Les secrets d'un sommeil réparateur

Par Sarah Amiri - Diététicienne et journaliste scientifique Publié le 26/11/2020 Mis à jour le 26/11/2020
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Les vertus réparatrices du sommeil sont enfin expliquées par la découverte du système glymphatique dont le rôle est de nettoyer le cerveau de ses toxines.

Découvert en 2012, le système glymphatique est associé au système lymphatique dont il partage une partie du nom car leurs rôles sont assez similaires. En effet, il est également constitué d’un liquide responsable du nettoyage du cerveau. Sa particularité ? Son activité s’effectue durant le sommeil. Lors des périodes d’éveil, il y a une baisse de 90 % de son activité, ce qui vient expliquer pourquoi on retrouve un esprit clair après une bonne nuit de sommeil.

Comment fonctionne ce système ?

Tous les organes ont besoin d’énergie pour fonctionner. L’utilisation de l’énergie entraîne la production de déchets métaboliques qui doivent être évacués. Dans le corps, c’est le système lymphatique, et son liquide, la lymphe, qui est en charge du nettoyage.

Le cerveau est l’un des organes les plus énergivores, mais jusqu’en 2012 les scientifiques ignoraient comment il se débarrassait de ses déchets. C’est une équipe de l’université de Rochester aux Etats-Unis qui a observé pour la première fois le phénomène chez la souris.

Le système glymphatique doit son nom d’une part aux similarités qu’il entretient avec le système lymphatique et d’autre part aux cellules gliales, notamment les astrocytes, qui opèrent le nettoyage.

Le liquide cérébro-spinal ou céphalo-rachidien (LCR) est produit dans le cerveau à hauteur de 500 mL par jour. Il se balade dans l’espace péri-artériel, son mouvement étant facilité par les canaux d'eau appelés aquaporine 4 (AQP4) situés sur les astrocytes, qui enveloppent le système vasculaire sanguin. Ces canaux facilitent son entrée dans l'espace où se trouvent les neurones. Là, il se mélange au liquide interstitiel contenant les déchets métaboliques du cerveau, parmi lesquels les cellules bêta-amyloïde que l'on trouve en grande quantité chez les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Le liquide chargé de déchets est ensuite évacué par le système veineux jusqu’au foie (l'organe chargé de la gestion des déchets de l’organisme). Le LCR est propulsé dans le cerveau grâce aux pulsations intracrâniennes en lien avec la pression sanguine et le rythme cardiaque. Les ondes cérébrales influencent aussi l’activité du système glymphatique.

Dans Supernutrition du cerveau, Max Lugavere décrit ce système comme un organe à part entière. « Les canaux du système glymphatique se greffent sur le système de drainage des artères qui alimentent le cerveau. Le système glymphatique s’approprie de manière sobre et élégante le réseau artériel et, fort des pleins pouvoirs dont il jouit sur le cerveau pendant le sommeil, il augmente de 60 % la capacité des canaux alors que les neurones se contractent pour laisser place au liquide de nettoyage. Pour couronner le tout, il réquisitionne les pulsations artérielles pour faire progresser le fluide dans le système. »

C’est durant la phase N3 du sommeil (lire encadré), phase où l’activité des ondes cérébrales est faible, que ce système est le plus efficace. Cette phase n’est pas uniformément répartie durant la nuit et elle représente entre 10 et 25 % (selon les nuits et selon l’âge) du temps de sommeil total. Elle est plus active durant la première partie du temps de repos.

Pour aller plus loin, lire : Les secrets de l’horloge biologique

Les phases du sommeil
Nos fonctions biologiques suivent un rythme d’environ 24 heures. C’est le cycle jour/nuit, ou cycle circadien pour les intimes. L’alternance d’états de veille et de sommeil est un des rythmes circadiens.
Une nuit normale est ensuite elle-même divisée en cycles de sommeil successifs, 3 à 6 en général. Chacun des cycles dure environ 1h30 et passe par deux phases de sommeil : lent et paradoxal.
Le sommeil lent
•    La première phase du sommeil (N1) dure quelques minutes, c’est un moment de somnolence qui fait la transition entre l’état éveillé et le sommeil.
•    La deuxième phase (N2) représente la plus grande partie de la nuit.
•    La troisième phase (N3) est la phase de sommeil la plus profonde et la plus réparatrice.
Le sommeil paradoxal
Le sommeil paradoxal apparaît après les trois phases du sommeil lent. C’est une phase d’activité cérébrale intense (quasiment égale à celle de l’état éveillé, à la seule différence que le corps reste inerte). C’est lors de cette phase qui représente environ 20 % de la durée totale du sommeil qu’apparaissent les rêves. Le sommeil varie considérablement au cours de la vie. La quantité de sommeil à ondes lentes, qui atteint son maximum à la puberté, diminue ensuite avec l'âge. L'origine de la diminution du sommeil à ondes lentes est encore inconnue.

Une opportunité pour les maladies neurodégénératives ?

Une réduction de 80 à 90 % de l'activité glymphatique a été observée chez les souris âgées. En cause : une diminution de l'expression et une mauvaise localisation de l'AQP4 ainsi qu’une réduction des pulsations artérielles (avec l'âge, les respirations sont moins profondes pendant le sommeil ce qui diminue la pression intracrânienne). Ces altérations ont diminué de 40 % l’évacuation des protéines bêta-amyloïde.

Ce phénomène semble être un cercle vicieux. En effet, des niveaux élevés de bêta-amyloïde entravent également le mouvement des fluides de nettoyage, ce qui augmente encore davantage le dépôt de protéines bêta-amyloïdes.

L’état des patients atteints de la maladie d'Alzheimer s'aggrave donc progressivement.

Un traitement permettant d’augmenter la fréquence et la durée du sommeil à ondes lentes, notamment en stimulant l’AQP4, pourrait s’avérer utile pour freiner le vieillissement du système glymphatique et ainsi prévenir ou retarder l’apparition de la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives. Pour l’instant, seuls quelques choix de mode de vie semblent efficaces pour activer le système glymphatique.

Comment prendre soin de ce système récupérateur ?

Avoir une bonne position pour dormir

La position dans laquelle l’on passe le plus clair de la nuit (même si on change de position au moins 11 fois durant le sommeil) influence les mouvements de liquides par force gravitationnelle. Des études ont montré qu’il y avait une différence de position entre les participants atteints de démence et ceux qui en sont exempts. Alors que dormir sur le ventre réduirait l’efficacité du système glymphatique, dormir sur le côté droit le rendrait plus efficace.

À lire aussi : Ce que la valériane peut faire pour vous (Abonné)

Ne pas manquer d’oméga-3

Les oméga-3 pourraient moduler l’activité du système glymphatique en prévenant notamment l’altération de l’AQP4. Un taux correct, voire plus élevé de cet acide gras essentiel, améliore la perte de capacités cognitives en activant l’élimination des cellules bêta-amyloïdes.

Les oméga-3 se trouvent dans les poissons gras comme la sardine, le maquereau ou encore le saumon.

Jeûner

En activant l’oxydation des graisses (pour produire de l’énergie en l’absence de sucre) le foie produit du bêta-hydroxybutyrate, un acide gras à chaîne courte dont le cerveau raffole. Ce nutriment augmente l’évacuation des toxines du cerveau et désactive une enzyme, l’histone désacétylase 3, dont un niveau élevé est associé à la neurodégénération.

À lire : Jeûne, mode d’emploi

Gérer son stress

Le stress chronique est un facteur de risque connu de la maladie d'Alzheimer car il accélère le dépôt de cellules bêta-amyloïdes. Et les souris exposées au stress ont présenté une diminution du fonctionnement global du système glymphatique.
Le stress déclenche l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien pour libérer des glucocorticoïdes. La maladie d'Alzheimer est associée à un dysfonctionnement de cet axe, avec des niveaux élevés de cortisol dans le sang. Les glucocorticoïdes se lient à des récepteurs ce qui a pour effet la réduction du nombre de canaux AQP4. L’activation de ces récepteurs déclenche également la formation de la protéine bêta-amyloïde.

À lire : La méditation est-elle un bon outil de gestion des émotions ? et Anxiété : 3 méthodes validées par les chercheurs et les patients​

Faire de l’exercice

Les effets neuroprotecteurs de l’exercice correspondent aussi à l’amélioration du système glymphatique qu’il induit. Une étude a montré les effets de la course à pied sur ce dernier. Résultats : six semaines d'exercice physique ont accéléré le nettoyage glymphatique, réduit l'accumulation de bêta-amyloïde et la neuro-inflammation par une stimulation des canaux AQP4.

Réduire sa consommation d’alcool

Il existe une relation dose-dépendante de l’effet de l’alcool sur le système glymphatique. Une consommation élevée (1 g/kg) et chronique en réduit l’activité ce qui a pour résultat l’augmentation du risque de maladie d’Alzheimer. Heureusement, après 24h de sobriété, son fonctionnement est totalement restauré. Au contraire, de petites doses d’alcool sont bénéfiques (comme pour de nombreuses autres fonctions) pour augmenter l’activité du système et prévenir donc la maladie d’Alzheimer.

Ne pas manger trop de sucre le soir

Dans son livre, Max Lugavere conseille, pour améliorer l’efficacité du nettoyage, d'éviter les pic d'insuline avant de se coucher. Ce qui revient donc à éviter de manger juste avant de dormir et à préférer la consommation de glucides à index glycémique bas au dîner.

Pour aller plus loin, lire : Supernutrition du cerveau

Références
  1. Reddy, O.C.; van der Werf, Y.D. The Sleeping Brain: Harnessing the Power of the Glymphatic System through Lifestyle Choices. Brain Sci. 2020, 10, 868.
     

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