Les régimes restrictifs peu efficaces à moyen terme, selon un panel de Français

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 10/05/2012 Mis à jour le 10/03/2017
Une enquête auprès de 18000 internautes français suggère que pour maigrir il faut "manger varié", "diminuer les quantités", "n'éliminer aucun aliment"

L’étude française Nutrinet-santé, lancée il y a trois ans sous l'égide de l'Inserm, regroupe 223000 internautes. Conduite par Serge Hercberg, également responsable du Programme National Nutrition Santé, elle a pour but d’explorer, chez ces participants les relations entre alimentation et santé. Cette étude s'est intéressée à un échantillon de 18188 internautes qui ont fait au moins un régime.

Selon les personnes intérrogées, une alimentation variée, non restrictive, basée sur les recommandations nutritionnelles, est plus efficace à moyen terme que les régimes commerciaux "frustrants" type Dukan. L’étude pointe aussi "la dictature du poids" dans notre société.

40% des adeptes des régimes commerciaux (Dukan, Cohen, Chrononutrition...) considèrent que leur régime a été efficace à court terme, soit un score supérieur à ceux qui ont choisi d'autres types de régimes. Cependant, 76% de ceux qui ont suivi un régime basé sur les recommandations nutritionnelles globales de "bon sens" (manger varié, diminuer les quantités, pas d'aliment interdit...), estiment que ce rééquilibrage a été efficace à long terme, avec un maintien de la perte de poids au-delà de 6 mois. Ils sont aussi les plus nombreux (57,5%) à avoir associé une augmentation d'activité physique (marche...) à la modification de leur comportement alimentaire (contre 39% pour des régimes type Dukan, Cohen).

Les régimes avec coaching collectif style Weight Watchers sont eux aussi jugés efficaces par 61% de ceux qui les ont suivi.

Les Français interrogés jugent moins bonnes à moyen terme les performances des régimes restrictifs, et de ceux basés sur la prise de substituts de repas et de produits diététiques (41%), ainsi que les régimes Cohen et Dukan (respectivement 50 et 51%).

Le régime Dukan et ceux basés sur des substituts de repas/produits diététiques sont jugés les plus "frustrants", selon l'étude.

Cette étude estime selon des données issues de 105771 questionnaires que 70% des femmes et 50% des hommes voudraient maigrir. Parmi eux, 67% des femmes et 39% des hommes ont fait au moins un régime dans leur vie. Plus d'une femme sur 4 et un homme sur 7 auraient fait plus de 5 régimes dans leur vie.

L’analyse de LaNutrition.fr : Les conclusions de cette enquête (qui, reprises médiatiques aidant, est un nouveau coup porté à Dukan après le rapport de l'Anses) doivent être replacées dans leur contexte : il s’agit de la synthèse de données déclaratives d’un échantillon de la population française qui ne la reflète pas nécessairement puisque les participants sont particulièrement concernées par les relations entre alimentation et santé. Par ailleurs, l’efficacité "à long terme" est définie par une perte de poids maintenue au-delà de six mois, alors qu’en épidémiologie, les marques sont fixées à un an minimum, et en réalité plutôt deux ans. La description du régime « efficace » est vague et pourrait avoir été dictée par la formulation des questions, puisqu’elle rejoint les préceptes bien connus des responsables de l’étude (« manger varié, des portions modérées, pas d’aliment interdit »). Que disent les études d'intervention conduites à ce jour ? La diminution des calories (100 à 1200 kcal/j pour les femmes, 1200 à 1600 kcal/j pour les hommes) permet aux personnes obèses de perdre du poids à court et moyen terme, mais la majorité de ce poids perdu est regagné à long terme. Les régimes pauvres en graisses (25 à 30% des calories sous la forme de graisses) permettent aussi une perte de poids à court et moyen terme, mais il n’existe aucune preuve de leur efficacité à long terme. Ces régimes sont associés à une augmentation des triglycérides et de nombreux chercheurs considèrent que les graisses ne sont pas en cause dans l'épidémie d'obésité. Les régimes pauvres en glucides de type Atkins ont une bonne efficacité à court, moyen et peut-être à long terme en particulier chez les personnes qui souffrent de résistance à l’insuline ; ils s’accompagnent d’une amélioration de la glycémie et d’autres paramètres mais peuvent être difficiles à suivre par certains. Les bases scientifiques de cette approche ont été exposées par Gary Taubes dans son livre Pourquoi on grossit. Le régime paléo, qui vise à revenir à l'alimentation ancestrale en éliminant céréales, laitages, sel, sucre est lui aussi proche des modèles pauvres en glucides mais n’a encore fait l’objet que d’un petit nombre d’études. Il n’existe pas d’étude d’efficacité sur le régime Dukan, qui est à la fois pauvre en glucides et en graisses, donc encore plus difficile à pratiquer sur le long terme. Le mode alimentaire qui réduit l’index et la charge glycémique (Régime IG) n’est pas à proprement parler un régime mais un moyen de respecter la physiologie de l’organisme en choisissant parmi les aliments glucidiques qui n’augmentent pas inconsidérément le sucre sanguin, un événement qui conduit chez les sédentaires à mettre en réserve ce sucre sous la forme de graisses. Il a fait la preuve de son efficacité dans des dizaines d’études et même s’il ne s’agit pas d’un régime restrictif, il s’oppose au principe selon lequel il n’y aurait pas de mauvais aliment (les aliments raffinés, transformés, à index glycémique élevé entraînant bien une prise de poids). Les régimes de type Weight Watchers avec accompagnement ont une bonne efficacité à long terme. Enfin, quel que soit le régime suivi, les études montrent que les personnes qui ont réussi à ne pas reprendre les kilos perdus partagent un certain nombre de caractéristiques :elles prennent moins de 3 repas hebdomadaires hors du domicile, évitent de grignoter, mangent des portions réduites, prennent un petit déjeuner quotidien, surveillent leur poids régulièrement, pratiquent une activité physique, regardent la télé moins de 3 heures par semaine. Un dernier mot pour rappeler que la nutrition et l'activité physique n'expliquent pas à eux seuls la prise ou la perte de poids, et que des substances de l'environnement comme les plastifiants (phtalates) favoriseraient le surpoids via une augmentation de la résistance à l'insuline.

Références

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