Le régime Dukan est-il dangereux ?

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 09/06/2011 Mis à jour le 10/03/2017
A court terme, ce type de régime présente peu de risquesA long terme, il lui est fait le reproche d'être trop riche en protéines, sel, calcium, et trop pauvre en fibresLaNutrition.fr fait le point et donne la parole à Pierre Dukan

Le régime Dukan, véritable phénomène de société, présente-t-il des risques pour la santé s’il est suivi longtemps ? C’est ce que pensent certains spécialistes. LaNutrition.fr fait le point sur les reproches qui lui sont fait. Lisez aussi la réaction de Pierre Dukan.

Le régime Dukan est une forme particulière des régimes pauvres en glucides, riches en protéines puisqu’il préconise aussi de diminuer les graisses et comporte assez peu de fruits et légumes. Ce régime entraîne une consommation importante de viande et protéines animales, de calcium laitier, et une consommation relativement faible de fruits et légumes et de fibres. Le régime Dukan ne pose guère de problèmes s’il est suivi sur de courtes périodes, mais qu’en est-il à plus long terme ?

Le cas des protéines

Pour le Pr Irène Margaritis (Anses), ce régime comporte trop de protéines : « Dans toutes les phases du régime, on est au-dessus de la limite à ne pas dépasser, qui est de 2,2 g de protéines par kilo et par jour. Dans deux phases, on atteint 3,5 g. L’apport recommandé n’est que de 0,83 g, soit environ 50 g de protéines par jour si on pèse 60 kg. » Selon elle, cet excès de protéines serait néfaste pour les reins.

Notre avis : En réalité, un excès de protéines à court terme ne pose pas de problème chez des personnes en bonne santé. A long terme, c’est surtout à l'équilibre entre protéines animales et protéines végétales qu'il faut veiller. Par exemple, dans l’étude américaine des Infirmières et celle des Professionnels de santé, qui portait sur près de 130000 personnes âgées de 40 à 75 ans, les personnes qui ont suivi un régime alimentaire pauvre en glucides, riche en aliments d'origine animale ont connu, par rapport aux autres, une augmentation de 28% de la mortalité par cancer (1). On sait par ailleurs que les régimes riches en viande rouge et en charcuteries augmentent d’environ 20% les risques de cancer du côlon et du rectum (2. L’étude américaine des Infirmières et celle des Professionnels de santé citées plus haut trouvent que les régimes pauvres en glucides, mettant l'accent sur les aliments d'origine animale, augmentent la mortalité cardiovasculaire de 18%. Une étude prospective menée en Grèce en 2007 a elle aussi trouvé que les régimes riches en protéines (essentiellement animales) et pauvres en glucides augmentent la mortalité de 22% (3). Une étude suédoise publiée la même année trouve une augmentation de la mortalité – surtout cardiovasculaire – de 16% chez des femmes âgées de 40 à 49 ans qui suivent ce type de régime (4). On pourrait donc suivre un régime protéiné, voire très protéiné sous réserve que les protéines végétales représentent au moins un tiers des protéines totales (nous conseillons 50%).

Le problème du sel

Le Pr Margaritis estime que « dans toutes les phases du régime, on est au-dessus des 5 g de sel par jour recommandés par l’OMS », avec un risque potentiel pour les reins et la minéralisation osseuse.

Notre avis : Ce risque peut être corrigé en choisissant des aliments pauvres en sel.

La place du calcium

Selon le Pr Margaritis, « dans deux phases du régime, on absorbe 2 g de calcium par jour, deux fois plus que l’apport nutritionnel conseillé, soit 1 g par jour », avec comme conséquences possibles un « risque de calculs rénaux et de coliques néphrétiques et un risque accru d’ostéoporose. »

Notre avis : Le régime Dukan apporte, selon les phases entre 1500 et 2000 mg de calcium par jour, essentiellement sous la forme de calcium laitier. Des apports en calcium laitier élevés ont été associés dans un grand nombre d’études à un risque de cancer agressif de la prostate. Le Fonds mondial de recherches sur le cancer a conclu en 2007 que les régimes apportant 1500 mg de calcium par jour et au-delà constituent une cause « probable » de cancer de la prostate (4). Les études internationales publiées depuis 2007 ont donné des résultats contradictoires mais l’association avec le cancer de la prostate a été confirmée récemment dans la grande étude européenne EPIC (6). Les laitages devraient être consommés avec modération, quel que soit le régime suivi.

Le débat sur les glucides

Le Pr Margaritis conclut que dans le régime Dukan, « l’apport en glucides complexes, fournis essentiellement par les féculents, est très bas. Normalement, il doit fournir 50 à 55 % de notre apport énergétique journalier. Là, on est en dessous de 20 %. » A la clé, selon elle, « fatigue, manque d’énergie, sautes d’humeur. »

Notre avis : Un régime pauvre en féculents ne présente guère de risques. Un tel régime est la règle dans l’espèce humaine puisqu’il a été suivi par nos ancêtres avec succès pendant 7 millions d’années. Les féculents ont souvent un index glycémique élevé qui favorise la prise de poids ; ils ont également des facteurs antinutritionnels et des protéines (gluten) mal acceptées par certains organismes. Leur diminution ou leur absence ne pose aucun problème, à condition de consommer des légumes, des fruits, des tubercules et racines - qui il est vrai ne sont pas le point fort du régime Dukan.

Et les fibres ?

Selon le Pr Margaritis « On est très en dessous des apports nutritionnels conseillés de 25 g de fibres par jour : dans les deux premières phases, on se trouve entre 2 et 3 g, et dans la troisième, à 10 g. Il y a peu de pain, peu de fruits, peu de légumes et peu de féculents, donc peu de fibres. Quant au son d'avoine vanté dans la méthode, ce n'est pas une fibre qui empêche la constipation. De manière générale, les Français ne consomment pas assez de fibres, il faut au contraire les y encourager. » Le Pr Margaritis pointe les risques de troubles digestifs et constipation.

Notre avis : l’absence de pain ne pose pas de problème, la présence de son d’avoine est une bonne chose. Reste le point épineux des fruits et légumes, déjà évoqué.

Source

(1)Fung TT, van Dam RM, Hankinson SE, Stampfer M, Willett WC, Hu FB. Low-carbohydrate diets and all-cause and cause-specific mortality: two cohort studies. Ann Intern Med. 2010 Sep 7;153(5):289-98. PubMed PMID: 20820038.

(2) Huxley R. The impact of dietary and lifestyle risk factors on risk of colorectal cancer: A quantitative overview of the epidemiological evidence. Int J Cancer 2009;125(1):171-180.

(3) Trichopoulou A, Psaltopoulou T, Orfanos P, Hsieh CC, Trichopoulos D. Low-carbohydrate-high-protein diet and long-term survival in a general population cohort. Eur J Clin Nutr. 2007 May;61(5):575-81. Epub 2006 Nov 29. PubMed PMID:17136037.epidemiological

(4) Lagiou P. Low carbohydrate-high protein diet and mortality in a cohort of Swedish women. J Intern Med 2007;261(4):366-374.

(5)World Cancer Reearch Fund & American Institute for Cancer Research : Food, Nutrition, Physical Activity, and the Prevention of Cancer: A global perspective. 2007.

(6) Gonzalez CA, Riboli E. Diet and cancer prevention: Contributions from the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition (EPIC) study. Eur J Cancer. 2010 Sep;46(14):2555-62. PubMed PMID: 20843485.

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