Lait et cancer de la prostate : le mécanisme décrypté

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 02/05/2017 Mis à jour le 05/05/2017
Actualité
L’IGF-I, un facteur de croissance stimulé par la consommation de lait, expliquerait le risque de cancer de la prostate plus élevé quand on en consomme beaucoup.

Le cancer de la prostate est le deuxième cancer le plus fréquent chez les hommes, avec près d’un million de nouveaux cas chaque année dans le monde, soit 14% des cas de cancer. L’incidence est 70 fois plus élevée en Europe du Nord, Amérique du Nord, Australie, Nouvelle-Zélande où l’on consomme de grandes quantités de produits laitiers, par rapport à certaines régions d’Asie et d’Afrique où l’on n’en consomme pas ou peu.

Lait et cancer de la prostate

De fait, les études de cohorte ont rapporté un lien entre la consommation de produits laitiers et le risque de cancer de la prostate. Par exemple, selon une méta-analyse de 32 études, la consommation de produits laitiers dans leur ensemble est liée à un risque de cancer augmenté de 7% pour chaque portion de 400 grammes par jour. Pour 200 grammes de lait, l’augmentation est de 3%, et 6% pour le lait écrémé ou demi-écrémé. Pour le fromage, le risque augmenterait de 9% par portion quotidienne de 50 grammes. Ces études chez l'homme sont soutenues par des travaux expérimentaux : ainsi, le lait stimule la croissance de cellules cancéreuses de la prostate. (1)

Mais comment expliquer que les produits laitiers puissent initier ou favoriser la progression de ce cancer ? Plusieurs hypothèses ont déjà été émises. En premier lieu, l’augmentation des apports en calcium avec la consommation de lait pourrait supprimer la conversion de la vitamine D 25(OH) en un métabolite qui a des effets antiprolifératifs sur les cellules de cancer de la prostate. Une autre hypothèse est que le lait est une source d’œstrogènes (hormones femelles) qui sont associés au cancer de la prostate. Enfin, la dernière hypothèse passe par la voie de signalisation de l’IGF (insulin-like growth factor ou facteur de croissance ressemblant à l'insuline).

D’après une revue systématique d’articles et une méta-analyse conduites sous l'égide du Fonds mondial de recherche sur le cancer (WCRF), qui paraît dans Cancer Causes & Control, les produits laitiers favoriseraient le cancer de la prostate en agissant effectivement sur la voie des IGFs.

Les IGF

L’IGF-1 est un facteur de croissance. Il stimule le développement des tissus. Nous avons besoin d'IGF-1 mais des taux trop élevés ou trop bas peuvent être problématiques. L'IGF-1 est notamment impliqué dans la croissance des enfants. Le niveau d’IGF-1 est modulé par l’alimentation, et notamment la consommation de certaines protéines comme les protéines laitières : la consommation de lait s'accompagne d'une élévation de l'IGF-1 dans le plasma. On ne sait pas très bien si cette augmentation est due à la présence d'IGF-1 dans le lait de vache, ou au fait que les protéines laitières (caséines, petit-lait) stimulent sa synthèse une fois ingérées - cette dernière hypothèse a la faveur des chercheurs.

En tant que facteur de croissance, l’IGF-1 paraît impliqué dans certains cancers. En effet, les voies de signalisation qui utilisent l’IGF influencent la prolifération des cellules tumorales, leur survie, leur potentiel invasif et les métastases. Plusieurs traitements du cancer visent d’ailleurs à inhiber les réseaux de signalisation cellulaire qui utilisent l’IGF. Des études ont trouvé que des taux élevés d’IGF-1 sont associés à un risque accru de mortalité par cancer, mais d’autres n’ayant pas confirmé cette association, on estime en général que l’IGF-1 joue un rôle modéré dans la cancérogénèse. A noter que des taux d'IGF-1 trop bas ont eux aussi été associés à un risque plus élevé de mortalité par cancer.

La majorité de l’IGF-1 circulant est lié à des protéines (il y en a 6 identifiées : IGFBP-1 à IGFBP-6). Cependant on considère que l’IGFBP-3 est la plus importante pour moduler l’activité biologique de l’IGF-1 car il s'agit d'une protéine qui se lie à l'IGF-1 et peut donc l'empêcher d'exercer ses effets. Une petite partie de l’IGF-1 circule sous forme libre, et c’est cette forme qui a les effets biologiques les plus importants. 

L'étude

L’objectif de ces travaux de l’université de Bristol au Royaume-Uni était de savoir si l’association entre lait et cancer de la prostate agissait par la voie des IGF. 172 études ont été inclues : 31 examinaient le lien entre le lait et les IGF, 132 le lien entre les IGF et le cancer de la prostate chez l’homme et 10 études sur le lien entre IGF et cancer de la prostate chez l’animal.

Résultats : il y a des preuves modérées indiquant que les concentrations d’IGF-I et IGFBP-3 dans le sang augmentent avec la consommation de lait et de produits laitiers. De même, il y a des preuves modérées que le risque de cancer de la prostate augmente avec l’IGF-I et diminue avec l’IGFBP-3.

Les données publiées, écrivent ces chercheurs, soutiennent donc "l'hypothèse selon laquelle une consommation plus élevée de lait peut augmenter les taux d'IGF-1, qui à son tour peut augmenter le risque de cancer de la prostate." 

Sources

(1) Tate PL, Bibb R, Larcom LL. Milk stimulates growth of prostate cancer cells in culture. Nutr Cancer. 2011 Nov;63(8):1361-6.

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