Comment la viande pourrait favoriser cancers et maladies cardiovasculaires

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 15/01/2015 Mis à jour le 29/09/2022
Actualité

Des mécanismes mettant en cause des composés présents dans la viande pourraient expliquer le lien entre consommation élevée de viande rouge et risque accru de cancer et de maladies cardiovasculaires.

Pourquoi c'est important

La consommation à long terme de viande rouge a souvent été associée à une augmentation du risque de certains cancers chez l’homme. Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer l’effet de la consommation de viande rouge sur l'incidence du cancer : la formation de composés mutagènes lors des grillades, formation de radicaux libres sous l'effet du fer, dommages au niveau de l’ADN… mais aucun mécanisme n’a été prouvé. La spécificité humaine de ce risque demeure inexpliqué. D’autres vertébrés carnivores ne subissent pas une forte incidence de cancer.

Souvent les graisses saturées et le cholestérol issus de la viande ont été désignés comme coupables de l'augmentation du risque cardiovasculaire chez les gros mangeurs de viande. Pourtant, certains composés présents en grande quantité dans la viande rouge peuvent également être incriminés. C'est le cas de la carnitine qui, sous l'action des bactéries intestinales conduit à la formation de TMAO (triméthylamine-N-oxyde) impliqué dans le développement des maladies cardiovasculaires.

Plusieurs études ont cherché à comprendre par quels mécanismes une forte consommation de viande rouge pouvait augmenter les risques de cancers et de maladies cardiovasculaires et quels composés pouvaient être incriminés. 

Viande rouge et cancer

Dans une étude parue dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, des chercheurs ont émis l’hypothèse que la consommation de viande rouge pourrait conduire à une inflammation. Ce serait lié à la présence dans la viande, d'un sucre spécifique, un acide sialique non-humain, l’acide N-glycolylneuraminique (Neu5Gc), qui est naturellement présents chez certains mammifères. On le trouve dans diverses viandes, comme le bœuf, le porc et l’agneau.

En effet, la consommation de viande et donc d’une molécule étrangère – le Neu5Gc – conduit le système immunitaire du corps humain à constamment générer des anticorps contre cette molécule. Pour tester leur hypothèse, les scientifiques ont utilisé des souris génétiquement modifiées, qui comme les humains, n’avaient pas de Neu5Gc. Ces souris ont reçu une alimentation contenant des molécules de Neu5Gc et ont donc fabriqué des anticorps contre cette molécule, imitant ainsi ce qui se passe chez l’homme.

Les résultats montrent qu’après avoir été nourries avec du Neu5Gc, les souris ont développé une inflammation systémique et présentaient une multiplication par 5 du nombre de tumeurs spontanées du foie. Les chercheurs ont également noté une accumulation de Neu5Gc dans les tumeurs.

Ces résultats pourraient également expliquer les liens possibles entre la consommation de viande rouge et d’autres maladies exacerbées par une inflammation chronique comme l’athérosclérose et le diabète de type 2.

Viande rouge et maladies cardiovasculaires

Une autre étude parue dans Atherosclerosis, Thrombosis, and Vascular Biology, supportée par le laboratoire Astra Zeneca trouve un lien significatif entre les anticorps spécifiques d’un autre sucre (l'oligosaccharide alpha galactose 1,3) présent dans la viande rouge. En fait il s'agirait d'un sensibilité allergique à ce dernier. En effet, les immuno-globulines E (les fameux anticorps caractéristiques de l'allergie) spécifiques de cet allergène en particulier sont corrélées avec la présence de plaques d’athérome avancé chez les personnes de moins de 65 ans. Néanmoins le lien causal reste à démontrer.

L-carnitine et TMAO

Dans l'association qui existe entre consommation de viande rouge et risque cardiovasculaire, une étude montre du doigt un composé issu du métabolisme de la L-carnitine présente en grande quantité dans la viande. En effet, les bactéries intestinales transforment la L-carnitine en TMAO (triméthylamine-N-oxyde), qui serait responsable d’athérosclérose chez la souris. Il se pourrait que le microbiote intestinal contribue au lien établi entre une consommation élevée de viande rouge et le risque de maladies cardiovasculaires.

Dans une étude parue en 2018 dans l’European Heart Journal, des chercheurs ont voulu savoir pourquoi et comment la consommation régulière de viande rouge augmente le risque de maladies cardiovasculaires et quel rôle jouent les bactéries intestinales dans ce phénomène. Les 113 participants ont reçu chacun, lors de trois périodes successives, trois types de repas avec des sources protéiques différentes : viande rouge, viande blanche et protéines non animales. L’apport protéique représentait 25 % de l’apport calorique quotidien.

Les résultats montrent qu'un régime riche en viande rouge augmente considérablement les taux de TMAO dans le sang par rapport aux régimes comportant comme sources de protéines de la viande blanche ou des produits d’origine végétale. En effet, après un mois d’une alimentation riche en viande rouge, la quasi-totalité des participants présentaient une élévation de la concentration en TMAO dans le sang et dans les urines. En moyenne, les taux de TMAO dans le sang ont été multipliés par 3 par rapport aux deux autres régimes (viande blanche et protéines non carnées). Les mêmes augmentations ont été détectées dans les urines. Les taux de TMAO ont diminué le mois suivant l’arrêt du régime riche en viande rouge.

De plus, le régime alimentaire impacte la fonction rénale et l’efficacité avec laquelle les reins éliminent différents composés : l’alimentation à base de viande rouge réduit l’élimination de TMAO mais augmente celle de carnitine et de ses métabolites. La consommation régulière de viande rouge augmenterait ainsi la production de TMAO par les bactéries intestinales et réduirait l'efficacité des reins à l'éliminer.

Le rôle clé du microbiote intestinal

Dans une deuxième étude parue dans le Journal of Clinical Investigation, les chercheurs présentent la voie bactérienne intestinale qui transforme la carnitine en TMAO comme nouvelle cible potentielle pour prévenir les maladies cardiovasculaires. Les chercheurs ont découvert que la carnitine - que l’on trouve aussi dans les boissons énergisantes et des compléments alimentaires - est convertie en TMAO dans l’intestin en deux étapes et ce, par différentes bactéries intestinales : la première étape est similaire chez les omnivores et chez les végétariens/végétaliens mais dans la deuxième étape la formation de TMAO est significativement augmentée chez les omnivores. La différence de composition du microbiote intestinal impacte la capacité à produire du TMAO.

Enfin, dans une étude parue en 2022, des chercheurs de l’université Tufts ont analysé les échantillons sanguins de près de 4 000 adultes en bonne santé, de plus de 65 ans, suivis sur une durée médiane de 12,5 ans. Ils ont trouvé que la consommation de viande, en particulier de viande rouge et de charcuterie, était liée à un risque plus élevé d’athérosclérose : le risque augmentait de 22 % pour 1,1 portion par jour. En revanche, la consommation de poisson, de volaille et d'œufs n'était pas significativement liée à un risque accru de maladie cardiovasculaire. D'après les scientifiques, des taux sanguins élevés de TMAO chez l'homme sont associés à des risques plus élevés de maladies cardiovasculaires.

En définitive, des molécules produites par le microbiote expliqueraient en partie le risque élevé de maladie cardiovasculaire associé à la viande rouge. « L'essentiel de l'attention portée à la consommation de viande rouge et à la santé a porté sur les niveaux de graisses saturées alimentaires et de cholestérol sanguin », a déclaré le Dr Meng Wang (Université Tufts de Boston), dans un communiqué. « Sur la base de nos découvertes, de nouvelles interventions pourraient être utiles pour cibler les interactions entre la viande rouge et le microbiome intestinal afin de nous aider à trouver des moyens de réduire le risque cardiovasculaire. »

Une des stratégies de prévention du risque cardiovasculaire serait donc d’interrompre la voie bactérienne intestinale par laquelle le TMAO est formé à partir des composés présents dans la viande pour prévenir le développement des maladies cardiovasculaires.

L'inflammation participe également au risque cardiovasculaire plus élevé associé à la consommation de viande rouge.

En pratique

L'Organisation mondiale de la santé conseille de ne pas manger plus de 500 g de viande fraîche par semaine.

LaNutrition recommande aux hommes adultes tous âges, femmes de plus de 50 ans en bonne santé de manger :

  • Pas plus d’une fois par semaine : bœuf, taureau, cheval
  • Pas plus de trois fois par semaine : dinde, poulet, canard, pintade, lapin, porc, veau
  • A l’occasion : agneau, mouton, gibier

 Et aux femmes entre 15 et 50 ans et enfants en croissance

  • Zéro à deux fois par semaine : bœuf, taureau, cheval, gibier qui peuvent apportent des quantités intéressantes de fer.
  • Pas plus de deux fois par semaine : dinde, poulet, canard, pintade, lapin, porc, veau
  • A l’occasion : agneau, mouton

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