Jean-Marie Robine : "Les gènes ne suffisent pas à gouverner notre durée de vie"

Par Collectif LaNutrition.fr - Journalistes scientifiques et diététiciennes Publié le 02/02/2007 Mis à jour le 10/03/2017
Point de vue

Jean-Marie Robine est directeur du laboratoire démographie et santé de l’INSERM. LaNutrition a demandé à ce spécialiste de la génétique si nos gènes pourraient un jour nous faire vivre plus longtemps. Réponse.

 

Peut-on parler d’un gène de la longévité ?

 

Il n’y a pas vraiment de gène de la longévité. Aujourd’hui on admet que la durée de vie est le résultat de plusieurs choses, qu’elle est multifactorielle. Nous avons tous des combinaisons différentes de gènes. Un individu possède à peu près 15 000 gènes quelconques, 5 000 bons et 5 000 mauvais. Certains vont avoir plus de mauvais, d’autres plus de bons. Modifier un seul d’entre eux n’est donc pas suffisant pour améliorer la longévité.

La durée de vie dépend de l’environnement, du patrimoine génétique, de notre comportement, mais aussi de la chance. Les gènes potentiellement associés à la longévité ne suffisent pas à gouverner notre durée de vie. On évoque de moins en moins la notion d’horloge biologique, cette théorie qui explique que chacun est programmé génétiquement dès sa naissance pour vivre un certain nombre d’années. A ce jour, un seul gène a été associé de façon certaine à la longévité, c’est l’APO E. Mais on ne peut pas l’appeler le gène du vieillissement.


Quelles sont les pistes de recherche ?

Il existe trois types de gènes impliqués dans la durée de vie. Tout d’abord, ceux qui sont associés à la croissance et au développement. Un exemple, celui des officiers supérieurs de l’armée américaine. On a constaté que plus ils étaient petits, plus ils vivaient longtemps. Cela semble logique : ils ont moins de cellules, donc moins besoin de divisions cellulaires, ils produiront donc moins d’oxydants, auront des télomères plus grands… Viennent ensuite les gènes de protection, qui vont mettre à l’abri de maladies. C’est le cas de l’APO E. Enfin, les gènes du fonctionnement biologique. Ils assurent le nettoyage, l’évacuation des déchets, la réparation, la défense avec notamment la production d’antioxydants. Avec de « bons » gènes de ce type, les déchets seront mieux évacués, les cellules mieux détruites et mieux remplacées.


Quelle est la particularité de l’APO E ?

Il agit sur les maladies cardiovasculaires et la maladie d’Alzheimer. En fonction des allèles présents dans ses chromosomes, chaque personne est plus ou moins protégée de ces maladies, associées au processus de vieillissement. Il existe trois allèles pour ce gène : e2, e3, e4. Les possesseurs de l’association (e4-e4) auront tendance à développer la maladie de façon plus précoce que les (e2-e2). Mais attention, porter la « bonne » association ne garantit pas l’absence de développement de la maladie, tout comme les porteurs de l’allèle e4 n’en souffriront pas tous. D’autant plus que la majorité de la population est e3-e3, l’association intermédiaire. La suite de cette découverte serait de trouver la molécule associée au gène puis d’en faire un médicament ou un supplément. Il s’agirait alors de corriger ou de compenser ce que l’on peut avoir de négatif dans ses propres gènes.


Mis à part ce gène, existe-t-il d’autres candidats associés à la longévité ?

Plusieurs gènes sont actuellement étudiés. Cette vingtaine de postulants a été découverte chez les animaux. Ils sont majoritairement impliqués dans la voie de la croissance et du développement. Mais à ce jour il n’y a aucune confirmation de leur action chez l’homme. Probablement parce que les allèles positifs sont trop rares dans la population pour être détectés, que leur effet est trop faible ou bien qu’ils se font sentir avec des combinaisons bien particulières. Il faudrait par exemple posséder plusieurs allèles spécifiques plus un comportement alimentaire particulier pour obtenir un effet significatif.


L’extrapolation de ces résultats à l’homme est-elle possible ?

Les gènes candidats ont notamment été découverts chez un petit ver nommé Caenorhabditis elegans dont la durée de vie est d’une vingtaine de jours. Si un organisme ne dure pas longtemps, c’est parce qu’il n’est pas robuste, qu’il ne possède pas de mécanismes d’entretien, de réparation. Certains ne se sont même pas capables de se nourrir… En bricolant leurs gènes, on peut multiplier leur longévité par 2, on a facilement des résultats. Si on effectue l’analogie avec une construction de Légos, ce ver n’est constitué que de quelques pièces. Un changement ou un ajout à un endroit bien choisi et la construction sera immédiatement plus solide. Pour l’homme, qui serait équivalent à un château fort très solide, rajouter ou modifier une pièce n’aura pas un impact très grand, cela ne changera rien à la solidité de l’ensemble.

Propos recueillis par Delphine Huguet

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