Manger plus de végétaux n'a pas forcément d'effet positif sur les ressources en eau

Par Julien Hernandez - Journaliste scientifique Publié le 21/09/2019 Mis à jour le 24/09/2019
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Contrairement à une idée reçue, manger en respectant les recommandations alimentaires, donc plus de produits végétaux que de denrées animales, n'économise pas vraiment plus d'eau qu'une alimentation classique.

Pourquoi c'est important

L'eau est notre ressource la plus importante. En effet, sans consommer d'eau, nous mourrons en l'espace de 3 jours. Sans eau, impossible de faire pousser des légumes et des céréales. Sans eau, pas d'hygiène acceptable, pas d'habits, etc. L'eau est actuellement utilisée sans égard pour sa qualité de ressource essentielle, et polluée de la même façon. Il est fort possible qu'avec le réchauffement climatique, on soit obligé d'y faire plus attention.

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La question des ressources en eau est complexe. Pour bien l'appréhender, il faut tout d'abord distinguer trois "types" d'eau :

  • l'eau "bleue" est l'eau qui s'écoule dans les lacs, les rivières et qui se stocke dans les nappes phréatiques ;
  • l'eau "verte" est l'eau qui tombe du ciel puis s'accumule dans le sol. Elle n'est donc pas directement disponible pour en faire ce que l'on veut (une petite partie de cette eau vient s'ajouter à l'eau bleue mais la grande majorité est absorbée par le sol) ; 
  • l’eau "grise" est l'eau nécessaire à la dilution des polluants pour que l'eau potable respecte les normes toxicologiques en vigueur.

Ensuite, il faut faire la différence entre l'eau consommée et l'eau disponible. En effet, l’agriculture ne consomme que 10 % des ressources en eau en France chaque année tandis que le secteur énergétique a besoin de plus de 60 % de cette ressource. Mais cette eau n’est pas réellement "consommée" au sens où elle ne s'évapore pas après utilisation. Par exemple, les centrales nucléaires ont besoin d'énormément d'eau afin de refroidir leurs réacteurs mais cette eau est en transit. 90 % est rendue directement aux milieux naturels après utilisation. Elle n'en reste pas moins indisponible pour nos autres besoins pendant qu’elle sert à la production énergétique tout comme l'eau servant à nos besoins domestiques reste indisponible durant son traitement dans les stations d'épuration.

Pour bien comprendre les différences entre les différents « types » d’eaux et leur impact dans la production alimentaire, prenons un exemple concret : de la viande de pâturage produite dans une région française pluvieuse aura beaucoup moins d'impact sur l'eau bleue locale que la production intensive de chocolat (17 000 litres d'eau sont nécessaires pour produire 1 kilo de chocolat, c'est plus que pour le boeuf) en Côte d'Ivoire, région sèche et premier producteur mondiale de fèves de cacao. Bien sûr, il faut remettre cela dans un contexte de consommation alimentaire : il est a priori plus facile de manger un kilo de viande en une semaine que de manger un kilo de chocolat. 

Finalement, le plus important à avoir en tête, c'est que le problème de l'eau est local. En effet, l'eau devient un problème quand une population donnée en consomme plus pendant un temps donné (quelques mois ou années) que ne le permet le temps nécessaire à sa régénération. 

Ce que dit l'étude 

Cette méta-analyse a rassemblé les données disponibles concernant la production alimentaire et le type d'eau utilisée dans diverses régions du monde et a tenté de mesurer l'impact qu'auraient les recommandations alimentaires (si elles étaient parfaitement respectées, ce qui ne sera jamais le cas) en vigueur dans un pays sur l'économie d'eau (versus celle de l'alimentation standard de la population). Pour cela, la dépense en eau "bleue" et en eau "verte" a été comptabilisée. On peut alors voir que les produits d'origines animales, nourris avec peu de céréales (cette condition est essentielle car si les animaux sont nourris avec énormément de céréales, l'eau "bleue" s'en trouve beaucoup plus affectée) sont les plus demandeurs d'eau "verte" tandis que les céréales, les fruits, les noix et les huiles sont plus demandeurs d'eau bleue. L'étude met donc en évidence qu'une alimentation "saine" basée sur les recommandations alimentaires, donc plus végétale n'économise en rien l'eau « bleue ». 

Il semble donc que beaucoup de produits alimentaires soient pointés du doigt en raison de leur gourmandise en eau sans faire la distinction entre les types d'eau consommés et les régions du monde où le produit est cultivé. Nous gagnerions, selon les auteurs de l'étude, à mieux analyser quels quantité et type d'eau sont utilisés dans telle ou telle production alimentaire afin de prendre des mesures politiques éclairées en matière de sécurité de l'eau, adaptée à chaque région. 

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Pour conclure

Les problèmes concernant la sécurité de l'eau, les méthodes agricoles et les productions alimentaires associées sont trop complexes pour avoir des réponses simples. Une prise de conscience collective est nécessaire à tous les étages de la société (politique, scientifique, citoyen, etc.) afin d'apporter des solutions locales adaptées. Les directives et les actions ne seront donc sûrement pas les mêmes à Marseille qu'à Brest par exemple.

Autre exemple : les Californiens, qui connaissent une sécheresse grandissante depuis plusieurs années, devraient ralentir la production d'amandes dans leur État étant donné le coût en eau de cette denrée. À l'inverse, si vous vivez dans une région qui utilise une majorité d'eau "verte" pour son agriculture, il n'y a pas de réelle besoin de pointer du doigt telle ou telle production alimentaire locale sous prétexte qu'elle consomme beaucoup d'eau. Actuellement, 4 milliards de personnes sont confrontées à une grave pénurie d'eau principalement en Afrique et en Asie. C'est donc envers les produits alimentaires provenant de ces régions du monde qu'il faut être particulièrement vigilants et revoir nos modes de consommation.

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Référence supplémentaire :

Vidéo : l'épuisement des ressources en eau - Rodolphe Meyer alias "Le réveilleur", Docteur en sciences de l'environnement

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