Siya Kolisi : « J’essaie d’être un exemple pour les autres. »

Par Thierry Souccar - Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 09/10/2023 Mis à jour le 09/10/2023
Point de vue

Siya Kolisi est le premier capitaine noir de l’histoire des Springboks, l’équipe de rugby d’Afrique du Sud qui affronte la France le 15 octobre. Il a conduit son équipe à la victoire lors de la Coupe du Monde 2019. Il raconte ce parcours exceptionnel dans Vaincre

Joueur charismatique mais humble, Siya Kolisi, né dans le quartier pauvre de Port Elizabeth, s'est extrait grâce au rugby d'une condition précaire pour conduire l'équipe d'Afrique du Sud au titre suprême en 2019. Désormais installé avec sa famille à Paris, le capitaine des Springboks, qui rejoindra le Racing 92 après la Coupe du monde, offre une véritable leçon de vie et de leadership dans Vaincre, son autobiographie préfacée par son ami Yannick Nyanga.

Siya, d’ou vient ta passion pour le rugby ?

Siya Kolisi : D'aussi loin que je me souvienne, le rugby a toujours occupé une grande place dans ma vie. Mon père et mes oncles pratiquaient ce sport. À l'âge de huit ans, j’ai commencé de pratiquer le rugby avec mes camarades de club à Zwide. C'est là que j'ai eu le coup de foudre pour ce sport. J'ai la chance de gagner ma vie en faisant ce que j'aime et en le faisant avec mes copains tous les jours.

Le livre commence avec ton enfance. Rien n’est simple dès le début.

J'ai grandi dans le township de Zwide, à Port Elizabeth, où j'ai été élevé par ma grand-mère parce que ma mère et mon père étaient trop jeunes pour s'occuper de moi.

Vivant dans le ghetto, nous avions du mal à nous en sortir. Nous n'avions pas les moyens de payer mon école et tous les frais qui en découlaient, mais j'allais à l'école tous les jours parce que c'était là que je recevais mon seul repas de la journée. Le soir, je rentrais dans notre maison de deux chambres où nous vivions à sept, je prenais les coussins du canapé et je dormais par terre pour la nuit.

On a le sentiment que le rugby a été plus qu’une passion : un moyen de quitter une condition précaire.

J'ai toujours aimé le rugby ; je m'entraînais tous les jours. Le rugby me tenait aussi à l'écart des mauvaises tentations. J'ai perdu beaucoup d'amis parce que pendant que je m'efforçais d'être le meilleur possible dans mon sport, ils devenaient la proie des luttes et des tentations du quartier.

Comment as-tu été repéré ?

À l'âge de 12 ans, j’ai joué avec l'équipe de mon école notre premier match de la saison, face à une école voisine qui avait un excellent entraîneur. Nous avons été battus de 50 points. Après le match, l'entraîneur adverse m'a abordé et m'a dit qu'il pensait que j'avais du talent. Il m'a invité à jouer pour son école. À partir de là, cet entraîneur m'a pris sous son aile, devenant une sorte de figure paternelle.

Il m'a emmené à ma première compétition provinciale, où j'ai joué en caleçon parce que je n'avais pas les moyens de m'acheter un short de rugby. Rapidement, je me suis retrouvé dans l'équipe provinciale et j'ai participé à des tournois pour pratiquer le sport que j'aimais par-dessus tout.

À quel âge es-tu devenu professionnel ?

En 2012, le week-end de mes 21 ans, j'ai joué mon premier match avec l'équipe nationale sud-africaine. J'ai eu la chance de participer à la Coupe du monde de rugby 2015, mais je n'ai joué que 30 minutes. Et puis, quatre ans plus tard, nous avons rapporté la Coupe en Afrique du Sud.

Comment se sont passé tes débuts en tant que capitaine ?

Mes trois premiers matchs en en 2018, après quelques années difficiles pour l'équipe, ont été horribles. Mais notre entraîneur, Rassie Erasmus, savait que j'aurais peur au début, ne serait-ce que parce qu’il était difficilement concevable de voir un noir donnant des consignes à des blancs. Il a créé un système de leadership partagé. Chaque joueur avait une responsabilité sur le terrain, donc je n'avais pas à m’exprimer sur tout.

Le livre montre tout ton respect pour Rassie.

Rassie a été le premier entraîneur à parler de transformation. Il a compris de quoi il s'agissait. Il a choisi des joueurs noirs qui étaient assez bons, mais il les a aussi formés aux postes nécessaires pour qu'ils soient bons.

Il a montré à notre pays à quel point la diversité est forte lorsqu'elle est utilisée correctement, lorsqu'on place les gens à des postes et qu'on les forme. On ne se contente pas de dire 'je vais transformer quelqu'un", de le lancer sur le terrain et d'espérer qu'il réussisse.

À quoi dois-tu ta place dans l’équipe ?

Rassie nous a dit : "J'ai choisi certains d'entre vous non pas parce que vous êtes les meilleurs, mais parce que vous êtes les bonnes personnes pour cette équipe, en raison des épreuves que vous avez traversées. Je sais que lorsque les choses deviendront difficiles sur le terrain, vous ne vous cacherez pas".

Quelle est ta philosophie du leadership ?

Elle est ancrée dans les leçons que j’ai apprises très tôt en matière de responsabilité. Je savais que je devais m'occuper de ma famille. J'ai appris ce qu'était la communauté. Les gens autour de nous nous ont toujours aidés.

Je n'ai pas d'ego du tout. Je pense que pour un leader, savoir ce que l'on ne sait pas est une preuve de force.

Lors de la finale de la Coupe du monde de 2019, tu es allé parler à l’oreille d’un des joueurs qui venait de faire une grosse erreur. Que lui as-tu dit ?

Je lui ai simplement dit de ne pas paniquer, que nous sommes tous bons, et que nous allions aller de l’avant.

Comment oublier la pression, quand on aborde un événement majeur comme la Coupe du Monde de rugby ?

Dans notre pays, les gens ne veulent pas qu’on baisse les bras. Ils ne le pardonneraient pas, parce que nous venons d’une nation qui fait face à des circonstances plus ardues qu’un simple match de rugby.

Aujourd'hui, en tant que capitaine des Springboks, je ne pourrais pas être plus honoré et excité de représenter mon pays à la Coupe du monde. Je sais que j'ai été choisi pour être capitaine de cette équipe - le poste le plus élevé que l'on puisse atteindre dans ce sport - pour la personne que je suis. C'est pourquoi j'essaie de rester fidèle à ce que je suis, de ne pas me laisser perturber par les petites choses. J'essaie d'être un bon exemple pour les autres lorsque je joue.

Quelle est ta philosophie de la vie ?

Ma grand-mère m'a toujours appris à être heureux dans les situations difficiles. On m'a appris à voir le positif dans la vie, sans pour autant être aveugle à ce qui se passe dans notre pays. Je me contente de parler de mes expériences, car il n'est pas possible de mentir.

Si tu pouvais inviter trois personnes, mortes ou vivantes, à dîner, qui seraient-elles et pourquoi ?

Mandela, parce qu'il est le père de notre nation. Roger Federer, parce que j'aime sa façon de se comporter. Et Ronaldo, parce que c'est mon footballeur préféré.

Quelle est la plus grande peur que tu aies dû surmonter pour en arriver là où tu es aujourd'hui ?

La peur de l'échec et la peur de ne pas pouvoir rester au sommet une fois que j'y suis arrivé.

Quelle est la chose que tu aimerais réaliser avant de mourir ?

Mettre en place de bonnes fondations pour ma famille - ce serait l'héritage que je leur laisserais.

Interview réalisée à partir de plusieurs entretiens.

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