Dukan-Cohen : règlements de comptes chez les ténors des régimes

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 09/06/2011 Mis à jour le 10/03/2017
Le Dr Pierre Dukan a attaqué le 31 mai 2011 le Dr Jean-Michel Cohen en diffamationAu-delà du procès se joue une bataille pour le leadership sur le marché des régimesPourtant l’efficacité de ces deux régimes n'a toujours pas été établie scientifiquement

Le champ de bataille

Ils se livraient déjà une guerre en librairies. A ma droite, le Dr Jean-Michel Cohen, un médecin dont la carrière a véritablement été lancée en 2003 par une émission de télévision sur M6 et le livre « Au bonheur de maigrir ». A ma gauche, le Dr Pierre Dukan, médecin lui aussi, qui doit sa notoriété à un best-seller paru au début des années 2000, « Je ne sais pas maigrir » chez le même éditeur (Flammarion) ! Mais aujourd’hui les enjeux dépassent largement le seul cadre de la librairie, où le prolifique Pierre Dukan tient la corde. En 2007, Jean-Michel Cohen a adapté son régime pour Internet sous la forme d’un programme de coaching distribué par le site Aujourd’hui.com. Succès immédiat, avec chaque mois plusieurs milliers de nouveaux abonnés qui tentent de perdre leurs kilos en suivant les conseils du célèbre médecin. Dans le même temps, le Dr Cohen occupe le terrain médiatique : on le voit sur les plateaux télévisions, et pas seulement pour parler de régime. Moins chouchou des télés, le Dr Dukan réplique il y a quelques mois, non seulement en lançant son propre programme de coaching sur Internet, mais aussi une gamme d’aliments de régime et en se mettant en tête de faire maigrir l’Amérique, avec une insolente réussite (The Dukan Diet).

Le procès

Le 31 mai 2011, le Dr Dukan attaquait le Dr Cohen en diffamation devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour des propos tenus en juin 2010 dans Meilleure Santé, un magazine bimestriel. Questionné sur le régime Dukan, le Dr Cohen a estimé qu'il était « tout sauf nouveau », puisque existant depuis les années 1950 : « Le but est de consommer à outrance des acides gras saturés et des acides gras trans. Il s'agit d'une véritable déstructuration alimentaire qui entraîne de graves de problèmes de santé chez certains patients comme une forte hausse du cholestérol, des problèmes cardiovasculaires, des cancers du sein ». Interrogé ensuite sur ceux à qui cela profite, le nutritionniste répondait : «à l'industrie de la perte de poids, aux médecins, aux vendeurs de pilules, à l'édition, aux journaux… tout le monde surfe sur le fantasme du régime.» (sic) Le Dr Dukan lui réclame 15 000 euros de dommages et intérêts. «La critique est tout à fait acceptable, surtout entre médecins spécialistes. Mais là, le Dr Cohen a dépassé le stade de la simple critique», a déclaré Me Sébastien Dufay, avocat du Dr Dukan, à l'AFP. Dans Le Figaro, Jean-Michel Cohen persiste et signe. «Ce régime est vraiment déstructurant. Après, certains patients sont phobiques à l'idée de remanger, j'ai vu des filles devenir anorexiques. Et globalement on a ensuite plus de mal à faire remaigrir ces personnes.» Et d'ajouter : «Je suis loin d'être le seul nutritionniste à avoir évoqué publiquement les dangers de ce régime, mais il m'a attaqué moi, car je suis le plus connu.» Pour son avocat, Me Richard Malka, il n'y a pas diffamation puisque les propos portent sur un «service» et non une personne. Jugement le 5 juillet 2011.

Les deux régimes

Pour schématiser, le régime Cohen est un régime hypocalorique, pauvre en graisses, celui du Dr Dukan est protéiné, pauvre en graisses et en glucides. Ces régimes sont-ils efficaces ? Ils le sont assurément à court terme. A long terme, les régimes hypocaloriques type Cohen connaissent un taux d’échec important du fait d’une adaptation des dépenses métaboliques et de la difficulté à suivre ce type d’alimentation. Les régimes pauvres en graisses (toujours Cohen) semblent moins efficaces que les régimes pauvres en glucides ou qui contrôlent la qualité des glucides. La majorité des réunions de consensus entre scientifiques a d’ailleurs conclu depuis 20 ans que la seule réduction des graisses ne permet pas de maigrir durablement.

Le cas Dukan est un peu particulier, puisqu’il limite à la fois les graisses (stratégie vraisemblablement peu efficace) et les glucides (stratégie probablement efficace). Ce régime très protéiné permet certainement de maigrir rapidement, mais il n’a jamais été évalué dans des études contrôlées, ce qui ne permet pas de le juger objectivement. Seule une enquête a été menée du 18 mars au 23 mai derniers auprès de 4761 internautes dont 90% de femmes, par les sites de santé du groupe CCM Benchmark. Résultats : 48% des personnes ayant démarré un régime Dukan reprendraient leur poids d'origine au bout d'un an. Trois ans après l'arrêt du régime, 75% des répondants auraient repris leurs kilos superflus. 60% expliquent n'avoir pas suivi la dernière phase du régime, la stabilisation, tandis que 37% estiment le régime inadapté à leurs besoins. Malgré ces résultats, un tiers serait prêt à recommencer Dukan malgré tout. Cette enquête est tout sauf scientifique, mais elle suggère que le régime Dukan est difficile à suivre à long terme. Par ailleurs, certains s’émeuvent des conséquences pour la santé d’une alimentation carnée, pauvre en végétaux, pauvre en corps gras, pauvre en fibres.

L’avis de LaNutrition.fr. LaNutrition.fr conseille pour maigrir un régime modérément protéiné à protéiné (avec une bonne part de protéines végétales), riche en végétaux et en fibres, avec peu de glucides à index glycémique élevé et pas de restriction de graisses, seulement leur optimisation. Ce type de régime peut prendre plusieurs aspects, mais il est préférable de suivre des régimes qui ont fait l’objet d’études scientifiques concluantes : ce sont entre autres Le nouveau régime IG, où ne sont conservés que les féculents et farineux à index glycémique bas ou modéré, le régime paléolithique et ses déclinaisons low carb, très pauvres en féculents et farineux, le nouveau régime Atkins, qui représente une version moderne du régime paléolithique avec peu de féculents et farineux.

Références

Heymsfield SB, Harp JB, Reitman ML, Beetsch JW, Schoeller DA, Erondu N, Pietrobelli A. Why do obese patients not lose more weight when treated with low-calorie diets? A mechanistic perspective. Am J Clin Nutr. 2007 Feb;85(2):346-54. PubMed PMID: 17284728.

Hession M, Rolland C, Kulkarni U, Wise A, Broom J. Systematic review of randomized controlled trials of low-carbohydrate vs. low-fat/low-calorie diets in the management of obesity and its comorbidities. Obes Rev. 2009 Jan;10(1):36-50. Epub 2008 Aug 11. Review. PubMed PMID: 18700873.

A découvrir également

Back to top