Mark Sisson : «On peut vivre Paléo sans renoncer à une existence confortable.»

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 22/11/2012 Mis à jour le 10/03/2017

Rencontre avec Mark Sisson, auteur du best-seller américain Le Modèle Paléo (The Primal Blueprint) (EXTRAIT ICI >>).Plus qu’un régime, Le Modèle Paléo incite à manger, bouger, dormir et jouer comme nos ancêtres du paléolithique. Parce que nos gènes sont adaptés à ce mode de vie dont nous sommes éloignés depuis 10 000 ans.

La Nutrition.fr : Mark, comment résumeriez-vous votre livre en quelques mots ?

Mark Sisson : Nous avons en nous des gènes de chasseurs-cueilleurs qui ont été sélectionnés pour un certain type d’environnement : des aliments non transformés, de l’air pur, du soleil, peu de stress chronique, un bon réseau social. Recréez cet environnement et vos gènes vous donneront une excellente santé.

Pour cela, faut-il retourner à la vie des hommes des cavernes ?

Bien sûr que non. J’ai envie de prendre du plaisir, je n’ai pas envie de souffrir ou de subir des contraintes. J’ai conçu le Modèle Paléo pour continuer à vivre une existence confortable, presque hédoniste, au 21e siècle. J’ai regroupé les recherches de la génétique moderne et celles de la biologie évolutionnaire pour faire ressortir ce qui affecte vraiment les gènes et voir ce qu’il est possible de faire avec ça dans le confort de l’environnement du 21e siècle.

On n’a pas besoin de se vêtir de peaux de bêtes pour bénéficier du mode de vie auquel vous vous référez, c’est ce que vous voulez dire !

Absolument. Quand j’ai écrit Le Modèle Paléo, j’ai recherché dans la biologie moléculaire et la science de l’évolution les éléments qui peuvent affecter l’expression des gènes, et ensuite je me suis posé la question de ce qui était disponible dans le contexte de notre environnement moderne ; il s’agit de tirer des bénéfices de ce que nous avons sous la main. Si on peut manger de la viande d’animaux nourris à l’herbe, tant mieux. Si on ne parvient pas à se procurer assez d’acides gras oméga-3, qui sont parmi les bons acides gras alimentaires, ou qu’on avale trop d’oméga-6, on peut avoir intérêt à prendre un complément d’acides gras oméga-3. Nos ancêtres avalaient de la terre avec chaque bouchée de nourriture, ils ne lavaient pas les aliments, et c’est ainsi que les intestins ont été peuplés de bonnes bactéries. Nous lavons nos aliments ne serait-ce que pour éliminer une partie des pesticides, mais si on veut des intestins en bonne santé, nous avons besoin de ces bonnes bactéries et dans certains cas on peut avoir recours à un supplément de probiotiques ou même prendre un lait fermenté – seulement si on tolère les laitages. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut tirer parti de la technologie pour vivre mieux tout en se rapprochant du mode de vie de nos ancêtres. C’est pareil pour les exercices. J’ai cherché à mettre au point un programme d’exercices qui donnent le maximum de résultats pour le minimum d’efforts, de souffrances, de discipline et de sacrifices.

Dans Le Modèle Paléo, vous expliquez que vous avez longtemps suivi les préceptes de l'opinion majoritaire aussi bien en ce qui concerne votre entraînement de sportif de haut niveau que votre alimentation. Qu'est-ce qui vous a fait changer de voie ?

Tout a commencé par une blessure très sérieuse suite à un entraînement trop intensif. Je ne pouvais plus imaginer continuer à m'entraîner de cette façon : course en endurance (à pied, à vélo) pendant des heures chaque semaine. Cela m'est apparu comme l'antithèse même de la santé et de la forme. J'ai donc cherché d'autres moyens d’obtenir un corps musclé, mince, en pleine santé en fournissant moins d'efforts et de manière moins stressante. Cela m'a conduit à des recherches récentes sur les intervalles Tabata et de là, il n'y avait qu'un pas à faire pour se plonger dans la biologie de l'évolution. J'ai compris que nos ancêtres passaient la plus grande partie de leur temps à ne rien faire ou se livrer à une activité physique modérée. Les efforts intenses étaient sporadiques. Nos gènes s'attendent à ce que nous agissions comme des chasseurs-cueilleurs et si nous le faisons nous pouvons avoir un corps mince et puissamment musclé.

Concrètement quel type d'exercice préconisez-vous ?

Il n'est pas question de faire du sport comme si on allait à l'usine, en enchaînant les heures d'exercices quotidiens. Il n'est même pas nécessaire de faire du sport tous les jours. Il s'agit plus de trouver des moyens d’intercaler dans votre vie de longs moments de mouvements lents, simples et amusants (marche, randonnée à vélo, etc.) et une fois par semaine une séance de sprint de 20-25 minutes et deux séances hebdomadaires de musculation (soulever des poids lourds, faire des planches, des pompes, etc.). Combinés à l'alimentation paléo, ces exercices révéleront l'être mince, en bonne santé et musclé qui sommeille en chacun de nous.

Pouvez-vous donner un aperçu de ce qu'est le régime alimentaire idéal selon vous ?

Tout revient assez basiquement à envoyer à nos gènes le signal qu'ils attendent afin de nous aider à devenir l'être humain mince, fort, musclé, heureux, en pleine santé et productif que nous voulons tous être. Nous avons passé 2,5 millions d'années comme des chasseurs-cueilleurs à vivre de végétaux et d'animaux. Nous ne mangions pas de céréales, de laitages ni de sucres raffinés, ni de graisses hydrogénées, ni de sel, etc. Lorsque nous mangeons ça, c’est-à-dire des aliments apparus au néolithique il y a 10 000 ans, nous activons les "mauvais" gènes ce qui a pour conséquence d'entraîner une inflammation systémique du corps, de favoriser l'obésité et le diabète de type 2 ainsi que certains cancers. L'idée c'est de supprimer de notre alimentation les céréales, les sucres raffinés, les huiles riches en oméga-6 et de manger à la place tout ce que nous voulons dans une longue liste d'aliments savoureux et sains qui inclut la viande, le poisson, les œufs, les noix et les graines, les légumes et certains fruits.

Comment cela se passe-t-il une fois que l’on se convertit au Modèle Paléo ? Il vous arrive bien de faire des écarts de temps en temps ?

Je n’ai pas de fringales qui me pousseraient à courir au magasin le plus proche. Bien sûr, de temps en temps, si je suis avec des amis et que quelqu’un commande un dessert au chocolat, je vais y goûter. Je ne me fixe pas comme autrefois de ligne de conduite rigide d’éviter tout ce qui est sucré. En fait, quand on adopte le modèle Paléo, on s’aperçoit que les fringales pour le sucré diminuent. On réalise qu’on peut passer de plus en plus de temps sans manger, et sans ces envies de se réalimenter parce que le sucre sanguin aurait trop baissé. L’un des aspects les plus intéressants du programme, c’est qu’une fois que vous avez reprogrammé vos gènes pour utiliser les calories stockées dans vos cellules graisseuses, votre appétit diminue, votre glycémie se stabilise, votre niveau d’énergie se stabilise. Tout ceci est dû au fait que vous avez réduit votre dépendance vis-à-vis du sucre. Quand vous réduisez la dépendance au sucre et aux aliments qui amènent du glucose dans le sang même s’ils ne sont pas sucrés comme le pain blanc, vous réduisez aussi les fringales pour le sucré. C’est vrai que le cerveau humain est programmé pour rechercher les aliments sucrés parce que dans l’histoire de l’évolution, un aliment sucré avait peu de risque d’être toxique, et en plus il avait de grandes chances de nous apporter de l’énergie disponible rapidement et voilà pourquoi nos ancêtres pouvaient être attirés par le sucré. Mais à l’époque, les aliments sucrés n’étaient pas si fréquents et ce n’était pas un problème ; aujourd’hui qu’ils sont en abondance, il faut savoir que le cerveau continue de les rechercher. Mais le programme que je propose permet de diminuer ou de perdre totalement les fringales pour le sucré dans les trois premières semaines.

Notre expérience à LaNutrition.fr, c’est que même si les gens sont convaincus du bien fondé de revenir à un mode de vie simple et de bon sens, avec moins d’aliments raffinés, avec des index glycémiques bas, éventuellement moins de gluten et de laitages, ils ont quand même peur d’arrêter de compter les calories ou les grammes de graisses, de lâcher leur médicament contre le cholestérol, la pression artérielle. Avez-vous constaté la même chose avec Le Modèle Paléo ?

Oui, il arrive que l’on ait peur de lâcher ses habitudes parce que nous sommes tous conditionnés pour nous méfier des graisses ou parce qu’on se sent coupable de ne pas aligner des heures et des heures d’exercice ou de course à pied. Mais une fois que vous avez compris la science qui sous-tend mon message, pourquoi par exemple les graisses et le cholestérol ne sont pas les principaux responsables des maladies cardiovasculaires, pourquoi l’exercice ce n’est pas une question de calories brûlées, une fois que vous avez compris que vous pouvez littéralement reprogrammer vos gènes, alors en général vous abandonnez peu à peu leurs mauvaises habitudes. Parce que les résultats arrivent très vite : en une semaine ou deux on commence de perdre du poids, on se sent beaucoup mieux. En l’espace de trois semaines, on passe dans cette phase de transition où on brûle efficacement les graisses plutôt que les sucres. A ce moment, les gens se disent : « Je peux vraiment adopter ce mode de vie ! » Le Modèle Paléo n’a rien à voir avec ces programmes de coaching contraignants de 30, 60 ou 90 jours où vous vous demandez, une fois que c’est terminé, « Qu’est-ce que je vais faire maintenant ? » C’est un mode de vie que vous pouvez adopter avec l’idée que vous allez constater une amélioration dans quasiment tous les paramètres de la santé pendant les décennies à venir.

En quoi le Modèle Paléo est-il différent d’autres programmes de changements alimentaires ?

C’est un mode de vie complet, de sorte qu'il est plus facile à suivre puisque vous adoptez à la fois l'aspect exercice physique, l’aspect sociabilité et l'aspect alimentation. En plus, vous constatez rapidement qu’il n’y a pas beaucoup d’efforts à faire pour obtenir des résultats.  Si vous prenez les recommandations officielles sur le volume d’activité physique qu’il faudrait faire chaque semaine, c'est presque trop pour la plupart des gens. Et il se passe que lorsqu’ils suivent ces recommandations leur appétit augmente. Du coup, pour perdre du poids, ils font plus d'exercice, et parce que leur appétit continue d’augmenter, il leur est très difficile de diminuer les calories qu’ils avalent, ce qui est une autre recommandation officielle. C’est intenable à long terme, et c’est la raison pour laquelle dans beaucoup de cas, les gens reprennent le poids qu’ils ont perdu. La stratégie du Modèle Paléo, c’est de littéralement prendre le temps de reprogrammer ses gènes pour cesser d’être un brûleur de sucres et devenir un brûleur de graisse très efficace. Ainsi, on peut passer de longues périodes sans manger. Vous pouvez vous débarrasser des aliments indésirables : videz vos placards des biscuits et des granolas et des chips, débarrassez-vous de tout ça. Ensuite, assurez-vous que vous faites entrer chez vous le type d'aliments qui font fonctionner vos gènes et mangez quand vous le souhaitez. Ce que vous allez découvrir, c'est que vous aurez moins faim. Ce que vous allez découvrir, c'est que c'est facile. Au lieu d’avaler 2000 calories dans un repas copieux, vous pouvez faire un repas copieux avec 800 calories seulement.

Dans son livre Pourquoi on grossit, Gary Taubes raconte comment les politiques nutritionnelles restent influencées par des concepts du passé. Pensez-vous qu’avec des gens comme Taubes, avec l’émergence du courant Paléo, le discours nutritionnel peut évoluer ?

Je pense que se constitue aux Etats-Unis une masse critique d’individus qui veulent prendre en main leur propre santé. Mais la plupart des gens préfèrent laisser cette responsabilité à leur médecin ou à leur conjoint. En termes de santé publique, je ne vois pas le gouvernement soutenir un mode de vie tel que celui que je préconise avant longtemps. Ces gens-là ont passé 50 ans à peaufiner leur Pyramide alimentaire (l’équivalent du Programme national nutrition santé). On est de plus en plus nombreux à appeler ça la Pyramide des intérêts privés, à cause du lobby laitier, ou du lobby céréalier qui est à l’origine des recommandations visant à avaler 11 portions de céréales par jour dans le cadre d’une alimentation saine pour que près de 60% des calories viennent des glucides. Voilà le type de conseils dont le gouvernement et le ministère de l’agriculture ont accouché et ces conseils sont ridicules. Malgré tout, il s’agit de conseils officiels et c’est très difficile de changer des conseils de santé publique. Donc je ne crois pas que le gouvernement évoluera à court terme. Ce qui est vrai en revanche, c’est que notre discours porte auprès de ceux qui veulent prendre leur santé en mains. Il y a de plus en plus de médecins dans notre camp qui ont compris qu’en huit ans d’études, le peu qu’ils avaient appris sur la nutrition est totalement dépassé. Lorsqu’ils font un peu de recherches sur le Paléo, ils comprennent vite qu’il s’agit là d’un modèle idéal pour la santé de leurs patients. Je pense que c’est grâce aux initiatives individuelles, aux patients, aux médecins, à ceux qui veulent se prendre en mains, que ces idées nouvelles trouvent un soutien. Même si j’arrivais à convaincre un politicien du bien-fondé du Modèle Paléo, il en resterait des centaines coincés dans leur conception étriquée de la santé. Ils ne sont pas prêts à se renier.

Vous avez un style d’écriture direct et parfois même drôle sur un sujet qui pourrait être aride et technique. Vous avez travaillé cet aspect de l’écriture ?

Oui. J’ai toujours voulu attirer le plus grand nombre de lecteurs grâce à l’humour et même l’auto-dérision, mais toujours avec le souci de rester fidèle à la connaissance scientifique. Certains ont du mal à comprendre que c’est la science qui façonne ma vision des choses, mais si je ne suis pas capable de traduire ses conclusions pour le lecteur moyen, alors j’ai échoué dans ma mission et j’ai perdu ce lecteur.

A se procurer : Le Modèle Paléo de Mark Sisson (EXTRAIT ICI >>).

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