transformation de la carnitine en TMAO.

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Une consommation élevée de viande est associée dans certaines études, mais pas d'autres, à un risque accru de maladie cardiaque. Une étude (2) met en cause le TMAO, un composé issu du métabolisme de la L-carnitine, présente en grande quantité dans la viande. Et ce sont nos bactéries intestinales qui transforment la L-carnitine en TMAO, responsable notamment d’athérosclérose chez la souris. Il se pourrait que la flore intestinale contribue au lien entre une consommation élevée de viande rouge et le risque de maladies cardiovasculaires, évoqué par quelques études.

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« L’environnement intestinal est un écosystème microbien complexe, avec des milliards de bactéries et des milliers d’espèces » écrivent les auteurs. « L’alimentation est un des facteurs qui influencent le plus la flore intestinale mais l’impact de la flore intestinale altérée par la nourriture n’est pas très bien compris ». Des études récentes ont mis en lumière des métabolites générés par la flore intestinale et leur impact sur la physiologie de l’hôte et l’apparition de maladies. « L’alimentation pourrait façonner la flore intestinale à métaboliser les aliments non digérés ».

« Le TMAO est un métabolite formé à partir de la flore intestinale récemment identifié comme responsable de maladies cardiovasculaires. Une fois ingérée, la partie de la L-carnitine non absorbée est transformée en triméthylamine (TMA) par des bactéries intestinales puis oxydée en TMAO dans le foie après absorption » écrivent les chercheurs. Cependant ce lien entre TMAO et maladies cardiovasculaires n'est pour l'instant que supposé, pas confirmé.

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Des études ont montré qu’un antibiotique oral peut bloquer la transformation de la L-carnitine en TMA, réduisant ainsi la concentration plasmatique en TMAO et la sévérité de l’athérosclérose. Mais en raison des effets secondaires liés à l’utilisation d’antibiotiques, des remèdes plus naturels seraient plus appropriés pour empêcher ou réduire la formation de TMAO. Les chercheurs ont donc choisi de tester l’allicine, un composé antimicrobien présent dans l’ail. Ils ont évalué sa capacité à moduler l’écosystème microbien de l’intestin afin de diminuer la capacité de transformation de la L-carnitine en TMAO.

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Dans cette étude, les chercheurs ont séparé les souris mâles en 4 groupes : un groupe soumis au régime de contrôle, le 2ème groupe recevant la carnitine, le 3ème groupe recevant la carnitine et l’allicine et le 4ème groupe soumis au régime de contrôle supplémenté en allicine. L’intervention alimentaire a duré 6 semaines.

Les résultats montrent que les souris du groupe carnitine présentent une augmentation importante des niveaux plasmatiques de TMAO par rapport aux souris n’ayant pas reçu de carnitine. Leurs taux de TMAO sont en effet 4 à 22 fois plus élevés que dans le groupe de contrôle.

Cependant, lorsque des suppléments d’allicine ont été donnés en même temps que le régime alimentaire avec carnitine, les niveaux plasmatiques de TMAO ont considérablement diminué.

« Etonnamment, les niveaux de TMAO plasmatiques chez les souris ayant reçu le régime alimentaire avec carnitine et le supplément d’allicine étaient aussi bas que dans le groupe de contrôle » expliquent les chercheurs. « Ce résultat indique que la capacité métabolique de la flore intestinale de la souris à produire du TMAO a été complètement inhibée par le supplément d’allicine même dans un environnement intestinal riche en carnitine ».

Pour les chercheurs, cela signifie que l’altération fonctionnelle de la flore intestinale qui est induite par la L-carnitine de l’alimentation peut être empêchée par l’addition d’une autre substance issue de l’alimentation et ayant un pouvoir antimicrobien, comme l’allicine.

Les résultats de cette étude viennent s’ajouter aux preuves qui existent déjà quant aux bénéfices sur la santé cardiaque de l’ail et des composés qu’il contient. L’allicine n’est pas présent dans l’ail frais, il ne se forme que lorsque l’ail est écrasé, à partir d’un composé appelé sulfure de diallyle.

« Notre étude suggère que les composés phytochimiques antimicrobiens, tels que l’allicine, neutralisent effectivement la capacité métabolique de production de TMAO par la flore intestinale à partir des apports quotidiens en L-carnitine. Cela nous offre une opportunité de tirer avantage du système de défense issu des plantes contre les microorganismes, pour moduler notre flore intestinale de façon bénéfique pour notre santé».

« L’allicine et l’ail frais alimentaire contenant l’allicine peuvent être utilisés comme des aliments fonctionnels pour prévenir l’athérosclérose » concluent les auteurs.

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Sources

(1)    Wei-Kai Wu, Suraphan Panyod, Chi-Tang Ho, Ching-Hua Kuo, Ming-Shiang Wu, Lee-Yan Sheen. Dietary allicin reduces transformation of L-carnitine to TMAO through impact on gut microbiota. Journal of Functional Foods. Volume 15, May 2015, Pages 408–417. 

(2)    Koeth RA1, Wang Z, Levison BS, Buffa JA, Org E, Sheehy BT, Britt EB, Fu X, Wu Y, Li L, Smith JD, DiDonato JA, Chen J, Li H, Wu GD, Lewis JD, Warrier M, Brown JM, Krauss RM, Tang WH, Bushman FD, Lusis AJ, Hazen SL. Intestinal microbiota metabolism of L-carnitine, a nutrient in red meat, promotes atherosclerosis. Nat Med. 2013 May;19(5):576-85. doi: 10.1038/nm.3145. Epub 2013 Apr 7.

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