Pr Olivier Saint-Jean : « Bien vieillir », mauvais plan

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 04/06/2007 Mis à jour le 17/02/2017
Olivier Saint-Jean est Chef du service de gériatrie de l’Hôpital Européen Georges Pompidou de Paris et Professeur de gériatrie à l’Université René Descartes à Paris

Le plan national « Bien vieillir » 2007-2009 annoncé par le ministre va sûrement dans le bon sens. Mais s’il est scientifiquement excellent, les experts ont bien travaillé, il est politiquement malheureusement mauvais, le ministre lui n’a pas bien travaillé.

Ce plan est d’abord dramatiquement tardif. Non parce qu’il appartient à cette frénésie de mesures de fin de gouvernement, comme si la pensée ne venait aux ministres qu’à la fin d’un quinquennat. Mais parce qu’il est en retard par rapport aux enjeux qu’impose la structure de la population française. Des données scientifiques laissent à penser que l’âge de la maturité (la cinquantaine) est un moment clé pour la prévention des maladies du grand âge. Une bonne part des baby-boomers, qui formeront cette cohorte de vieux qui effrayent tant les prévisionnistes, ne pourront tirer bénéfice de ce plan. Car en santé publique entre un plan et une politique effectivement appliquée, il y a une grande latence. Cette latence en santé publique peut être réduite si un plan est financé et porté par une politique globale. Là encore « Bien vieillir » est insuffisant.

Son financement l’est bien évidemment, comme tous les plans récents consacrés aux problématiques du grand âge (le plan « solidarité grand âge » a un financement, notamment sanitaire, si insuffisant qu’on peut s’interroger sur le cynisme de l’emploi du mot solidarité). Mais ce sont surtout les moyens politiques généraux qui lui font défaut. A côté de la prévention des maladies cardio-vasculaires existent trois grands axes de promotion d’un vieillissement réussi : vivre des interactions sociales riches le plus longtemps possible, pratiquer une activité physique et sportive régulière, avoir une alimentation saine et variée. Ces trois facteurs expliquent assez bien les inégalités qui opposent la vieillesse des riches et celles des pauvres en France. On se serait donc attendu à des mesures de fond, financées, ayant pour objet de réduire les inégalités en ce domaine. Hélas, rien du tout.

Une vraie politique de l’emploi pour les seniors, comme le recommandait un rapport récent de l’Académie de Médecine ? Rien pour contrecarrer une exclusion sans cesse plus précoce du monde du travail, dans une société où le jeunisme fait loi et le départ en retraite des baby-boomers apparaît à certains comme la solution mécanique au problème du chômage.

Une politique sportive digne de ce nom ? Rien d’autre qu’un annuaire Internet, une journée portes ouvertes et une promesse de soutien non chiffré aux fédérations sportives. C’est mince alors qu’il faudrait impulser une vraie politique de proximité d’installations sportives accessibles à tous, quelque chose de populaire. En France, les clubs de sport sont peuplés de quelques quinquagénaires triomphants : mais ce sont des clubs privés et coûteux. En Chine, dans chaque square ou jardin public, il y a des appareils de gymnastiques pour adultes. Ils n’ont pas la vidéo intégrée et sont moins chromés que ceux des clubs chics parisiens. Mais l’effet pour la santé est le même. Fabriqués en Chine, ils ne devraient pas coûter bien chers. Une autre occasion manquée, faute de réflexion politique.

Enfin la réflexion sur la nutrition est une timidité rare, à l’image du plan national nutrition santé. Une réflexion sur la santé durable par l’alimentation est indissociable de la politique agricole et de la place de l’industrie agroalimentaire. Nous sommes saturés de céréales et de mets préparés et ce ne sont pas quelques timides messages para-publicitaires sur le sucre et le gras qui pallieront le manque de production à coût raisonnable de fruits et de légumes. On a réussi à vider les distributeurs des écoles des barres chocolatées, à quand la suppression des croissanteries du RER qui vaporisent des parfums boulangers nous transformant en chien de Pavlov ?

Au crédit de ce plan « bien vieillir », c’est vrai, il y a des quelques propositions sanitaires, financées par d’autres plans (plan cancer, remboursement du dépistage de l’ostéoporose) ou par l’assurance maladie (les consultations médicales à 60ans et à 70 ans). Ce n’est pas inutile mais le modèle biomédical est insuffisant, là où au contraire une lecture globale du parcours de vie d’un individu s’imposerait pour la promotion d’un vieillissement heureux et réussi.

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