Récoltes : les OGM n’améliorent pas les gains, sauf pour Monsanto

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 08/11/2016 Mis à jour le 10/03/2017
Les OGM ne tiennent pas leurs promesses : pas de miracle côté rendement et encore plus de pesticides dans l’environnement.

Il y a 20 ans, l’Europe a rejeté les OGM, alors qu’outre-Atlantique les Etats-Unis et le Canada les ont adoptés. Monsanto a commencé par y commercialiser ses semences de soja « Roundup Ready », résistantes au Roundup. Depuis ces premiers OGM, Monsanto et d’autres firmes ont introduit d’autres cultures OGM : maïs, soja, coton, colza... Ces plantes résistent aux herbicides (comme le glyphosate, principal composant du Roundup de Monsanto) et/ou aux insectes ravageurs (avec le maïs Bt qui résiste à la pyrale).

Lire : Qu'est-ce qu'un OGM ?

En parallèle, l’Europe est restée fermée aux cultures d’OGM, inquiète des risques pour la consommation humaine. Mais a-t-elle pénalisé son agriculture pour autant ?

L’agriculture européenne n’est pas pénalisée par son refus des OGM

D’après une enquête menée par le New York Times, l’utilisation des OGM aux Etats-Unis ou au Canada n’a pas permis de booster leurs rendements ou de réduire leur consommation de pesticides. Pourtant au départ, les OGM ont été présentés comme la solution à plusieurs problèmes : ils étaient résistants aux ravageurs et permettraient de nourrir l’humanité grâce à des rendements supérieurs, sans l’aide de pesticide. La technologie n’a pas vraiment tenu ses promesses.

Les Etats-Unis et le Canada n’ont pas gagné en rendement, si on les compare à l’Europe occidentale (France et Allemagne par exemple). Depuis que les OGM ont été introduits aux Etats-Unis pour des cultures comme le coton, le maïs et le soja, l’utilisation de toxines qui tuent des insectes et des champignons a diminué d’un tiers mais celle d’herbicides, qui sont utilisés en volumes bien plus importants, a augmenté de 21 %. En France, l’utilisation des insecticides et des fongicides a diminué de 65 % et celle des herbicides de 36 %.

Or dans cette histoire l’industrie gagne sur tous les terrains puisque ce sont les mêmes entreprises (Monsanto, Syngenta) qui fabriquent les OGM et les pesticides. Pour preuve de l’efficacité des OGM, Monsanto cite souvent comme référence des travaux du Dr Qiam, de l’université de Göttingen, qui a trouvé des gains de productivité. Mais celui-ci, interrogé sur ce sujet, a expliqué que les effets se voyaient surtout sur les variétés résistantes aux insectes et dans les pays en voie de développement comme l’Inde. Pour lui, « Les cultures génétiquement modifiées actuellement disponibles ne conduiraient pas à des gains majeurs de rendements en Europe. »

Lire : Un Noël sans OGM

Bien sûr c’était prévisible : certes les OGM pouvaient faire la promesse de réduire l’usage des insecticides, mais leur objectif était aussi de vendre plus d’herbicides comme le Roundup. Aujourd’hui des plantes deviennent résistantes au Roundup, mais ce n’est pas un problème pour les industriels, au contraire : c’est une opportunité de vendre d’autres graines et d’autres pesticides. De nouvelles semences apparaissent, avec une double résistance aux pesticides. Les agriculteurs devront utiliser de plus en plus d’herbicides pour leurs cultures…

Pour Jack Heinemann, professeur à l’université de Canterbury, qui a comparé dans une étude les rendements des Etats-Unis et de l’Europe, celle-ci « n’a pas été pénalisée d’aucune façon pour ne pas avoir fait du génie génétique un de ses choix en matière de biotechnologie. ».

Zoom sur 15 ans d'OGM aux Etats-Unis

Le service de recherche économique du ministère de l’agriculture américain a réalisé en 2014 un rapport pour faire le bilan de plus de 15 années de cultures d’OGM aux Etats-Unis. Dans ce rapport, la surface cultivée en OGM en 2013 est estimée à 68 millions d’hectares, soit environ la moitié des terres cultivées. Le maïs, le coton et le soja représentent la plupart des cultures OGM. Les agriculteurs américains utilisent du soja tolérant aux herbicides sur 93 % des terres cultivées en soja en 2013 ; le maïs résistant aux herbicides représenterait 85 % des cultures de maïs et le coton résistant aux herbicides 82 % des cultures de coton. Par ailleurs, les agriculteurs cultivent du coton résistant aux insectes (Bt) sur 75 % des cultures et du maïs Bt sur 76 % des cultures de maïs en 2013.

Lire : Les OGM dans le monde

Les semences OGM sont protégées par des brevets et coûtent plus cher que des graines classiques ; d'ailleurs, le prix des graines de soja OGM et de maïs OGM a augmenté d’environ 50 % entre 2001 et 2010. D’un côté, les entreprises qui les commercialisent prétendent qu’elles facilitent la lutte contre les ravageurs et les mauvaises herbes, ce qui peut augmenter les rendements.

Mais voilà. Dans le rapport américain, les chercheurs affirment que pendant les 15 années d’utilisation, les graines OGM n’ont pas permis d’augmenter significativement les rendements. Parfois, les rendements des cultures OGM sont même plus faibles que celles des cultures conventionnelles, si les gènes de résistance n’ont pas été insérés dans les variétés les plus rentables.

L’un des avantages théoriques des OGM est qu'ils permettraient d'utiliser moins d’insecticides. Mais il apparaît finalement que l’utilisation d’insecticide pour le maïs a diminué à la fois pour les cultures OGM et les cultures non-OGM. Le problème est qu’en même temps l’utilisation d’herbicides sur les cultures OGM a augmenté : pour le maïs transgénique, elle est passée de 1,7 kg/ha cultivé en 2001 à plus de 2,2 kg/ha en 2010 ; sur la même période, l’utilisation d’herbicide sur le maïs non-OGM est restée assez stable. Conséquence : la large utilisation du glyphosate s’est traduite en une augmentation de la résistance chez les mauvaises herbes. De même, des insectes ont développé des résistances aux cultures Bt dans certaines zones.

Lire aussi : Quand les OGM font Pschitt : le maigre bilan de 15 ans d'OGM aux USA

Sources

D. Hakim. Doubts About the Promised Bounty of Genetically Modified Crops. New York Times. 29 octobre 2016.

Jorge Fernandez-Cornejo, Seth James Wechsler, Michael Livingston, and Lorraine Mitchell. Genetically Engineered Crops in the United States. Economic Research Report No. (ERR-162) 60 pp, February 2014

A découvrir également

Back to top