Pollution + bruit : une addition qui fait mal

Par Juliette Pouyat - Journaliste scientifique Publié le 07/11/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Actualité

Pollution et bruit augmentent les risques d'anxiété, d'hypertension, d'infarctus, autisme, surpoids… Et parfois même aussi chez nos descendants...

Pollution atmosphérique et bruit sont des nuisances qui touchent particulièrement les habitants des villes et qui ont des effets néfastes sur la santé. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la pollution atmosphérique causerait 3,7 millions de décès par an dans le monde. Certains effets néfastes de la pollution sont bien connus – notamment les effets sur le système respiratoire- d’autres un peu moins. LaNutrition vous dit comment pollution et bruit peuvent nuire à votre santé.

Lire : la pollution facteur majeur de cancer du poumon

Pollution de l’air et bruit augmentent le risque d’hypertension

Une nouvelle étude parue dans le European Heart Journal montre que l’exposition à long terme à la pollution atmosphérique et au bruit est associée à un risque accru d’hypertension artérielle.

Vivre dans une ville polluée augmente le risque cardiovasculaire. "Certains résultats laissent penser que c’est notamment en augmentant la pression artérielle que la pollution atmosphérique accroit le risque cardiovasculaire" disent les auteurs. "Des études ont montré que des augmentations à court-terme des niveaux de pollution peuvent augmenter rapidement la pression artérielle. Mais les effets à long terme de la pollution atmosphérique sur la pression artérielle ou l’hypertension sont moins évidents, comme en témoignent les résultats hétérogènes obtenus par les études déjà réalisées".

« Une association positive entre l’exposition au bruit routier et l’hypertension a été mise en évidence dans une méta-analyse de 27 études ». « Mais malgré la relation étroite entre la pollution atmosphérique et le bruit ambiant, peu d’études ont jusqu’à présent pris en compte le bruit lors de travaux sur l’effet de la pollution de l’air sur la santé ».

Ici, les chercheurs ont étudié les effets simultanés de la pollution atmosphérique et du bruit de la circulation sur 41072 personnes dans 5 pays différents (Norvège, Suède, Danemark, Allemagne et Espagne) et pendant une période allant de 5 à 9 ans. Au début de l’étude, aucun participant ne souffrait d’hypertension.

Les chercheurs ont mesuré la pollution atmosphérique pendant 3 périodes de 2 semaines, ils ont notamment déterminé la concentration en particules fines (PM 10 et PM 2,5). Le bruit ambiant dû à la circulation routière a également été déterminé. Ils ont montré qu’à chaque fois que la concentration en PM 2,5 augmentait de 5µg/m3, le risque d’hypertension augmentait de 22%. De la même façon, les personnes qui vivent dans les rues les plus bruyantes – niveau de bruit moyen de 50 décibels- ont un risque accru de 6% de souffrir d’hypertension par rapport aux personnes vivant dans des rues moins bruyantes (40 dB).

Le bruit de la circulation est associé à un risque accru d’hypertension. Mais l’association entre pollution atmosphérique et hypertension demeure même lorsque l’effet du bruit de la circulation est pris en compte dans l’analyse. « Exposition au bruit et pollution atmosphérique ont des origines communes et il est donc possible de ne pas estimer correctement les effets de la pollution sur la santé humaine. Cette étude a permis de montrer que même en tenant compte de l’exposition au bruit, l’association entre pollution atmosphérique et hypertension ne disparait pas » expliquent les auteurs de l’étude.

Il est possible que le bruit et la pollution atmosphérique affecte l’organisme en partie de façons différentes. La pollution atmosphérique affecte le fonctionnement du cœur et des vaisseaux sanguins en provoquant une inflammation systémique, un stress oxydant et un déséquilibre dans le fonctionnement du système nerveux. Le bruit, quant à lui, affecte le fonctionnement des systèmes nerveux et hormonal.

Le bruit tape sur le système

Une étude rapporte que l’exposition nocturne au bruit du trafic routier augmenterait le risque d’avoir recours aux anxiolytiques ou aux somnifères.

Le bruit est une nuisance très présente dans la vie quotidienne de chacun. En général, on parle de bruit pour désigner un son qui nous dérange ou nous agresse. Le bruit peut être à l’origine de troubles auditifs mais pas seulement. Il peut impacter l’ensemble de l’organisme. On lui attribue notamment des troubles du sommeil, de l’anxiété et des symptômes dépressifs. Le bruit est également associé à un risque accru de mortalité cardiovasculaire.

L’étude a été réalisée sur 190 617 habitants de la ville de Marseille âgés de 18 à 64 ans. Les auteurs ont calculé un indicateur (Ln) de l’exposition potentielle au bruit du trafic routier dans les logements pendant la nuit (22h à 6h). Ils ont ensuite étudié l’association entre cet indicateur Ln et le nombre d’achats (pour évaluer leur consommation) d’anxiolytiques ou somnifères pendant 2 ans (2008-2009). Pour l’ensemble des participants, le Ln moyen est de 49 décibels (dB). Les résultats montrent une augmentation faible mais significative du risque d’acheter un plus grand nombre d’anxiolytiques et de somnifères pour les personnes ayant un indicateur d’exposition potentielle au bruit du trafic supérieur à 55 dB, mais seulement parmi les personnes ayant un statut socio-économique élevé. Cela pourrait s’expliquer par une moins grande tolérance au bruit dans ce groupe et une plus grande prise de conscience quant aux effets sur leur santé.

De nombreuses études s’intéressent aux effets du bruit sur la santé. L'une d'elles a trouvé une association entre l’exposition au bruit des avions et le risque de prendre des anxiolytiques.

La pollution favoriserait l’autisme

Une équipe de la Harvard School and Public Health rapporte dans une étude que les femmes enceintes exposées à des niveaux élevés de pollution, notamment celle due aux particules fines, ont un risque accru que leur enfant souffre d’autisme.

« La génétique joue un rôle important dans l’apparition des troubles du spectre autistique mais les études suggèrent que l’exposition à des facteurs environnementaux particulièrement in utero et au début de la vie pourrait également avoir un impact sur le risque d’autisme » expliquent les auteurs.

Cette étude a été menée sur 1 767 enfants parmi lesquels 245 étaient atteints d’autisme. Les chercheurs ont évalué le niveau d’exposition à la pollution des mères durant leur grossesse en fonction de leur adresse d’habitation.

Les résultats montrent une association entre les concentrations de particules fines, notamment celles ayant un diamètre inférieur à 2,5 µm, auxquelles sont soumises les femmes enceintes durant leur troisième trimestre de grossesse et le risque d’avoir un enfant atteint d’autisme.

Une étude plus ancienne avait également montré que l’exposition à la pollution atmosphérique in utero pouvait influencer les résultats scolaires, en affectant le quotient intellectuel des enfants.

La pollution pourrait même faire grossir

D'après une étude parue dans Journal of Occupational and Environmental Medicine, il y aurait un lien entre l'exposition au noir de carbone, une particule fine présente dans l’air pollué par le trafic routier, et les niveaux de leptine.

La leptine, aussi appelée hormone de l’obésité, est produite par les adipocytes, les cellules qui stockent les graisses. Le niveau de leptine est généralement plus élevé chez les personnes obèses.

Dans cette étude, les chercheurs ont mesuré les concentrations de leptine dans le sang de 765 adultes âgés vivant à Boston. Les scientifiques ont comparé ces données avec l’exposition des participants aux particules de noir de carbone.

Résultats : Dans cette cohorte d’adultes âgés, une augmentation de 0,11 µg/m3 dans l’exposition moyenne annuelle au noir de carbone était associée à 12 % de leptine en plus. Il y avait un lien fort entre une exposition au noir de carbone et les niveaux de leptine : les niveaux de leptine étaient 27 % plus élevés pour les personnes âgées les plus exposées au noir de carbone. Ceux qui étaient les plus exposés au noir de carbone étaient aussi plus touchés par l'hypertension et le diabète.

Comment diminuer votre risque ? Si vous vous déplacez à vélo, évitez de rouler près de grands axes routiers. En partageant la route avec les voitures, un cycliste augmente de plus de 30% son exposition aux polluants atmosphériques que s’il pédale sur une piste cyclable séparée de la route. Mais sachez quand même que même si vous courez ou faites du vélo dans une ville polluée, le bénéfice du sport l’emporte sur les risques liés à la pollution. Et malheureusement faire du sport en salle ne vous empêchera pas d’être exposé à la pollution…. Il est possible de contrer les effets néfastes de la pollution en choisissant certains aliments. C’est le cas du brocoli qui permettrait de lutter contre les inflammations respiratoires causées par l'air pollué que l'on respire. Les oméga-3 auraient également un effet bénéfique sur le système cardiovasculaire en cas d’exposition à la pollution atmosphérique. Et ne négligez pas l’huile d’olive : 4 semaines de supplémentation en huile d’olive permettent de contrer les effets néfastes de la pollution et d’atténuer la dysfonction endothéliale, signe avant-coureur d'athérosclérose.

Sources

Kateryna B. Fuks et al. Long-term exposure to ambient air pollution and traffic noise and incident hypertension in seven cohorts of the European study of cohorts for air pollution effects (ESCAPE). European Heart Journal, 2016

Bocquier A.Is exposure to night-time traffic noise a risk factor for purchase of anxiolytic-hypnotic medication ? A cohort study. Eur. J Public Health 2014 Apr 24 (2) 298-303

Raz R, Roberts AL, Lyall K, Hart JE, Just AC, Laden F, Weisskopf MG. Autism Spectrum Disorder and Particulate Matter Air Pollution before, during, and after Pregnancy: A Nested Case-Control Analysis within the Nurses' Health Study II Cohort. Environ Health Perspect. 2014 Dec 18. [Epub ahead of print]

Wang Y, Eliot MN, Kuchel GA, Schwartz J, Coull BA, Mittleman MA, Lipsitz LA, Wellenius GA.. Long-Term Exposure to Ambient Air Pollution and Serum Leptin in Older Adults: Results From the MOBILIZE Boston Study. J Occup Environ Med. 2014 Sep;56(9):e73-7. doi: 10.1097/JOM.0000000000000253.

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