Dr Fabrice Kuhn : "Nous sommes faits pour être des athlètes endurants et musclés"

Par Priscille Tremblais - Journaliste scientifique Publié le 17/11/2015 Mis à jour le 22/11/2022
Point de vue

En se basant sur la recherche en anthropologie, Fabrice Kuhn, médecin et triathlète, a reconstitué le type d'efforts de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. Il en a fait un livre, Paléofit, un programme d'entraînement dont la nouvelle édition est parue le 17 novembre 2022.

Dans son livre-programme Paleofit, le Dr Fabrice Kuhn propose des exercices destinés à optimiser notre endurance et notre force, afin de nous donner la forme physique et la ligne d'un chasseur-cueilleur. 

LaNutrition.fr : Quelles sont les nouveautés dans la nouvelle édition de votre livre Paléofit ?

Fabrice Kuhn : Cette nouvelle édition a été un peu plus orientée vers les sports d’endurance. Cela correspond bien à l’esprit de Paléofit puisque l’endurance était l’activité prédominante des chasseurs-cueilleurs. Comme la version précédente, je me suis appuyé sur la science et j’ai inclus des études scientifiques toutes récentes qui m’ont permis de compléter Paléofit et de proposer de nouvelles séances d’entraînement basées sur ces publications.

Les études scientifiques confirment toutes que le respect de la polarisation de l’entraînement et l’association endurance, efforts à intensité élevé (HIT) et musculation est le mode d’activité physique le plus profitable à la santé et aux performances en endurance.

J’en ai profité pour éclaircir certains points abordés dans Paléofit, pour répondre à des questions qu’on me pose en conférence et pour proposer de nombreuses nouvelles séances d’entraînement (musculation et HIT). Cela fait une belle bibliothèque de séances de musculation et de séances HIT que vous pouvez adapter pour la marche nordique. Comme toujours, j’ai testé et approuvé toutes ces séances d’entraînement. Comme dans la version précédente, il y a plusieurs niveaux pour chaque séance afin que chacun puisse trouver quoi faire.

La course aurait joué un rôle important dans l’évolution humaine. Quelles spécificités biomécaniques du corps humain l’expliquent ?

La course d’endurance serait apparue avec le genre Homo (il y a environ 2,5 millions d’années). Selon les scientifiques, c’est parce que ce genre a connu des adaptations spécifiques. Au niveau locomoteur il s’agit par exemple de la longueur de nos tendons et de nos membres inférieurs qui nous permet, lors d’une course d’endurance, d’accélérer en allongeant la foulée plutôt qu’en augmentant la fréquence. Les quadrupèdes, eux, accélèrent en augmentant la fréquence. Autre exemple : nos orteils moins longs que ceux des autres primates rendent notre course moins énergivore et moins traumatisante. Vous trouverez dans le livre la liste détaillée de toutes ces adaptations qui suggèrent que notre appareil locomoteur est fait pour marcher mais aussi, et surtout, pour courir.

Vous dites que l’homme surpasse les animaux en course d’endurance, pourtant un cheval, un chien, peuvent courir longtemps et vite...

Pour ce qui est du sprint, nous, humains, sommes largement dominés par de nombreux mammifères plus rapides et plus habiles grâce à leurs quatre pattes. Sans compter que notre bipédie nous rend bien moins agiles que la plupart des mammifères qui sont quadrupèdes et limite notre capacité de changements brusques de direction. Mais s’il y a un domaine où nous sommes capables de rivaliser avec la plupart des mammifères et même de les surpasser, c’est la course en endurance. Les quelques animaux capables de course d’endurance (chiens, hyènes, chevaux, zèbres…) le sont grâce au trot ; le galop restant une allure qu’ils ne peuvent maintenir trop longtemps. Leur allure d’endurance est proche de celle des humains (11 km/h pour le poney, 18 km/h pour un gnou). La plupart des autres mammifères auraient une vitesse d’endurance proche de 10 km/h (vitesse ajustée à un poids de 65 kg proche de celui des humains) et une transition trot-galop autour de 13,5 km/h (vitesse ajustée aussi) inférieure à celle de la transition course d’endurance-sprint des humains. Nos ancêtres (et quelques tribus encore existantes) étaient capables de soutenir des efforts soutenus sur de longues distances, y compris en pleine chaleur.

Mais l'homme moderne est-il capable des mêmes efforts ?

Il est intéressant de noter que les centrales énergétiques de nos cellules, nos mitochondries, ont très peu évolué depuis 50 000 ans (les mitochondries produisent de l’énergie sous forme d’ATP à partir du glucose et des graisses). On peut donc supposer que nous sommes toujours aptes à fournir des efforts de même intensité que ceux de nos ancêtres. Nous sommes faits pour courir et nous le sommes depuis des centaines de milliers d’années ! Notre squelette est dédié à la marche et la course, notre métabolisme énergétique adapté aux efforts longs, notre régulation thermique et hydrique hors normes nous permet de nous exercer longtemps et sous la chaleur, nous sécrétons des substances endocannabinoïdes pour atténuer les douleurs et augmenter l’endurance.

En quoi les efforts physiques exercés par les chasseurs-cueilleurs ont-ils inspiré votre programme Paleofit ?

Lancés à la poursuite d'un animal qu'ils chassaient, nos ancêtres étaient fluides, élégants. Ils alternaient marche et course. D'ailleurs dans les études sur les derniers peuples de chasseurs-cueilleurs, les chercheurs rapportent des vitesses moyennes variant entre 4 et 10 km/h. À cette allure d’endurance, ils ne risquaient pas d'outrepasser leurs limites et préservaient leur glycogène pour une éventuelle situation périlleuse. Quelquefois, mais rarement, ils accéléraient. Et s’ils couraient au-delà de leur zone de confort, c'était pour sprinter carrément quand il faut finir la chasse ou bien pour échapper à un prédateur, très rarement pour courir à une allure intermédiaire, trop inconfortable. Zorg et ses compagnons polarisaient intuitivement leur course. Polariser signifie répartir ses efforts entre principalement 2 zones d’effort. Dans Paléofit, je propose de courir à allure modérée, ce qu'on appelle la zone 1, 80 % du temps d'entraînement, mais avec des pics d'intensité, ce qu'on appelle la zone 3 pour les 20 % de temps restants.

À quoi correspondent ces 3 zones ?

En zone 1, votre fréquence cardiaque est en-dessous de 85 % de la fréquence maximale (FCmax). En zone 2, vous êtes entre 85 et 90 % de la FCmax. En zone 3, au-dessus de 90 % de la FCmax. Aujourd'hui, on voit trop souvent des sportifs passer beaucoup de temps en zone 2, l'allure intermédiaire, mais les études montrent bien que le temps passé en zone 1 est la base de la performance en endurance.

Nos ancêtres n'étaient pas que des athlètes endurants. Ils étaient aussi robustes et musclés.

Ils enchaînaient des exercices de force quotidiennement : charrier des pierres, des carcasses d'animaux, se hisser dans les arbres... Voilà pourquoi Paleofit propose des exercices qui stimulent les muscles dans leurs fonctions naturelles, basés sur la musculation au poids de corps et la pliométrie, qui repose sur l'enchaînement dans un temps bref d'une contraction musculaire excentrique et d'une contraction concentrique. Ces méthodes font travailler en synergie les chaînes musculaires complètes. Et elles incluent des exercices de gainage dynamique.

Lire : Fabrice Kuhn : "La marche nordique permet d'exercer son endurance"

Faut-il adopter un régime paléo pour suivre le programme que vous avez conçu ?

Pas nécessairement. Le régime paléolithique, ou plutôt les régimes, puisqu’on a vu qu’il en existait de nombreux, ont cependant l'intérêt de limiter la sécrétion d’insuline en raison des quantités modérées de glucides ingérées et de leur index glycémique majoritairement bas. Il va favoriser l’utilisation des lipides plutôt que celle des glucides.

Pensez-vous réellement qu'un citadin peut se transformer physiquement et retrouver la forme physique et la musculature d'un chasseur-cueilleur ?

C'est évident. Nous en avons des exemples avec les Occidentaux qui ont vécu dans des tribus de chasseurs-cueilleurs. Leur transformation a été spectaculaire. Paleofit poursuit les mêmes objectifs, mais sans quitter son environnement, si ce n'est que j'encourage le lecteur à s'entraîner à l'extérieur le plus souvent possible, y compris pour la musculation et la pliométrie. 

À lire : Endurance : peut-on augmenter ses performances en jouant sur les apports en glucides ? (Abonné)

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