La vengeance des mitochondries

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 27/08/2008 Mis à jour le 22/02/2017
L'essentiel de notre énergie provient des mitochondries, les descendantes de bactéries, capturées à l'aube des temps et mises en esclavage par nos cellules. Elles exercent depuis une sinistre vengeance, puisqu'elles seraient responsables du vieillissement.

En 1950, George Dunnet un chercheur de l'université d'Aberdeen, a posé une bague à un pétrel de l'île d'Eynhallow, au nord de l'Ecosse. La scène est immortalisée par une photo en noir et blanc : agenouillé sur l'herbe, le jeune scientifique, cheveux épais et noirs, tient tendrement l'oiseau auquel il vient de passer la bague à la patte. En 1976, Dunnet est retourné sur l'île. Nouvelle séance photo. Le pétrel n'a pas changé d'une plume. Mais on ne peut en dire autant du chercheur, visage empâté, front ridé, cheveux clairsemés et gris. En 1995, Dunnet a rendu une nouvelle visite à son oiseau favori. Sur la photo prise ce jour-là, c'est un vieux monsieur qui tend le bras à un pétrel placide et toujours aussi alerte !

Personne ne connaît précisément la durée de vie d'un tel oiseau. Mais sa courbe de survie donne le vertige : il a 97% de chances de vivre un an de plus, qu'il soit jeune ou vieux. En clair, le fait d'être plus vieux n'augmente pas sa probabilité de décès !

Pour percer le secret du pétrel, et peut-être bien celui du vieillissement, il faut faire un saut de trois milliards d'années dans le passé. A l'époque, seules certaines bactéries savaient fabriquer de l'énergie à partir de matière organique. Les ancêtres des cellules animales, moins douées, en ont honteusement profité. Au fil de l'évolution, elles ont avalé et réduit ces bactéries en esclavage. Leurs descendantes, qu'on appelle mitochondries, se nichent toujours dans nos cellules. Elles fournissent même 90% de l'énergie dont nous avons besoin ! Si leur rendement ne faiblissait pas, nous pourrions vivre plus de trois siècles. Mais ces organismes capturés à l'aube des temps, asservis par nos cellules et condamnés à nous fournir l'énergie dont nous avons besoin pour vivre, exercent à retardement une sinistre vengeance. Elles sont largement responsables du vieillissement humain.

Car, au fur et à mesure des années qui passent, les mitochondries s'usent. La fabrication d'énergie en présence d'oxygène génère de plus en plus de molécules réactives, les radicaux libres, qui abîment tous les constituants du vivant, y compris les mitochondries elles-mêmes. Elles produisent alors de moins en moins d'énergie, ce qui explique qu'on s'essouffle plus vite avec l'âge. De plus en plus nombreux, les radicaux libres vont percuter l'ensemble des molécules de l'organisme. Ils sont à l'origine d'une bonne centaine de maladies dont l'incidence augmente avec l'âge, parmi lesquelles les cancers, les maladies cardio-vasculaires ou la maladie d'Alzheimer. Les pétrels vieillissent lentement parce que l'évolution les a dotées de super-mitochondries, des centrales énergétiques quasi-inusables et étanches !

Comment fait-on pour vivre plus longtemps quand on n'a pas d'ailes et qu'on n'habite pas au large de l'Ecosse ? Le moyen le plus efficace pour se protéger des radicaux libres consiste à mettre ses mitochondries en vacances. Si vous mangez moins, la quantité de radicaux libres chute en proportion, les mitochondries s'en portent d'autant mieux. Mais quand les radicaux libres sont là, quand ils percutent 10 000 fois par jour l'ADN de nos cellules, il faut bien se défendre. Pour survivre au poison que constitue l'oxygène, les êtres vivants ont été très tôt contraints de développer des moyens de défense qui protègent leurs constituants.

La vitamine C, les caroténoïdes, la vitamine E, et d'autres substances comme le sélénium, la cystéine ou le magnésium qui protègent les organismes vivants de l'oxydation par les radicaux libres sont très logiquement appelés antioxydants. La recherche identifie peu à peu les aliments qui en sont riches, et ceux qui aident les mitochondries à fonctionner mieux, comme les poissons gras, riches en graisses du type oméga 3. Les chercheurs commencent aussi de mieux connaître les aliments qui à l'inverse accélèrent le vieillissement. Et là, surprise ! Des substances dont l'organisme a un besoin crucial, peuvent, dans certaines conditions, promouvoir la formation de radicaux libres ! C'est le cas du fer.

Equipés de mitochondries de luxe, le pétrel bagué des îles Orkney est loin de ces considérations alimentaires. Son vieil ami George Dunnet est mort en 1995. Mais grâce à Martyn Gorman, un chercheur qui a repris le flambeau, le monde scientifique continuera - combien de temps encore ? - de recevoir des nouvelles de l'oiseau qui ne vieillit pas.

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