À Okinawa ou en Sardaigne, certains facteurs semblent améliorer l'espérance de vie : alimentation pauvre en viande, activité physique et interactions sociales.

Manger moins a des conséquences généralement positives sur l'organisme, qui peuvent être amplifiées par l'exercice.
Les études conduites chez l'animal montrent que la restriction calorique, le fait d'avaler moins de calories, se traduit généralement par une augmentation de la longévité et une baisse de l’incidence de maladies chroniques comme le cancer. Les chercheurs conduisent des études pour savoir si de tels effets existent chez l'homme. Voici les enseignements d'une étude récente.
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L'essai clinique CALERIE (Comprehensive Assessment of Long-term Effects of Reducing Intake of Energy) est la première étude contrôlée sur la restriction calorique chez l'homme en bonne santé. Elle a livré plusieurs enseignements, comparant dans certains cas les effets de la restriction calorique seule et ceux de la restriction calorique accompagnée d'exercice physique..
Pour les besoins d'une étude publiée en février 2022, les chercheurs ont d'abord établi l'apport calorique de base parmi plus de 200 participants. Les chercheurs ont ensuite demandé à une partie de ces participants de réduire leur apport calorique de 14 % tandis que les autres continuaient à manger comme d'habitude. Les effets de la restriction calorique sur la santé ont été évalués au cours des deux années qui ont suivi.
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Les chercheurs ont notamment examiné les effets sur l’inflammation et l’immunité. Le thymus est une glande qui se trouve dans le thorax ; c'est le siège de la production des lymphocytes T, un type de globule blanc du système immunitaire. Le thymus vieillit plus rapidement que les autres organes ; il se charge progressivement de graisse. Ainsi, vers l'âge de 40 ans, 70% du thymus n'est plus fonctionnel, ce qui signifie non seulement qu'il produit moins de lymphocytes T, mais que ces cellules sont moins efficaces pour combattre les infections. Mais les chercheurs ont découvert que le thymus des participants ayant un apport calorique restreint avaient moins de graisse et un plus grand volume fonctionnel après deux ans de restriction calorique, ce qui signifie qu'elles produisaient plus de lymphocytes T qu'au début de l'étude. Les volontaires qui ne restreignaient pas leurs calories n'ont en revanche connu aucun changement. "Le fait que cet organe puisse être rajeuni est, à mon avis, stupéfiant car il y a très peu de preuves que c'est le cas chez l'homme", commente le Dr Vishwa Deep Dixit, auteur principal de l'étude. "Que cela soit possible est très excitant."
Les chercheurs ont aussi examiné la graisse corporelle car elle est le siège d'un système immunitaire important. Il existe plusieurs types de cellules immunitaires dans les graisses qui, lorsqu'elles sont activées de manière aberrante, deviennent une source d'inflammation. "Nous avons trouvé des changements remarquables dans l'expression génique du tissu adipeux après un an qui se sont maintenus jusqu'à la deuxième année", dit le Dr Dixit. "Cela a révélé des cibles uniques imitant la restriction calorique qui peuvent améliorer la réponse métabolique et anti-inflammatoire chez l'homme."
Les chercheurs ont notamment identifié le gène PLA2G7 – qui code pour une enzyme, l’acétyl-hydrolase du facteur d'activation plaquettaire ou Lp-PLA2. Plusieurs travaux suggèrent que la Lp-PLA2 peut contribuer à l’athérosclérose et à certains cancers, comme celui de la prostate. C'est une enzyme produite par des cellules immunitaires appelées macrophages. Pour savoir si le gène PLA2G7 est à l’origine de certains des effets observés avec la restriction calorique, les chercheurs ont réduit l'expression de ce gène chez la souris : elle a produit des avantages similaires à ceux observés avec la restriction calorique chez l'homme. Plus précisément, les glandes thymus de ces souris étaient fonctionnelles plus longtemps, les souris étaient protégées de la prise de poids induite par l'alimentation et de l'inflammation liée à l'âge. La raison en est que le gène PLA2G7 cible un mécanisme spécifique d'inflammation appelé inflammasome NLRP3, qui est en cause dans de nombreux processus inflammatoires. La diminution de l'expression de PLA2G7 a protégé les souris âgées de l'inflammation. "Ces résultats démontrent que PLA2G7 est l'un des moteurs des effets de la restriction calorique, dit Dixit, ce qui peut nous indiquer des cibles potentielles susceptibles d'améliorer la fonction immunitaire, de réduire l'inflammation et même d'améliorer la durée de vie en bonne santé."
Dans une branche de l'étude CALERIE, les chercheurs ont recruté 36 volontaires qu'ils ont répartis en trois groupes (2). Les premiers ont reçu un apport calorique quotidien réduit de 25 %, les seconds ont reçu un apport calorique réduit de seulement 12,5 % mais ont dû en parallèle pratiquer une activité physique augmentant de 12,5% leurs dépenses. Le dernier groupe a servi de groupe témoin. Au terme de 6 mois de suivi la perte de poids s'est avérée similaire dans les deux groupes de volontaires qui ont vu leur poids corporel diminuer d'environ 10%.
Les chercheurs se sont attachés à suivre les marqueurs du risque cardiovasculaire chez les volontaires en restriction calorique seule et chez ceux qui pratiquaient une réduction moins sévère accompagnée d'exercice. Résultat : les volontaires des groupes restriction seule et restriction plus exercice ont présenté une baisse du taux des trglycérides, une diminution de la pression artérielle diastolique et une hausse du taux de "bon" cholestérol HDL. Les chercheurs estiment la baisse global du risque de survenue de maladie cardiovasculaire à 29 % pour le groupe restriction calorique et à 38 % pour le groupe restriction calorique plus sport.
Pour comparer les effets de la restriction calorique et de l'exercice physique sur l'oxydation de l'ADN (support du code génétique) et de l'ARN le docteur Luigi Fontana, spécialiste des travaux sur la restriction calorique et ses collègues ont recruté 18 hommes et femmes. (3) Les volontaires ont été répartis en deux groupes, les uns ont réduit leur apport en calorie de 20 %, les autres ayant augmenté leurs dépenses de 20% grâce à l'exercice. Le déficit énergétique était similaire dans les deux groupes de volontaires. Les chercheurs ont alors mesuré les dommages produits par le stress oxydant sur l'ADN et l'ARN. Résultat : pour l'ADN les dommages oxydatifs ont diminué de 48,5% pour le groupe restriction calorique et de 49,6% pour le groupe exercice physique. Même constat pour l'ARN : 35,7% de dommages en moins en restriction calorique et 52,1 % avec de l'activité physique. Les chercheurs en concluent que ces deux méthodes donnent des résultats similaires en termes de protection de l'ADN et de l'ARN.
Par ailleurs, les études chez l’animal ont trouvé que l’exercice physique a les mêmes effets bénéfiques sur la croissance des tumeurs et le risque de cancer que la restriction calorique.
La restriction calorique aux niveaux pratiqués dans CALERIE s'est avérée sûre et généralement bien tolérée. Elle n'a pas affecté de manière significative les taux circulants des facteurs de croissance en particulier l'IGF-1, un médiateur de l'hormone de croissance, impliqué dans plusieurs processus liés au vieillissement et à certains cancers. Cependant, la restriction calorique a augmenté significativement les taux circulants de protéines qui se lient à l'IGF-1, ce qui pourrait avoir des conséquences favorables sur le risque de cancer, mais aussi moins favorables sur les muscles et les os. De fait, les chercheurs ont relevé chez les volontaires une légère diminution de la densité minérale osseuse , mais pas au-delà des changements liés à la perte de poids constatée.
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