L'effet placebo : quand l'espoir guérit

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 21/08/2023 Mis à jour le 21/08/2023
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Vous prenez un faux médicament et vous êtes guéri : voici ce qu'est l'effet placebo. Quels sont ses mécanismes ? De quelles données chiffrées disposons-nous sur ce phénomène ?

C'est quoi le mot placebo ?

Selon le dictionnaire Larousse, le placebo est une "préparation dépourvue de tout principe actif, utilisée à la place d'un médicament pour son effet psychologique, dit effet placebo".  Le placebo contient des substances inertes, normalement dépourvues d’action pharmacologique. Il est utilisé dans les essais cliniques pour tester l’efficacité d’une substance active, par comparaison. 

D'après deux chercheurs de la Harvard Medical School, l'effet placebo existerait dans la majorité des maladies, 60 à 90 % d'entre elles : troubles musculo-squelettiques, respiratoires, cardiaques, dermatologiques, gastro-intestinaux, nerveux... C'est pourquoi un grand nombre de publications en font état.

Les conséquences pour les études scientifiques

L'existence de l'effet placebo a des conséquences pour la recherche clinique. Prenons l'exemple d'un médicament contre la douleur qui voudrait être testé par des chercheurs. Supposons qu'un patient prenne ce médicament et se sente mieux. Tant mieux pour lui ! Mais quel est le mécanisme de cette guérison : est-ce dû à l'effet thérapeutique des molécules présentes dans le médicament ou à l’effet psychologique de la prise d’un traitement anti-douleur ?

Pour savoir si un médicament possède un effet thérapeutique, dans essai clinique contre placebo, un groupe de volontaires prend une pilule dépourvue d’effet, alors qu’un groupe comparable prend la substance active. En comparant les résultats dans les deux groupes de patients, les chercheurs peuvent savoir si le traitement médicamenteux est supérieur au placebo, car même « avec du rien » pris comme médicament, des personnes arrivent à être soulagées de leur douleur… Dans une étude en double aveugle, ni le patient ni le médecin qui donne le traitement ne savent si le patient prend le médicament testé ou le placebo.

Le contraire du placebo : le nocebo

L'effet nocebo décrit l'inverse de l'effet placebo : dans ce cas, le "faux médicament" a un effet indésirable, non souhaitable. Les effets placebo et nocebo sont tous les deux des phénomènes psychobiologiques qui découlent du contexte thérapeutique : les attentes du patient vis-à-vis du traitement, son expérience antérieure, la communication verbale et non verbale de la personne qui administre le traitement...

Par exemple, si le patient a un a priori négatif sur le médicament, ou si le médecin qui le délivre fait une remarque qui suggère des effets négatifs, il est possible que le "faux médicament" aggrave les symptômes.

Des exemples d'effet placebo en médecine

Effet placebo et évaluation de médicaments antidépresseurs

L'intensité de l'effet placebo varie en fonction des études et des pathologies. Il est assez élevé dans les essais cliniques qui évaluent l'efficacité des antidépresseurs. D'après l'analyse des données de 252 essais contrôlés qui ont évalué l'effet de médicaments antidépresseurs contre placebo, le taux de réponse au placebo est de l'ordre de 35 à 40 %. Dans cette étude paue en 2016 dans Lancet Psychiatry, les auteurs signalent que "les taux moyens de réponse au placebo dans les essais sur les antidépresseurs sont stables depuis plus de 25 ans."

Effet placebo et douleur

L'effet placebo existe pour des médicaments anti-douleur, et il est particulièrement étudié dans ce domaine où les scientifiques tentent de comprendre, grâce à l'imagerie cérébrale, ce qui se passe au niveau du cerveau. 

En 2021, des chercheurs ont publié une méta-analyse de 20 études, regroupant 603 personnes. Dans ces études, les participants disaient ressentir moins de douleur, preuve de l'effet analgésique du placebo. Les chercheurs ont voulu savoir comment le cerveau répondait au placebo, par exemple s’il modifiait la façon dont l’individu élabore la sensation de douleur ou sa manière de supporter la douleur.

La  survenue de la douleur implique l'activation de plusieurs zones cérébrales à la fois : certaines traitent des informations corporelles et d’autres sont impliquées dans la motivation et la prise de décision. Les chercheurs ont réussi à localiser l’effet placebo dans certaines zones du cerveau, au niveau du thalamus et des ganglions de la base. Le thalamus est une porte d’entrée pour des signaux sensoriels et moteurs. Il comprend différents noyaux qui traitent des informations sensorielles.

Les résultats montrent que les régions du thalamus les plus impliquées dans la sensation de douleur sont affectées par le placebo. Des modifications de l'activité cérébrale ont été notées dans d’autres zones, avec le placebo :

  • des zones du cortex somatosensoriel impliquées dans la signalisation précoce de la douleur, dont le cortex insulaire : le placebo réduit l’activité de cette zone impliquée dans la construction de la douleur. La voie ascendante de la douleur va des zones du thalamus vers celles du cortex insulaire ;
  • des ganglions de la base importants pour la motivation et pour relier la douleur et d’autres expériences à une action. Le placebo semble modifier des circuits importants pour la motivation.

D’autres travaux ont montré que le cortex préfrontal est activé lors d’un effet placebo car il anticipe la douleur. Le cortex préfrontal sert à entretenir la croyance que la douleur existe. Quand il est activé, des voies déclenchent la libération d'opioïdes dans le mésencéphale qui peuvent bloquer la douleur et des voies qui peuvent modifier la signalisation et la construction de la douleur. Le cortex préfrontal est le siège des activités cognitives supérieures.

Effet placebo et maladie de Parkinson

Dans son livre Les 3 émotions qui guérissent, Emmanuel Duquoc, coach en cohérence cardiaque, décrit des expériences réalisées par Raul de la Fuente, professeur de neurologie à l’université de Colombie-Britannique : "Il avait constitué deux groupes de volontaires atteints de la maladie de Parkinson. À l’un, il avait prescrit du sérum physiologique, à l’autre de la dopamine, un neurotransmetteur qui fait défaut dans cette maladie. Puis il observa ce qui se passait dans les cerveaux des deux groupes de patients grâce à la tomographie par émission de positrons (TEP). Surprise dans le groupe placebo : non seulement l’état des malades s’améliora mais le professeur et son équipe constatèrent que les cerveaux s’étaient mis à sécréter de la dopamine. Leur soulagement n’était donc pas imaginaire. Il correspondait à une modification mesurable de leur biochimie cérébrale. L’espoir avait enclenché un véritable processus de guérison."

Par conséquent, le placebo, dans la maladie de Parkinson comme dans le cas de la douleur, semble agir sur le fonctionnement du cerveau, comme le montrent les expériences d'imagerie cérébrale. "Autrement dit, la foi, l’espoir ou la confiance dans la guérison guérissent réellement."

La foi, l’espoir ou la confiance dans la guérison guérissent réellement

Effet placebo et fatigue liée au cancer

En 2018, des chercheurs de l'université de l'Alabama à Birmingham aux États-Unis ont publié une étude sur l'effet d'un placebo contre la fatigue chez des patients ayant eu un cancer. 74 personnes souffrant de fatigue ont participé. Pendant trois semaines, certains ont eu une pilule étiquetée comme placebo, et les autres leur traitement habituel. Puis, les personnes prenant les pilules placebo ont cessé de les prendre, tandis que les autres avaient la possibilité de prendre les pilules placebo pendant trois semaines. Donc, quand ils prenaient un placebo, les patients savaient très bien que c'était un "faux médicament".

Résultat :  le placebo, bien qu'il soit étiqueté comme tel, avait quand même un effet ! Après trois semaines, le groupe placebo a signalé une amélioration des symptômes par rapport à ceux recevant le traitement habituel. Et les personnes recevant leur traitement habituel qui ont décidé de prendre le placebo pendant trois semaines ont également signalé une amélioration de leurs symptômes de fatigue après trois semaines...

L’effet placebo fonctionne donc même lorsque l’on prévenait les personnes concernées de l’absence de produit actif ! Conclusion d'Emmanuel Duquoc : "C’est que la confiance soulage."

Explication : pourquoi l'effet placebo fonctionne-t-il ?

Psychologie : comment expliquer l'effet placebo ?

L'effet placebo dépend du contexte dans lequel est délivré le médicament : les attentes du patient et les informations délivrées par le professionnel de santé. La qualité de la relation entre le médecin et son patient, la confiance ou la défiance qui existe entre eux, aurait son importance dans la réponse comportementale et organique, chez le patient.

Le grand pouvoir de l’esprit à modifier le fonctionnement du corps

Dans Le meilleur anti-douleur c'est votre cerveau, le Pr John Sarno explique : "Si quelqu’un croit qu’un traitement est efficace alors qu’en réalité il n’a aucun effet réel, comme un comprimé de sucre, cela peut aboutir au soulagement des symptômes et même à la guérison. L’effet repose sur une confiance aveugle et n’est malheureusement que provisoire. Rapidement, les symptômes réapparaissent. C’est pourquoi les nombreux traitements contre une douleur au dos, dont la kinésithérapie, les antalgiques et la chirurgie, finissent toujours par échouer. L’amélioration temporaire s’explique par l’effet placebo — que je surnomme le « formidable placebo » parce qu’il démontre le grand pouvoir de l’esprit à modifier le fonctionnement du corps. Des placebos ont ainsi inversé provisoirement l’évolution d’un cancer."

L'étiquetage du médicament semble jouer un rôle dans ce phénomène, comme l'a montré une étude sur des patients souffrant de migraine. Les participants ont pris une pilule lors de 6 épisodes de migraines : soit un placebo, soit un médicament appelé Maxalt. Mais l'étiquetage des médicaments était variable : soit placebo, soit Maxalt, soit neutre. Globalement le médicament était plus efficace que le placebo, mais l'étiquetage avait son importance. "L'efficacité de Maxalt mal étiqueté comme placebo n'était pas significativement différente de l'efficacité du placebo mal étiqueté comme Maxalt", affirment les auteurs. Dans ce cas, il n'y avait pas de différence significative entre un faux médicament étiqueté comme étant le médicament et un vrai médicament étant étiqueté comme étant un placebo !

Comment fonctionne l'effet nocebo ?

"Les mots sont l'outil le plus puissant dont dispose un médecin, mais les mots, comme une épée à double tranchant, peuvent aussi bien mutiler que guérir," affirmait le professeur de cardiologie Bernard Lown, 

L'effet nocebo est induit par les attentes négatives du patient et/ou par des suggestions négatives du personnel médical. Par exemple, un patient qui se fait vacciner alors qu'il craint les effets négatifs du vaccin peut développer un effet nocebo. De même, si le médecin ou l'infirmier qui administre un traitement évoque d'emblée des effets indésirables possibles, cela peut influencer le psychisme du patient et augmenter le risque d'effets secondaires non-souhaitables.

L'existence de ce phénomène impose aux médecins de veiller à une bonne communication avec leurs patients. D'après trois chercheurs allemands qui ont publié un article sur l'effet nocebo, "Les médecins sont confrontés à un dilemme éthique, car ils sont tenus non seulement d'informer les patients des complications potentielles du traitement, mais aussi de minimiser la probabilité de ces complications.Comment faire alors ? Les auteurs conseillent aux médecins de souligner le fait que le traitement proposé est généralement bien toléré, ou bien d'obtenir la permission du patient de l'informer seulement en partie de ses éventuels effets secondaires.

L'effet placebo chez les animaux

L'effet placebo a longtempts été négligé dans l'expérimentation animale. Pourtant des études montrent qu'il existe aussi.

Ainsi, dans la littérature scientifique, on trouve une étude sur un médicament contre l'épilepsie chez le chien qui a mis en évidence un effet placebo : sur 28 chiens qui ont reçu un placebo, il y a eu 22 animaux qui ont une réduction de la fréquence des crises. Les auteurs en ont conclu que la médecine vétérinaire devait prendre en compte plus souvent cet effet placebo dans ses évaluations de médicaments, exactement comme le fait la médecine humaine.

L'effet placebo pourrait être biaisé par le comportement des propriétaires, et leur espoir d'amélioration des symptômes chez leur animal. "Dans les études vétérinaires, la réponse au placebo peut être due aux effets sur l'animal, mais peut être le résultat des attentes du propriétaire de l'animal concernant le traitement," expliquent les auteurs. "Il est probable que les attentes du propriétaire jouent un rôle plus important dans une étude comme celle-ci, où les propriétaires sont responsables de l'administration du traitement et les mesures des résultats (c'est-à-dire la fréquence des crises) sont dérivées uniquement des observations du propriétaire."

Chez des chats, un effet placebo élevé a été montré dans le cas d'analgésiques délivrés par un soignant. Mais là aussi, la mesure de la douleur chez le chat est difficile et forcément subjective, liée aux observations du vétérinaire ou du propriétaire.

Placebo et médecines alternatives

D'après le Pr John Sarno, auteur de Le meilleur anti-douleur c'est votre cerveau "L’efficacité de la plupart des traitements alternatifs tient à l’effet placebo. Si l’action d’un placebo n’existait pas, il n’y aurait pas autant de méthodes thérapeutiques. Elles constituent une aide potentielle, mais ne guérissent pas, car l’effet placebo est quasiment toujours temporaire."

Effet placebo et homéopathie

La question de l'efficacité de l'homéopathie fait débat dans l'opinion publique. Pour les scientifiques, les mécanismes expliquant qu'un traitement homéopathique fonctionne relèvent de l'effet placebo. Les granulés d'homéopathie utilisent de très hautes dilutions, tellement hautes que le principe actif disparaît au bout d'un certain nombre de dilution, si bien que le traitement homéopathique s'apparente chimiquement à un placebo.

Des chercheurs suisses, de l'université de Berne, ont publié un article à ce sujet dans la revue The Lancet. Ils ont comparé les données de 110 études sur des traitements homéopthiques à celles de 110 études comparables sur des traitements conventionnels (pour les mêmes pathologies). Quel que soit le type d'études, les essais de plus petite taille et ceux de moindre qualité montraient des effets plus bénéfiques que les essais de plus grande taille et de meilleure qualité : des biais existaient aussi bien dans les essais contrôlés contre placebo portant sur l'homéopathie et que sur la médecine conventionnelle. "Lorsque ces biais ont été pris en compte dans l'analyse, il y avait des preuves faibles d'un effet spécifique des remèdes homéopathiques, mais des preuves solides des effets spécifiques des interventions conventionnelles. Cette constatation est compatible avec l'idée que les effets cliniques de l'homéopathie sont des effets placebo."

En conclusion, l'effet placebo est bien réel et repose sur la foi, la confiance, que le patient a envers le traitement dont il est persuadé qu'il va le guérir. Cette réalité ouvre de nombreuses perspectives quant à l'impact de la volonté sur le corps humain et montre l'importance de la relation de confiance qui doit exister entre le médecin et le patient pour l'accompagner dans sa guérison.

Des livres pour aller plus loin : Les 3 émotions qui guérissent, Le meilleur anti-douleur c'est votre cerveau et Émotions, souffrances, délivrance

Lire un extrait de Le meilleur anti-douleur c'est votre cerveau : EXTRAIT>>>

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