Les acides gras trans du lait sont-ils moins nocifs que les acides trans industriels ?

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 17/12/2015 Mis à jour le 10/03/2017
Actualité

En dépit de ses efforts, l’industrie laitière n’arrive pas à montrer que les acides trans des produits laitiers font baisser le cholestérol, comparés aux acides trans industriels.

Les acides gras trans ont mauvaise presse et à juste titre car ils augmentent le risque de maladies cardiovasculaires. Quand on parle d’acides gras trans on pense spontanément aux acides trans industriels, ceux que l’on trouve (beaucoup moins qu'avant) dans les plats préparés, les biscuits, les viennoiseries. Ils sont obtenus en hydrogénant partiellement des graisses végétales. On en trouve aussi dans certaines huiles végétales raffinées.

Mais il y a une autre source d’acides gras trans moins connue du public, ce sont les produits laitiers (et la viande). En fait, ils représentent aujourd’hui jusqu'à 80% des acides trans apportés par l’alimentation. Ils sont le résultat de l'hydrogénation bactérienne des graisses qui a lieu dans le rumen des ruminants. Ces acides gras trans sont dits naturels et l’industrie laitière a dépensé des sommes considérables depuis le début des années 2000 pour accréditer l’idée qu’ils ne se comportent pas comme les autres trans industriels et donc que les recommandations à l'encontre des acides trans épargnent ceux du lait ou du fromage.

Lire : Graisses cis et trans

Les études d’intervention payée par l’industrie laitière ont consisté la plupart du temps à essayer de montrer que les acides gras trans n’ont pas d’impact néfaste sur le niveau du cholestérol, lequel est censé être un marqueur (contesté) du risque cardiovasculaire. Exemple avec une étude récente sur 106 personnes en bonne santé, publiée dans le numéro de novembre de l’American journal of Clinical Nutrition.

Les chercheurs ont voulu savoir si les acides vaccénique et le CLA (acide ruménique), deux acides trans laitiers, avaient une influence plus favorable qu’un acide gras trans industriel sur le cholestérol total, le cholestérol LDL, les triglycérides, la lipoprotéine(a) et l’apolipoprotéine B.

Hélas ! L’acide vaccénique, qui est le principal acide trans des produits laitiers augmente plusieurs de ces « facteurs de risque » dans les mêmes proportions, voire plus encore que les acides trans industriels. L’étude ne trouve pas que le CLA influence ces facteurs de risque supposés mais une autre étude non financée par l’industrie laitière a trouvé qu’il a les mêmes effets que l’acide vaccénique.

Les résultats de cette étude sont connus depuis 2010 des chercheurs qui l’ont conduite. Pourquoi ne les ont-ils pas publiés à cette époque ? La nutritionniste américaine Marion Nestle (rien à voir avec Nestlé) a demandé au principal responsable de l'étude, David Baer (un chercheur du Ministère de l’agriculture des Etats-Unis), pourquoi il avait fallu 5 ans pour la publier. Les sponsors de l’étude, ceux qui l’ont en grande partie financée, à savoir l’industrie laitière et Nestlé, n’auraient-ils pas traîné des pieds ? Non, lui a répondu Baer; si la publication a pris du retard, c’est parce que des collaborateurs sont partis, il était très occupé, et il avait du mal à faire publier l’article.

Il faut savoir que les études défavorables aux bailleurs de fonds sont rarement publiées, pour des raisons évidentes. Dans ce cas, on ne peut s'empêcher de penser que la présence (même minoritaire) parmi les sponsors de l'étude du ministère de l'Agriculture des Etats-Unis a empêché que les résultats soient tout simplement enterrés. Mais ce n'est qu'une supposition.

Une étude française plus ancienne, elle aussi financée par l’industrie laitière, l’étude TRANSFACT, avait eu les mêmes grandes peines à trouver une différence entre les acides trans industriels et les acides trans du lait pour ce qui est de leurs effets sur le cholestérol et les triglycérides. Pis, chez les femmes, les acides trans industriels avaient des effets plus favorables sur ces marqueurs que les trans laitiers ! Ce qui n’avait pas empêché les auteurs français de cette étude, de conclure vaillamment que « seuls les acides trans industriels doivent faire l’objet de restrictions concernant leur consommation. »

David Baer et ses collaborateurs préfèrent se retrancher derrière l’épidémiologie (qui ne montre pas d’augmentation du risque cardiovasculaire avec les acides trans laitiers, ce qui permet de douter de l’intérêt de mesurer le cholestérol), pour assurer que « les preuves suggèrent que l’acide vaccénique, consommé aux niveaux apportés par l’alimentation est inversement associé au risque cardiovasculaire, ou n’y est pas associé. » Voilà au moins les sponsors satisfaits.

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