Pourquoi les régimes échouent

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 02/05/2006 Mis à jour le 22/02/2017
Enquête

Un an après un régime, 30 à 60 % du poids perdu est regagné. LaNutrition.fr vous aide à comprendre pourquoi les régimes échouent : le premier pas vers un régime réussi...

Lexique

VLCD = very low-calorie diet

LCD = low-calorie diet

REE = Resting energy expenditure

FFM = Fat free mass

"Après 3 à 5 ans", nous dit le docteur David Allison du Centre de recherche sur l'obésité (New-York), "la personne moyenne a retrouvé son poids d'origine." Marian Apfelbaum en sait quelque chose. L'inventeur des régimes hyperprotéiques, pauvres en glucides et graisses reconnaît qu'après l'arrêt de ces diètes, les participants regagnent leur poids d'origine "avec un surplus de 2 à 3 kilos." "Ma géniale invention", ajoute-t-il, "ne règle pas le problème."

Pour comprendre les raisons d'un tel échec, il faut revenir aux équations de base. L'objectif des régimes très basses calories (moins de 800 kcal par jour) et basses calories (800 à 1 200 kcal/j) est de créer un déficit énergétique, afin que l'organisme consomme moins de calories qu'il n'en dépense. Chez un sédentaire, la dépense énergétique est dûe à l'activité physique (20-30%), la digestion des aliments (10-15%) et surtout le métabolisme de base ou REE (65-70%). Ce dernier n'est autre que l'ensemble des calories brûlées pour maintenir l'activité physiologique (pouls, respiration, température corporelle, renouvellement des tissus...). Le REE est très largement fonction de la quantité de masse sèche (muscles). Plus celle-ci est importante, plus le REE est élevé.

Un déficit énergétique a pour conséquence de forcer l'organisme dans une balance négative de ses graisses, puisque la graisse est le carburant de réserve majoritairement oxydé dans des conditions hypocaloriques. Mais l'organisme perd aussi le tissu musculaire qui supporte la graisse éliminée, des pertes protéiques qui s'ajoutent à celles liées à la conversion des acides aminés en glucose. On estime ainsi que les kilos perdus sont composés à 75% de graisses, et à 25% de masse sèche. Si la perte de poids peut être spectaculaire dans les premières semaines, elle atteint vite un plateau. En effet, le recul de la masse sèche entraîne une baisse du REE, qui est la source principale de dépense énergétique. Parallèlement, l'effet thermique dû à la digestion diminue, puisque la quantité de nourriture est réduite. Enfin l'activité physique diminue aussi parce que le coût énergétique du mouvement est moindre, à masse corporelle plus basse. On a ainsi montré que des femmes ne perdaient plus de poids avec des régimes n'apportant que 1 500 kcal par jour.

Autre piste : les régimes hypocaloriques entraînent la diminution dans le cerveau de la sérotonine, un messager chimique qui conduit à la satiété. Conséquences chez certains : le mécanisme de régulation de l'appétit est affecté et la poursuite du régime n'est plus possible.

Perdu d'avance ?

Est-ce à dire que la lutte contre les kilos est perdue d'avance ? "L'image du corps idéal se trouve hors de portée génétique de la majeure partie de la population," constate Marian Apfelbaum. Malgré tout, la meilleure connaissance des mécanismes métaboliques autorise quelque espoir. "On arrive dans certaines études à maintenir une perte de poids à long terme pour 15 à 20% des participants," avance David Allison. Si la perte de poids initiale peut être accomplie avec un régime hypocalorique, indépendamment de la composition de ce régime en glucides, protides ou lipides, la défense du nouveau poids dépendra largement de la part des graisses dans l'alimentation selon le docteur James Hill, du Centre de nutrition humaine de l'université du Colorado (Denver) : "Contrairement aux protéines et aux glucides, qui sont métabolisées activement après ingestion, les graisses alimentaires ne génèrent pas leur propre oxydation, et leur stockage sous la forme de tissu adipeux est très efficace. Lorsque la balance énergétique redevient positive [après un régime restrictif], la quantité de graisses stockées est proportionnelle au contenu lipidique de l'alimentation." James Hill suggère à ceux et celles qui ne veulent pas regagner les kilos perdus, de limiter à 30% des calories la part des lipides alimentaires, et de promouvoir l'oxydation des graisses par la pratique d'un sport. Cependant, le rôle des graisses dans la prise de poids est très controversé, ce qui n’est pas le cas de l’exercice.

La musculation pour maintenir un poids idéal

"Les études montrent bien que ceux et celles qui ont une activité physique sont les plus à même de maintenir une perte de poids à long terme," confirme le docteur Allison. Des chercheurs de Singapour ont montré qu'en l'absence de toute restriction calorique, l'exercice physique seul suffit à entraîner une perte de poids considérable chez des individus obèses (- 9 à - 22 kg). Fait notable, cette baisse a concerné essentiellement la masse adipeuse, les participants conservant ou augmentant leur masse sèche d'origine. (3) Cela signifie que l'exercice physique, contrairement aux régimes hypocaloriques, permet de maintenir le REE, donc prolonger la dépense calorique. De ce point de vue, la musculation, qui s'accompagne d'une augmentation de la masse sèche, jouerait un rôle central dans le maintien d'un poids idéal. Une expérience menée au King's College (Londres) a établi que les personnes dont la masse musculaire est plus importante que la moyenne brûlent chaque jour plus de calories, même endormis. Celles qui s'entraînent 1 heure par jour (exercice modéré) consomment au repos 8% de calories en plus que les sédentaires. Avec 2 heures d'exercice par jour, ce chiffre monte à 14%. (4)

Comme souvent en nutrition, les avancées de la recherche n'apportent au final qu'une confirmation scientifique de pratiques qui relèvent du bon sens. "On peut dire aujourd'hui que des changements modérés sont préférables à des pertes de poids radicales, et qu'ils doivent s'accompagner d'une alimentation saine et inclure un programme d'activité physique," conclut David Allison.

 

Les régimes amaigrissants sont-ils dangereux ?

"Les régimes hyperprotéiques, très basses calories, nécessitent un bilan médical et ne doivent pas être poursuivis longtemps, " indique Marian Apfelbaum, qui rappelle que les USA ont connu des dizaines de morts chez les forcenés de ces pratiques. Mais les régimes moins radicaux pourraient avoir eux aussi des effets pervers. La perte de poids améliore certes les facteurs de risque que sont l'hypertension artérielle ou le cholestérol sanguin, mais ces bénéfices sont masqués par une mortalité plus élevée, le plus souvent d'origine cardiovasculaire. Les changements de poids s'accompagnent en effet d'une tabagie plus importante, d'un recul de la masse sèche et d'un statut marginal en vitamines, minéraux et acides gras. En France, les personnes qui réduisent leurs calories, et notamment les consommatrices de substituts de repas doivent être attentives à leur apport en micronutriments. Enfin, les régimes très hypoglucidiques peuvent occasionner des états de fatigue par épuisement des réserves de glycogène.

 

Références :

(1) Dr Atkin's Diet Revolution, David McKay (New York), p. 3, 1972

(2) American Journal of Clinical Nutrition, 56 : 292S-293S, 1992.

(3) Metabolism, 43 (9) : 1148-1152, 1994.

(4) Prevention, pp. 51-52, 05/1994.

(5) Journal of the American Medical Association, 224 : 1418, 1973.

A découvrir également

Back to top